Bon, ok, facile de surfer sur la vague mais, voilà un peu plus d'un mois, sur ce blog sans prétention, j'évoquais l'obsession d'ordre de Nicolas le Désordonné. Quelques semaines ont passé et les banlieues sont en feu, la province aussi (j'adore cette expression "la province"... y a Paris "intra muros", les banlieues sauvageonnes et au-delà les pauvres pêquenots de province)... Bien sûr, Sarko, ce n'est que la goutte d'eau ou plutôt l'étincelle (avec sa rhétorique limite fascisante pour séduire un électorat dur). Le feu couvait depuis des années. Le film "La Haine " a une bonne dizaine d'années. NTM et plus tôt dans le temps Bérurier Noir voire Renaud parlaient du "malaise de la banlieue" (j'adore ces termes de journaleux comme "la grogne des enseignants"). Depuis des années, j'entends les Français moyens (dont je suis) dire "ça va pêter"... Voilà. On y est.
Comme dirait (encore) mon cher Lénine : que faire ? On est face à de la colère pure et dure... C'est maintenant que les gouvernants regrettent de ne pas avoir face à eux des syndicats ou des partis ou des associations, enfin, un truc structuré avec qui causer... A force de dénigrer les idéologies (pour la domination de l'ultra-libéralisme et d'une société de consommation à gerber qui nous détruira tous), on se retrouve avec une jeunesse sans idéologie. On crame pour cramer. On se crame soi-même. C'est le nihilisme, si bien décrit au XIX° par Dostoievski et plus récemment par André Glucksmann dans un essai sur le 11 septembre.
Je ne sais pas qui est en tort, probablement un peu tout le monde, gauche comme droite. Je suis écoeuré des récupérations politiciennes de certains, aussi bien les chantres de la droite dure (voire d'une certaine social-démocratie) qui veulent en appeler à l'armée que les tenants d'une certaine gauche naïve et idéaliste. De toute façon, l'heure n'est plus aux interrogations ni au "c'est pas nous c'est eux" (refrain insupportable des politiciens depuis une vingtaine d'années) ni même aux prospectives sur l'avenir...
Simplement, juste petite remarque d'un petit personnel de l'Education nationale, qui a connu un peu les ZEP (par expérience personnelle, notamment dans le rural... dont on ne parle plus du tout parce qu'ici il n'y a même plus de voitures à brûler dans ces campagnes qu'on laisse crever, par expérience donc mais aussi par conversations et lectures de témoignages)... Quand j'entends aujourd'hui le gouvernement évoquer la prise en compte des banlieues et une espèce d'accompagnement social et éducatif... Qui supprime massivement les postes de surveillants ? Qui a fermé les emplois-jeunes ? Qui a démantelé la police de proximité ? Qui détruit les services publics ? Faut pas mettre le feu puis chercher à l'éteindre avec un pistolet à eau. Par ailleurs, qui a élu Chirac en 2002 ? Qui t'as fait roi ? Les 82 % étaient en grande partie issus de gens qui refusaient la politique du pire de l'extrême-droite et qui croyaient que le Grand Jacques les représenterait, tiendrait compte de leur vote, se rappellerait le discours de la fracture sociale de 1995 (auquel des imbéciles naïfs comme moi ont alors presque cru, je l'avoue)... Quel gâchis ! Trois ans de libéralisme débridé, de navigation à vue, face à une opposition qui ne cherche qu'à reprendre le pouvoir... Mais pour quoi faire ? La même chose en "light" ?
Je n'irai pas jusqu'à écrire "Une seule solution : la Révolution"... D'abord, j'ai passé l'âge (hélas... snif !). Ensuite, je ne crois pas aux solutions violentes. Mais, après le choc du 21 avril 2002, celui du référendum européen, la grève "pirate" de la SNCM, la grève illégale des Transports marseillais (on n'avait jamais vu ça : maintenant, les grèves deviennent illégales), les élections municipales et sénatoriales reportées d'un an (où avait-on vu auparavant de telles magouilles pré-électorales ?), maintenant et même si ça n'a rien à voir c'est l'embrasement des quartiers...
Il y a dans ce pays une fracture, entre la jeunesse et la police, et les institutions... Et pas seulement les jeunes de banlieue. Mes élèves de petit collège rural sont tous derrière les casseurs des cités, intuitivement, instinctivement.
Je ne parlerai pas des médias qui mettent de l'huile sur le feu, qui mélangent tout, qui assimilent les jeunes à des islamistes organisés (on voit des complots partout), comme il y a deux ans à Luri en Corse (où j'exerçais alors) on avait travesti le geste imbécile de quatre ados désoeuvrés en acte terroriste (jusqu'à les trimballer à Paris en avion militaire, mettre des tireurs d'élite sur le toît du collège pendant les cours et aboutir à deux nuits de violence pure...). C'est chaque fois le même délire de ces journalistes qui simplifient tout et nous servent la grand-messe du Vingt heures.
Bon, ce sont des idées en vrac... Un petit excès d'humeur peut-être... Mais, bon, ça vient du coeur et, pour une fois, je voulais pas causer dans mon blog de mes soucis de coeur (même si je me demandais en prenant "la plume virtuelle" comment aimer quand l'autre ne vous aime pas ou vous aime bien et autres soucis d'amoureux éconduit que je suis...), de mes coups de coeur musicaux (le concert de Pink Martini à Moulins fin octobre... un délice !) (et bientôt Moby à clermont !), voire de mes lectures (le livre co-écrit par le Père di Falco et Beigbeder est passionnant ; j'ai enfin lu la B.D. "Maus", extraordinaire évocation de l'Holocauste mais aussi interrogation sur les rapports père/fils) voire enfin de ma colère à l'égard d'une société qui ne fait rien pour la recherche médicale (avec une mère victime d'Alzheimer je découvre combien tout le monde s'en fout parce que c'est "une maladie de vieux")...
Aujourd'hui, à ma petite échelle, j'ai la haine.
Comme dirait (encore) mon cher Lénine : que faire ? On est face à de la colère pure et dure... C'est maintenant que les gouvernants regrettent de ne pas avoir face à eux des syndicats ou des partis ou des associations, enfin, un truc structuré avec qui causer... A force de dénigrer les idéologies (pour la domination de l'ultra-libéralisme et d'une société de consommation à gerber qui nous détruira tous), on se retrouve avec une jeunesse sans idéologie. On crame pour cramer. On se crame soi-même. C'est le nihilisme, si bien décrit au XIX° par Dostoievski et plus récemment par André Glucksmann dans un essai sur le 11 septembre.
Je ne sais pas qui est en tort, probablement un peu tout le monde, gauche comme droite. Je suis écoeuré des récupérations politiciennes de certains, aussi bien les chantres de la droite dure (voire d'une certaine social-démocratie) qui veulent en appeler à l'armée que les tenants d'une certaine gauche naïve et idéaliste. De toute façon, l'heure n'est plus aux interrogations ni au "c'est pas nous c'est eux" (refrain insupportable des politiciens depuis une vingtaine d'années) ni même aux prospectives sur l'avenir...
Simplement, juste petite remarque d'un petit personnel de l'Education nationale, qui a connu un peu les ZEP (par expérience personnelle, notamment dans le rural... dont on ne parle plus du tout parce qu'ici il n'y a même plus de voitures à brûler dans ces campagnes qu'on laisse crever, par expérience donc mais aussi par conversations et lectures de témoignages)... Quand j'entends aujourd'hui le gouvernement évoquer la prise en compte des banlieues et une espèce d'accompagnement social et éducatif... Qui supprime massivement les postes de surveillants ? Qui a fermé les emplois-jeunes ? Qui a démantelé la police de proximité ? Qui détruit les services publics ? Faut pas mettre le feu puis chercher à l'éteindre avec un pistolet à eau. Par ailleurs, qui a élu Chirac en 2002 ? Qui t'as fait roi ? Les 82 % étaient en grande partie issus de gens qui refusaient la politique du pire de l'extrême-droite et qui croyaient que le Grand Jacques les représenterait, tiendrait compte de leur vote, se rappellerait le discours de la fracture sociale de 1995 (auquel des imbéciles naïfs comme moi ont alors presque cru, je l'avoue)... Quel gâchis ! Trois ans de libéralisme débridé, de navigation à vue, face à une opposition qui ne cherche qu'à reprendre le pouvoir... Mais pour quoi faire ? La même chose en "light" ?
Je n'irai pas jusqu'à écrire "Une seule solution : la Révolution"... D'abord, j'ai passé l'âge (hélas... snif !). Ensuite, je ne crois pas aux solutions violentes. Mais, après le choc du 21 avril 2002, celui du référendum européen, la grève "pirate" de la SNCM, la grève illégale des Transports marseillais (on n'avait jamais vu ça : maintenant, les grèves deviennent illégales), les élections municipales et sénatoriales reportées d'un an (où avait-on vu auparavant de telles magouilles pré-électorales ?), maintenant et même si ça n'a rien à voir c'est l'embrasement des quartiers...
Il y a dans ce pays une fracture, entre la jeunesse et la police, et les institutions... Et pas seulement les jeunes de banlieue. Mes élèves de petit collège rural sont tous derrière les casseurs des cités, intuitivement, instinctivement.
Je ne parlerai pas des médias qui mettent de l'huile sur le feu, qui mélangent tout, qui assimilent les jeunes à des islamistes organisés (on voit des complots partout), comme il y a deux ans à Luri en Corse (où j'exerçais alors) on avait travesti le geste imbécile de quatre ados désoeuvrés en acte terroriste (jusqu'à les trimballer à Paris en avion militaire, mettre des tireurs d'élite sur le toît du collège pendant les cours et aboutir à deux nuits de violence pure...). C'est chaque fois le même délire de ces journalistes qui simplifient tout et nous servent la grand-messe du Vingt heures.
Bon, ce sont des idées en vrac... Un petit excès d'humeur peut-être... Mais, bon, ça vient du coeur et, pour une fois, je voulais pas causer dans mon blog de mes soucis de coeur (même si je me demandais en prenant "la plume virtuelle" comment aimer quand l'autre ne vous aime pas ou vous aime bien et autres soucis d'amoureux éconduit que je suis...), de mes coups de coeur musicaux (le concert de Pink Martini à Moulins fin octobre... un délice !) (et bientôt Moby à clermont !), voire de mes lectures (le livre co-écrit par le Père di Falco et Beigbeder est passionnant ; j'ai enfin lu la B.D. "Maus", extraordinaire évocation de l'Holocauste mais aussi interrogation sur les rapports père/fils) voire enfin de ma colère à l'égard d'une société qui ne fait rien pour la recherche médicale (avec une mère victime d'Alzheimer je découvre combien tout le monde s'en fout parce que c'est "une maladie de vieux")...
Aujourd'hui, à ma petite échelle, j'ai la haine.
8 commentaires:
Voici, ci-dessous, en copié-collé le texte d'un ami, ce cher Fred R. alias Doctor Freyd, sur son blog, qui m'a incité à m'exprimer également et qui avait eu la gentillesse de me citer... Rendons à César...
L'ordre mon cul, la liberté m'habite !
Comment rester indifférent aux évenements qui secouent aujourd'hui les banlieues ? Comment ne pas s'indigner des propos d'un ministre en exercice, et non des moindres puisqu'il s'agit de celui de l'Intérieur, par ailleurs chef de parti et candidat de fait à la présidence de la France ? Comment enfin ne pas comprendre l'émoi légitime, certes bien mal mis en valeur par les casseurs patentés et autres incendiaires de service, de la France des banlieues pour ne pas dire la France des ghettos ?
Ce même ministre, qui flique la route et ramène l'automobiliste et le motard au rang peu reluisant de délinquant, voire de criminel potentiel à grand renfort de radars automatiques à près de 80 000 € pièce, combien de centimes a-t-il investi dans les ghettos de banlieues pour éradiquer misère sociale, détresse morale, discrimination raciale ? Combien, on se le demande ?
Voilà, on a levé légèrement le couvercle de la marmite en ébullition depuis pas mal de temps déjà, la pression va bientôt retomber et notre apprenti Big Brother pourra encore un temps continuer à se pavaner sur les ondes où les journaleux n'auront d'autre hâte que de lui servir la soupe (puisse cet écoeurant brouet l'étrangler...) et il pourra continuer à parsemer les routes de 1 500 autres tristes photo-matons et autres caméras de surveillance tout en tirant profit de l'aspect rentable du procédé !
Car certes, l'éradication de la misère, des inégalités, du chomage endémique, de la xénophobie n'est pas une activité rentable, c'est un devoir humain. Toute l'humanité qui nous a été proposée jusque-là tient dans l'automatisation des sanctions et une logique de tiroir-caisse, cela augure bien de l'avenir... Ahh ! il est beau, beau et coûteux, l'arsenal répressif du Sarko entre flash-ball et radar ! Elle est rentable, désormais, la police dont les missions de proximité, de reconquète des banlieues en jachère ont été les premières à disparaître sous la férule sarkozienne... symptomatique d'une politique !
Le nouvel ordre français, c'est ça : 100% répression, 0% prévention et tolérance zéro, éducation à la schlague et "nettoyage au Karscher®" de "la racaille"... Je ne sais pas vous, mais moi j'y trouve comme une vieille odeur de chemise brune rance à tout ça !
Et que dire de notre république qui continue d'étaler de manière ubuesque aux frontons des édifices publics "Liberté - Egalité - Fraternité", il y a de quoi rire... ou pleurer ! Liberté, mais liberté de quoi ? De marcher au pas de l'oie ? Egalité ? Avec d'un côté les bons et de l'autre "la racaille" ! Fraternité, quand on prentend avec aplomb qu'on va "nous en débarraser" (de la racaille de banlieue, des laissés-pour-compte des ex-centres de rétentions...).
Mais comme le dit Superdoc, c'est ainsi que l'ordre règne à Sarkoland ! Eh bien l'ordre mon cul, la liberté m'habite !
Son adresse de blog : http://kawasakid.blogspot.com/
Impossible de rester insensible à ce qui se passe en ce moment dans les banlieues (surtout quand on y habite!)... Depuis septembre, chaque jour qui passe m'apporte son lot d'évènements et de découvertes hallucinants... To make a long story short, j'ai envie de crier ici que j'ai un élève SDF, un autre qui est battu dans sa famille d'accueil, d'autres qui vivent avec leurs familles dans des studios... Et je fais grâce du pire, car personne ne voudrait me croire... La misère existe, elle est à 2 pas de chez vous... Mais la violence n'est ni une solution, ni une excuse, ni une explication... Elle ne fait qu'entraîner encore plus de violence... Et ça ne résoudra rien. Et moi aujourd'hui, dans mon petit appartement, dans la rue, dans le bus, dans cette fameuse banlieue, j'ai PEUR.
Commentaire d'un collègue sur le sujet...
"Sentiment d'écoeurement bien compréhensible, que nous parta-
geons tous plus ou moins. Pour ma part, j'ajouterai une nuance : contrairement à toi semble-t-il, je ne me suis jamais fait d'illusions quant à ce qu'on pouvait attendre de Chirac. La majorité qu'il avait obtenue au second tour était sans précédent ; son véritable adversaire, au lieu d'être logiquement à gauche, était plus à droite que lui ; comment ne se serait-il pas senti les mains libres pour faire sa politique
plus "à donf" que lors de ses mandats précédents? Je fais partie, certes, de ceux qui l'ont élu, mais amèrement, comme on avale une couleuvre, juste pour exprimer mon aversion viscérale de l'extrême-droite. Je me suis demandé si j'avais bien fait : ne pouvait-on, partant de l'idée
que Le Pen n'avait pas vraiment sa chance, s'abstenir pour "laisser passer" Chirac sans l'y aider activement? Il est vrai que Le Pen, sans être élu, aurait obtenu un pourcentage bien plus important des suffrages
exprimés, qui aurait conforté sa crédibilité dans l'opinion ; je crains d'ailleurs que ce qui se passe en ce moment joue à la fois contre la gauche, suspecte d'indulgence ou de laxisme, et contre la droite, tenue
pour impuissante, donc en fin de compte en sa faveur. Ne egrettons
donc rien ; mais je trouve étrange qu'aucune personnalité politique n'ait demandé une réforme de ce système électoral antidémocratique, avec un second tour de l'élection présidentielle analogue à celui des législatives."
> Jean B
Tout à fait d'accord avec ton collègue quant au peu d'illusions à se faire sur l'attitude de Chirac à l'issue de la présidentielle de 2002... Les scrutins suivant ont d'ailleurs dissipés tous les doutes que l'on pouvait avoir sur le sujet !
Il voulait le pouvoir, il a eu en plus les mains libres et l'esprit dégagé des préoccupations de renouvellement de mandat...
Le resultat, eh bien on le vit au jour le jour !
Je partage cette haine, l'état d'urgence est décrété. Comment peut-on utiliser une loi de l'époque coloniale pour résoudre la crise d'aujourd'hui?? Le gouvernement n'a rien compris.
Elève en PLC1 Doc à Caen
Commentaire d'une collègue documentaliste, suite à la publication de cetexte sur la liste de diffusion des docs du SNES (le texte est également paru sur le site lemetierdenseigner.fr) :
"Militante de gauche depuis des années ( si cela a encore du sens) je ressens exactement la même chose face au manque de clairvoyance des médias et au traitement de la jeunesse aujourd'hui. Effectivement nos hommes politiques qui ont démantelé tous les réseaux associatifs et qui reprochaient aux syndicats de faire de la politique voudraient aujourd'hui une révolte idéologique et des interlocuteurs qui ne soient pas des " brutes" lus tard..."
evelyne m.
Commentaire d'Alain Juppé (si ! si !), et c'est pas un homonyme...
"Merci de m\'avoir adressé votre texte que j\'ai lu avec grand intérêt. Je comprends votre accès de colère. Cordialement. AJ."
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