Un jour, on arrive au bout du chemin. C'est une voie sans issue. On est face à un mur. Que faire ? Retourner sur ses pas ? Escalader le mur ? Se cogner la tête contre les briques en attendant que ça passe ? Mais ça ne passe pas.
J'ai atteint mon plafond de verre, pour prendre une expression fort jolie hélas détournée ces derniers jours par des chroniqueurs politiques en mal d'inspiration. Pour parler en termes plus "DRH", je suis la vivante réalisation du "principe de Peter". Je cite wikipedia : « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence », avec pour corollaire : « Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité. ».
Voilà trois ans quasi jour pour jour... C'était le jour de la fin du monde, vous savez, la prédiction des Mayas, le 21 décembre 2012... mon Dieu ! comme tout ça parait loin !... C'était donc il y a trois ans... Le jour de mon inspection... Pour les gens qui ne sont pas dans l'Education nationale, petite explication : nous sommes plus ou moins (souvent moins que plus : dans mon cas c'était seulement la deuxième fois en plus de vingt ans de carrière) régulièrement "inspectés". A ce propos, j'en profite pour confirmer la rumeur : il n'y a aucune visite médicale dans l'Education nationale. On peut faire toute une carrière sans voir une seule fois la médecine du travail. Nous sommes hors contrôle... Avec tout ce que ça peut sous-entendre...
J'ai donc été inspecté le 21 décembre 2012. J'étais alors au collège Charlotte Delbo de Tronget, où j'avais fait sereinement ma neuvième rentrée. Tout allait plutôt bien dans ce collège rural où "j'avais fait mon trou", une fois de retour sur le Continent après mes cinq ans merveilleux au Collège du Cap à Luri. L'inspectrice, satisfaite, semble-t-il, de mon travail, me conseilla d'aller voir ailleurs, de prendre le large, de me mesurer au vaste monde... Et si vous alliez travailler en lycée ? L'idée m'avait déjà traversé l'esprit au printemps précédent, du fait que j'avais déménagé de Moulins pour Montluçon, mais ce ne fut alors qu'une idée vague.
Là, notamment pendant les vacances de Noël, le poison s'est lentement répandu dans mes neurones... Aller bosser en lycée ? Pourquoi pas ? Je pensais terminer ma carrière en lycée. A 42 ans (alors), c'était un peu tôt pour parler de fin de carrière mais pourquoi pas tenter l'aventure ? J'ai oublié à ce moment là l'avertissement d'un de mes anciens principaux : "Attention, Monsieur Pérès, à ne pas quitter la proie pour l'ombre". On sait ce qu'on perd, on ne sait jamais ce qu'on trouve.
Mais... Mais... Mais... L'idée de ne plus avoir à faire la route, notamment en hiver, était séduisante. L'idée de voir d'autres têtes aussi. Et surtout l'idée, malsaine mais moteur de l'humanité depuis la nuit des temps, de se montrer ambitieux, de tenter le diable (tiens... tiens...), de se prouver et de prouver aux autres que l'on était capable de relever un "challenge", un défi, une nouvelle aventure... Et puis ça allait en jeter... Travailler dans un grand lycée, où en plus il y avait des classes préparatoires (ces fameuses "prépas" que je n'avais pas osé affronter quand j'étais étudiant, parce que j'avais eu peur et aussi, avouons le, parce que je n'avais clairement pas le niveau)... J'allais désormais jouer dans la cour des grands.
Hélas. On croit trouver un grand lycée enthousiasmant où tout le monde est sympathique. On découvre un lycée de province, qui jalouse son voisin de palier (la guerre fait rage avec "l'autre lycée" de la même agglomération). Un établissement où beaucoup d'enseignants mettront plus d'un an à vous dire bonjour. Un espace finalement anonyme où l'on attend du documentaliste d'ouvrir dix heures par jour et cinq jours par semaine, point barre. Si ! Il faut aussi répondre présent dans l'instant à toutes les sollicitations.
C'est là que j'ai découvert combien mon métier était différent en collège et en lycée, surtout en collège rural où on met la main à la pâte pour un peu tout, où on peut lancer plein de projets, participer à diverses activités avec plus ou moins de bonheur... Et souvent plus ! Que ce soit à Villon dans les Années 1990, à Luri ou à Tronget, j'avais animé un atelier théâtre et organisé des spectacles. Bien sûr, c'était "amateur". Mais, là, dans un lycée avec option théâtre, il devenait désormais totalement impossible pour moi d'imaginer encore animer un atelier théâtre. D'abord, on m'a expliqué que le mot "atelier" n'était pas politiquement correct et surtout pas digne d'un enseignement de lycée. Ensuite, ben, forcément, je n'aurais de toute façon pas eu (du tout) le niveau.
Finies les activités annexes, qui parfois m'agaçaient mais faisaient aussi le sel de mon métier... L'initiation à la sécurité routière, l'exercice annuel d'évacuation de car, la visite des élèves de sixième aux résidents de la maison de retraite locale... Bien sûr, tout ça, pour des profs de lycée, ça fait au mieux "oeuvre de patronage" sympathique, au pire un truc tellement minable et risible. Eux, ils préparent leurs élèves au bac et aux grandes écoles et aux universités prestigieuses. Des gamins de collèges ruraux, dans des zones plutôt pauvres (que ce soit Luri ou Tronget, ce n'était pas l'Eldorado question ressources économiques), certain(e)s n'en ont jamais vu et/ou ne veulent plus en voir.
Je suis devenu un bibliothécaire dans un immense centre de documentation qui donne le vertige. Beaucoup beaucoup de livres et aussi beaucoup beaucoup de fauche... C'en est d'ailleurs désespérant. Pas une semaine sans que je constate la disparition d'ouvrages... Que ce soit à Luri ou à Tronget, je n'avais jamais vu ça.
Points positifs... Il y en a bien sûr. Une direction (l'ancienne comme la nouvelle) qui nous laisse les coudées franches. Des personnels administratifs et de service fort sympathiques, avec qui on partage, face à nombre d'enseignants, cette désagréable (humiliante même) impression d'être "le petit personnel de service". Et surtout, surtout, des élèves polis, intéressants, intelligents (trop d'ailleurs parfois... c'est là que je réalise que je ne suis vraiment pas "à jour" intellectuellement !). Enfin, et c'est notoire, quelques collègues vraiment très sympathiques, qui m'ont accueilli dès les premiers jours, et avec qui je peux plaisanter quand j'ai l'occasion de les croiser car, dans un grand lycée, on peut ne pas voir certains collègues pendant des mois... Et, bizarrement, c'est toujours les personnes avec qui on a le moins à échanger, les personnes qui vous toisent pour ne pas parler de mépris (je finis par devenir parano), ce sont ces personnes là qu'on croise le plus souvent... Dommage !
J'ai cru être à la hauteur. Je ne le suis pas. Je suis désespérément médiocre. Pas mauvais, bien sûr. Je fais "le job". Mais rien de plus. De toute façon, je ne peux pas faire plus. Je me lève chaque matin la boule au ventre, l'envie de pleurer me prend quand je sors de chez moi et le soir je rentre épuisé nerveusement. Bien sûr, j'ai la sécurité de l'emploi, les vacances et tout le blabla de ces salauds de fonctionnaires parasites que la majorité des Français rêve de mettre face au peloton d'exécution pour l'exemple.
Mais cette impression d'inutilité, de non épanouissement, de néant même... Est-ce l'âge ? Le fait de ne pas avoir de projet (au sens étymologique du terme : je n'ai aucune capacité de "me projeter"...) et la terreur de passer toute ma carrière (plus de vingt ans encore) enfermé dans un poste où je prouve jour après jour mon incompétence crasse. L'impression désagréable d'être dans "Un jour sans fin", la poésie et la musique en moins. Ajoutez à cela mon âge, la pendule qui tourne, les personnes autour de moi qui vieillissent et la nuit les souvenirs du temps jadis qui me hantent. Des nuits sans sommeil, des jours sans entrain.
Voie sans issue. Impasse.
Soyez très prudent(e) le jour où l'on vous propose "une promotion"... C'est, généralement, le début de la fin. Tout le monde n'a pas les épaules pour changer de poste, tout le monde n'a pas l'ambition, l'orgueil et le minimum d'égoïsme indispensable pour "monter en grade". Certains resteront "hommes du rang" toute leur vie. Après tout, pendant mon service militaire, j'étais "première classe", et ça m'allait très bien. J'aurais fait un bien mauvais brigadier (l'équivalent de caporal dans l'infanterie, mais moi je servais dans l'artillerie), et pire encore si j'avais été sous-officier voire officier de réserve.
Dieu sait que je suis égocentrique et narcissique (le psy m'avait dit une fois, du temps où je le fréquentais, que je souffrais de "blessures narcissiques", je n'ai toujours pas bien compris ce que ça voulait dire), mais je ne pense pas être égoïste. Il faut l'être un minimum pour avoir de l'ambition. Je manque désespérément d'ambition. Par ailleurs, je suis très (trop !) sensible au climat qui m'entoure. Même si tout le monde, depuis trois ans, me conseille de "faire avec", de ne pas tenir compte du mauvais esprit qui peut régner autour de moi (voire parfois à mon encontre), je n'y arrive pas.
J'en ai même perdu le goût du cinéma, tellement peur d'être jugé par les censeurs intellectuels qui m'entourent pour mes goûts trop populaires et médiocres. Je ne suis pas allé voir le dernier James Bond, que j'attendais impatiemment. Il faut dire que les événements du 13 novembre m'ont temporairement sevré de l'envie de voir des films avec des explosions. Je n'irai probablement pas voir le dernier Star Wars. Pas d'envie. Plus d'envie. La peur de la foule aussi, je l'avoue, et un peu l'overdose face à "l'effet Disney". Perdu le goût des séries télé, à force d'entendre "Ah ! Nous, on n'a pas la télé !" avec le regard condescendant des élites vers la plèbe qui perd son temps devant des séries. Ne parlons pas des lectures... Ce n'est pas de la littérature, voyons !
Bien sûr, après-demain, c'est les vacances. La magie de Noël. Egalement le gavage imposé et le rappel criant que je n'ai pas d'enfant et plus beaucoup de famille. Mais qu'importe. C'est les vacances. Certes. Mais dans deux semaines et demi, je replongerai. Le retour au lycée. Les mêmes collègues, le même mépris, le même climat. Et pour combien d'années encore ? Toute la vie ?
Le problème ne vient pas des autres mais de la perception que j'ai d'eux. Le problème vient de moi. Mais que faire ? Fuir ? Mais où ? Et je suis trop vieux pour partir et j'ai malgré tout quelques attaches (et pas des moindres !) ici, même si j'ai toujours l'impression de "ne pas être d'ici". Curieuse, cette impression de ne pas se sentir chez soi. Je ne l'avais pas du tout à Tronget, ni à Luri. J'étais chez moi là bas, au milieu des miens. Tout n'était pas toujours rose, il y a même eu des moments tendus et quelques coups de gueule épiques mais nous étions comme une famille. En ces temps de fêtes, l'esprit de famille me manque encore plus. Je ne pensais pas que j'écrirais ça un jour... Peut-être ai-je fini par briser mon plafond de verre ?
3 commentaires:
Je vais faire un pêle-mêle entre tes 4 derniers articles et les échanges que nous avons eu ou pas en dehors d'ici donc par avance je m'excuse pour les possibles digressions de mon discours et ma possible (probable) perte de fil.
Tout d'abord, c'est un réel plaisir de te lire. Car je suis majoritairement entouré de gens qui communiquent en langage sms ou qui font des fautes d'accord de conjugaison grammaticales ou que sais-je encore alors voir un français correct ça fait un bien fou.
J'ai lu ton article sur le manque de la Corse et moi qui rêve (crève même) de pouvoir y retourner, te comprends parfaitement. Tellement d'images, de souvenirs, de bons moments, de découvertes et j'en passe.
Je suis actuellement en pleine série d'examens médicaux ce qui me rappelle ce que tu as dit sur les relations que nous possédons tous alors pardon.
Oui c'est brut sans justification mais comme je ne sais plus pourquoi nous ne nous parlons plus depuis si longtemps ni pourquoi mes derniers messages n'ont pas trouvés réponse, je m'excuse pour ce que j'ai pu dire ou faire ou même oublier de dire ou ne pas avoir fait.
Parce que c'est important d'être en paix avec soi même et surtout avec les autres, ceux qui nous sont cher.
Concernant ton article du jour, je ne vois pas cela comme un manque d'ambition ou une quelconque médiocrité. Ça arrive de se perdre soi-même en route, de perdre le feu sacré de ce qui nous poussait chaque matin.
Tu as une opportunité, tu l'as saisie. Que le poste ne te convienne pas et que tu ne t'y sentes pas à ton aise malheureusement cela arrive mais au moins tu auras pour toi le fait d'avoir tenté l'aventure. Tu ne feras pas partie des "et si". Ça arrive aussi de se tromper. Peut être que comme tu le dis, tu es plutôt fait pour officier dans un cadre plus rural, plus convivial mais cela n'est pas pour moi une faiblesse.
Dans un monde individuel et impersonnel, je me souviens d'un homme passionné qui un temps m'a ouvert des portes de réflexion que je n'aurai sans doute jamais poussé.
Et malgré ton amateurisme (là encore je m'appuie sur tes propos), je me souviens être venu voir une de tes représentations au théâtre de Moulins. Pour moi, ça n'est pas de l'amateurisme quand on en arrive là. Je tiens à préciser que j'ai toujours avec moi le ticket de cette fameuse soirée, qui me sert de marque page.
Je suis surpris que le merveilleux cinéphile que tu étais, ne se soit pas précipité voir le dernier James Bond et ne soit pas dans la file d'attente pour Star Wars. Quand je repense au déménagement de ton ami que nous avions fait, le fameux fan de Star Wars (qu'il m'excuse si j'ai oublié son prénom, j'ai plutôt la mémoire des visages).
Tout ça pour dire que la vie est courte et que tous les plaisirs même les plus infimes soient ils, doivent être savourés avec délectation et peut importe les "on-dit" et les jugements hâtifs des uns et des autres, qui bien souvent se donnent un genre supérieur alors que tes qualités humaines d'homme entier et passionné sont à mes yeux bien plus grandes qu'une culture formatée et sans saveur.
Bien Cordialement,
Johan
Ah ! non, c'est pas possible ! Tout ce que tu veux, mais ne pas aller voir le dernier Star Wars, toi ! toi qui m'a convaincu de l'intérêt de ces films, à qui je penserai très fort en allant voir ce dernier opus, je ne peux pas y croire.
Décidément, tu as bien gardé les choses à couvert pendant ces deux années, où, si je relis ton blog, je te vois te féliciter d'être dans ton lycée. J'espère de tout coeur que tes sentiments actuels ne sont que passagers, qu'ils ont partie liée avec la saison, les jours au plus court, la nuit tôtive, l'approche des fêtes qui soulignent les solitudes et les songes creux.
Cela dit, je te comprends fort bien et tes sentiments n'ont rien de monstrueux ou d'illogique. Il y a sûrement des collègues à toi qui sont désagréables et hautains, il y en a partout des comme ça. En plus, ils ne te connaissent pas, ou pas assez, ils n'ont pas connu, par exemple, le Jean-François électrique et organisateur de fêtes joyeuses que j'ai connu à Aléthéia. Moi je sais qui tu es, et de quelles ressources tu disposes pour rendre les gens heureux. Je me rappelle combien tu étais populaire au lycée, combien tu pouvais sans cesse être le maillon qui unissait tout.
Là où j'ai du mal à te comprendre, c'est que tu fasses un complexe devant ton lycée. Il faudrait que tu entendes ce qu'on peut penser d'un tel lycée de province à Paris, par exemple. J'en ai eu des aperçus éloquents lorsque pendant quatre années j'ai fait passer le CAPES à Paris et à St-Cloud, écrit et oral, et que j'ai dû fréquenter des collègues enseignant en prépas parisiennes, ou en Sorbonne. J'étais le pauvre petit prof du secondaire, provincial de surcroît, dont on se demandait sans doute pourquoi son inspecteur l'avait propulsé là (contre mon gré, d'ailleurs, car la chose ne m'avait jamais tenté, et c'est l'inspection qui m'a forcé la main). Certains collègues me croisaient sans même me regarder, je ne parle même pas de dire bonjour. J'étais transparent. Pas pour tous, heureusement, mais j'ai appris à relativiser, tout en éprouvant des sentiments très voisins de ceux que tu décris aujourd'hui. Moi aussi, j'y allais à reculons le matin. Alors dis-toi bien que ces collègues pas très aimables dont tu parles, y compris les prestigieux profs de prépa, à l'aune des regards parisiens, ils n'ont pas beaucoup d'existence et que tu puisses donner de l'importance à leurs jugements ferait sourire.
Cela dit, je comprends fort bien que croiser chaque jour ceux qui sont les plus déplaisants est éprouvant. Mais travailler en lycée ou en collège, je ne vois pas bien la différence de prestige : il est mince dans les deux cas, pour ne pas parler de la manière dont sont considérés aujourd'hui les enseignants par le grand public. Pour beaucoup de gens, être prof, c'est le dernier des métiers en termes de noblesse et de prestige ; être documentaliste est sûrement mieux, plus au large. Que je sache, les salaires sont les mêmes en lycée et en collège, non ?
Gérard
Si vraiment tu te sens malheureux à ce point, songe à retrouver un collège. Il doit bien y en avoir près de chez toi, qui ne te demanderaient pas des trajets, comme auparavant. Tu le sais bien, il n'y a pas de petits métiers ou de petites gens, il n'y a que de petits esprits.
Continue d'aimer tout ce que tu aimes, sans te demander comment tes goûts sont jugés. Il y a fort à parier que parmi les profs qui t'impressionnent, il y en a qui emportent aux toilettes Jours de France ou Closer. Et pas seulement aux toilettes, sans doute. J'en ai bien connu, des collègues de lettres au verbe haut, qui se révélaient ne pas lire une seule ligne de littérature une fois rentrés chez eux, et dont la culture se réduisait très étroitement aux textes préparés pour leur classe et en complexité se bornait aux notes de bas de page des manuels.
En tout cas, tu ne crains personne pour l'art d'écrire en étant intéressant. Tu n'as pas besoin que ton sujet le soit, c'est ça la pierre de touche de l'écrivain. Tu as un naturel dans la sincérité, dans la formulation, qui aurait rendu ta mère fière de toi, et que ton père sait sûrement apprécier.
Ne te rends pas malheureux. Nul n'est attaché à son rocher. Move on ! Si tu vivais aux USA, tu changerais en moyenne de job deux fois en dix ans. Rester dix ans dans le même emploi, c'est là-bas la honte totale. Si tu penses que tu doives être plus heureux dans un collège, demande un collège. Et en attendant, fais ton travail et repère ceux qui l'apprécient : je suis sûr qu'ils sont une majorité, même s'ils ne le disent pas toujours.
Tu sais que tu as au moins un lecteur au bout de tes lignes, qui sait leur donner leur prix. Je t'ai peut-être raconté que j'avais été invité jadis à rencontrer Marguerite Yourcenar, à la suite d'une lettre que je lui avais envoyée. Nous avions passé toute une soirée ensemble, à Paris, juste après sa réception à l'Académie Française. Elle m'avait gentiment dit que je la lisais bien. Pense à cela quand tu croiseras tes têtes maussades professorales. Leurs rencontres littéraires ne vont pas forcément beaucoup plus loin que celles de leurs libraires ou de leur crémier. Toi, au moins, tu as un fan qui sait lire.
Je pense bien à toi, mon cher Jean-François, en cette période de Noël. Que le Seigneur qui sait la vérité et le prix des êtres nous donne de le passer dans la paix.
Gérard, suite
Enregistrer un commentaire