jeudi 31 mars 2011

Lettre ouverte à mes amis du Cap Corse...

Voilà bientôt sept ans que j'ai quitté Luri et le Cap Corse... Et je n'y suis encore jamais retourné... Pourquoi ? Je me dis que je vous dois peut-être quelques explications... De même que je n'ai pas pu retourner, depuis la mort de ma mère, à L'Escarène (village d'enfance de mon père et où ma mère est enterrée) et surtout à Menton (là où vivent les soeurs de ma mère et mes cousines et où sont enterrés mes grands-parents maternels). De même je n'ai pas pu reprendre le bateau ou l'avion pour aller faire un tour du côté de Bastia et du Cap Corse...

Et pourtant je pense à la Corse et au Cap... Et j'y pense souvent... Encore la semaine dernière je n'ai pu retenir quelques larmes en regardant une carte du Cap et les noms si familiers des villages et des hameaux... à commencer par Castellu où j'ai vécu de 2000 à 2004...

Printemps 2004... Après mûre réflexion, j'ai demandé quelques semaines auparavant une mutation pour "rentrer sur le Continent" afin de me rapprocher de mes parents, et plus particulièrement ma mère, dont je sens que les jours de lucidité sont hélas comptés. J'ai appris que j'avais obtenu ma mutation pour l'Auvergne alors que mes parents étaient pour quelques jours chez moi et le jour même de la fête du collège... Mes sentiments étaient, vous pouvez l'imaginer, très partagés en ce vendredi pluvieux... L'excitation autour de la fête du collège et la volonté que tout soit réussi, la joie d'avoir appris que ma mutation était effective mais aussi et surtout cette tristesse car je savais que ma vie prenait un tournant. Un tournant définitif. Je crois que j'ai rarement autant pleuré que ce jour là, tentant en vain de cacher mes larmes à mes parents.

J'avais choisi d'aller vivre en Corse et plus particulièrement dans le Cap, en 1999. J'y ai finalement vécu et travaillé pendant cinq ans. Ce ne fut pas rose tous les jours, notamment au début, parce qu'il faut toujours un "temps d'adaptation" quand on s'installe quelque part où on ne connaît personne... Puis j'ai progressivement "fait mon trou" à Luri comme on dit. J'envisageais éventuellement de me rapprocher de Bastia dans les années à venir mais je comptais bien continuer à travailler au Collège du Cap.

La vie en a décidé autrement... Je n'ai pas fait ma vie dans le Cap Corse. Quelques jours après l'annonce de ma mutation, je montais à Moulins pour commencer "mon déménagement". Je découvrais le collège de Tronget que j'avais mis en premier dans mes voeux "intra-académiques".

Sept ans ont passé. Je suis toujours au collège de Tronget où je suis très heureux. Je ne suis jamais retourné en Corse. Tant de choses se sont passées ces dernières années... Tout d'abord, ce fut la lente (puis rapide) et inexorable descente aux enfers de ma mère qui nous a quittés un jour de décembre 2008. Ce fut aussi une période où je me suis un peu (voire complètement) perdu, entre une dépendance à l'alcool de plus en plus marquée et la quête de l'âme soeur pour enfin rompre des années d'une solitude de plus en plus pesante.

Après le décès de ma mère, ce fut le temps réjouissant (et qui n'est toujours pas totalement terminé) des "histoires de succession", les problèmes d'héritage et autres festivités qui font que l'être disparu meurt une deuxième voire une troisième fois et qu'on a l'impression qu'on ne peut jamais faire sereinement son deuil.

Ce fut aussi le temps où après m'être perdu je me suis retrouvé au fond du trou et ai fini par passer une partie de l'été 2008 en "H.P."

Mais ces dernières années furent aussi marquées (enfin une bonne nouvelle ! la bonne nouvelle !) par la rencontre avec "ma douce et tendre"... Voilà maintenant un peu plus de trois ans que nous sommes ensemble et ma vie a changé. Définitivement.

Et je ne suis toujours pas retourné dans le Cap Corse. Longtemps, je me suis dit au fond de moi que j'y retournerai le jour où je ne serai plus célibataire. En même temps, j'avais l'appréhension qu'une fois là bas je ne trouverais pas la force nécessaire pour repartir... Souvent je rêve ou plutôt je rêvasse, vous savez... ce moment entre la veille et le sommeil... j'imagine que je prends un billet d'avion pour Bastia, un aller simple... Un rêve un peu idiot et totalement déraisonnable. La donne a changé. Maintenant, ma vie est ici, au coeur du Bourbonnais. Et j'en suis très heureux.

J'arriverai un jour à retourner dans le Cap Corse. Pour des vacances bien sûr. D'ici là, sachez bien que je pense à vous très souvent, presque tous les jours. Je ne vous oublie pas. Vous êtes dans mon coeur.

Mon ami et collègue Gilles m'avait écrit sur le "livre d'or" que collègues et élèves m'avaient offert à mon départ du Collège du Cap une citation fameuse : «Lorsqu'il part de son île, un Corse ne s'en va pas : il s'absente.» (Vincent de Moro-Giafferi)