mercredi 13 février 2008

Au revoir, Monsieur Henri

Tout à l'heure, en sortant du collège, j'allume la radio et la nouvelle que j'entends provoque un choc immédiat : Henri Salvador est mort... Je sais, il était très vieux... c'est ce qu'on dit dans ces cas-là... N'empêche qu'on l'avait toujours connu, Monsieur Henri ! Et, comme jadis pour Chaplin (le jour de Noël !), pour Yves Montand, pour Freddie Mercury, pour Federico Fellini ou pour Marcelle Mastroianni (je sais, je suis éclectique... mais c'est comme ça !), j'ai versé quelques larmes et je porte le deuil en moi... C'est étrange, d'ailleurs, comme l'on peut être triste au décès de quelqu'un que l'on n'a jamais connu, que l'on n'a jamais vu... Mais ces gens, les artistes, ont tellement peuplé nos vies et surtout nos imaginaires...
Monsieur Henri. Henri Salvador. Dans ma tête résonnent tant de chansons et les souvenirs qui les accompagnent. Quand j'étais enfant, bien sûr, je chantais sur "Zorro" ou "Le Travail, c'est la Santé !" mais surtout sur "Quand faut y aller, faut y aller" (peut-être un de mes hymnes !!), "Trois roues à mon chariot" ou "Je bois à ton souvenir", que j'écoutais avec mon père, c'était un 45 tours 4 titres, édité par les Disques Rigolo... tout un programme !! Et puis, à la T.V., je voyais Salvador et son rire inimitable (le seul autre rire qui me rende totalement fou est celui de Bourvil à la fin de sa "Causerie antialcoolique").
Plus tard, jeune adulte, à l'époque où je découvrais Boris Vian, Jacques Brel et Madness (éclectisme, quand tu nous tiens !), je redécouvrais les chansons d'Henri... C'était pour moi un des piliers de la Néo-Décadence... Mes amis qui ont partagé cette période avec moi, le temps de l'écriture fiévreuse de poèmes parfois tendres, parfois drôles, parfois cauchemardesques, mes amis des Inqualifiables Associés se souviennent du culte pour Henri Salvador... Tagadi ! Tagadi ! Ah ! Je redécouvrais les mêmes chansons en leur trouvant, derrière cette apparence de gros rires, une tendresse, une finesse et même un peu de désespoir... Je découvrais les autres chansons de Salvador, comme "J'étais une bonne chanson", "Syracuse", "Petit Lapin" (normal, pour les adorateurs du Lapin Vert... seuls les Moulinois comprendront...), "Clopin clopant", "Le Lion est mort ce soir", "Maladie d'Amour" et les chansons co-écrites par Vian ou Salvador style "Le Blues du Dentiste" ou évidemment "Faut rigoler"... Parallèlement, je découvrais, alors que je lisais fiévreusement les écrits de et sur Boris Vian la collaboration délirante et iconoclaste des deux poètes/amuseurs/artistes... les papes de la Pataphysique !
Encore quelques années plus tard, Henri Salvador est devenu "à la mode", voire "tendance"... Il était enfin un monument à l'égal de Charles Trénet (un autre de mes maîtres !). Et ce fut le temps du magnifique "Jardin d'Hiver". A cette occasion, je l'avoue, les propos d'Henri Salvador lui-même à propos de ses chansons du temps jadis, les chansons dites comiques, qu'il qualifia d'alimentaires, ces propos m'agacèrent... Car ces chansons, c'était celles de mon enfance, de mon adolescence, de ma jeunesse. Et, ces chansons dites rigolotes, légères, moi, je leur trouvais une vraie profondeur, parce que, d'une, il est plus dur de faire rire que de faire pleurer, de deux, il n'y a souvent qu'un pas du rire aux larmes. Bref, Henri m'agaça un tantinet. Et, plus que "Chambre avec Vue", j'aimais à écouter "Une bonne paire de claques dans la gueule"... Et, à tous les Bobos qui decouvrirent Henri en 2000, je répondais : moi, je l'ai toujours connu, je l'ai toujours aimé.
Je peux même affirmer qu'Henri Salvador, avec quelques autres (Vian, Brel, Gainsbourg), fait partie des auteurs et interprètes de textes qui m'ont fait aimer la chanson française, et m'ont donné envie d'écrire. Henri, tu m'as inspiré tant de textes !! J'aimais ce mélange de délire, de tendresse, de candeur... Et cette joie de vivre, ce regard amusé, cette nonchalance légendaire...
Avant de courir au "cybercafé" pour écrire ces quelques lignes, j'avais mille et mille mots qui venaient dans ma tête et les souvenirs de toutes les époques de ma vie... Je crois que j'ai toujours connu Henri Salvador ! Je ne sais pas si j'arriverai à faire passer un tant soit peu l'émotion qui m'étreint aujourd'hui car les mots ne sont pas forcément aisés à trouver quand on veut faire partager ses sentiments...
Pour conclure, je laisserai la parole à Henri Salvador en vous transcrivant, ci-dessous, les paroles de "Quand faut y aller, faut y aller"... des paroles plus profondes qu'on voudrait peut-être l'imaginer au premier abord, une jolie philosophie de la vie, avec toujours le sourire...

Au revoir, Monsieur Henri ! Au revoir... et merci !

A 15 ans on joue les durs et les blasés
En regardant les filles passer
Mais la première fois
Qu'il faut sauter le pas
On a les jambes en coton
Et le coeur en accordéon

Eh oui mais
Quand faut y aller, faut y aller
Il faut boire le vin quand il est tiré
Y'a rien à faire, il faut y passer
Quand faut y aller, faut y aller

On se jure d'être un joyeux célibataire
A l'abri des futures belles mères
Mais on tombe amoureux
Elle pousse trop loin le jeu
Et on s'aperçoit trop tard
Qu'on doit se marier dare-dare

Eh oui mais
Quand faut y aller, faut y aller
Il faut boire le vin quand il est tiré
Y'a rien à faire, il faut y passer
Quand faut y aller, faut y aller

Le samedi on a finit de travailler
Et le week-end ça c'est sacré
On dort jusqu'à midi
On redort l'après midi
A peine on tire sa flemme
Et voilà le lundi qui se ramène

Eh oui mais
Quand faut y aller, faut y aller
Il faut boire le vin quand il est tiré
Y'a rien à faire, il faut y passer
Quand faut y aller, faut y aller

Quand on sent qu'on va retourner à la terre
On cultive l'art d'être grand-père
Doucement on se prépare
Et quand vient le grand départ
Avant de passer le pont, on se dit :
La vie c'est drôlement bon

Eh oui mais
Quand faut y aller, faut y aller
Il faut boire le vin quand il est tiré
Y'a rien à faire, il faut y passer
Quand faut y aller, faut y aller
Quand faut y aller, faut y aller

(Paroles : Bernard Michel ; musique : Henri Salvador ; 1966)

Aucun commentaire: