mardi 22 mars 2016

J'ai mal à ma Belgique


Ce matin, 22 mars 2016, je déprimais tranquillement chez moi... Je déprimais ? Rien de bien grave... La déprime du 22 mars... Normal pour quelqu'un né ce jour là. En plus, avant-hier, c'était le Dimanche des Rameaux et je suis né un Dimanche des Rameaux (en 1970). Et, hier, c'était le Nouvel An Perse (bonne fête à tous les Zoroastriens !). Le Nouvel An Perse, c'est un peu le nouvel an des Pérès, non ?...

Bref, il était neuf heures. J'écoutais Bowie, plus précisément la version originale de 1970 (!) de "The Prettiest Star" (que j'ai découverte ce week-end) et je pleurnichais sur le temps qui passe. Tranquille, quoi. Et j'ai allumé la radio et j'ai entendu le présentateur dire : "Nous retournons tout de suite à Bruxelles"... Je n'ai pas compris immédiatement puis j'ai réalisé : attentat à l'aéroport. Quelques minutes après, ce fut le récit des explosions dans le métro. On était en direct, ce n'était pas très clair.

Et je me suis bien sûr, comme tout le monde en France, rappelé ce vendredi 13 novembre 2015. Ma compagne et moi sortions d'un merveilleux concert de Jean-Louis Murat à Guéret. Devant la salle, des gens avaient l'air vaguement inquiet et évoquaient des attentats. En arrivant à l'hôtel, la stupéfaction : l'état d'urgence, les attentats suicide, les terroristes retranchés au Bataclan, etc...

Si j'osais (mais il faut oser, parce qu'il faut continuer à vivre) un trait d'humour (belge) un peu surréaliste, je dirais que les terroristes de Daech m'en veulent personnellement : ils m'ont gâché notre concert de Jean-Louis Murat et maintenant ils me foutent en l'air mon anniversaire ! 

Plus "sérieusement", je suis effaré, effondré, écoeuré. Je ne sais plus quoi penser. Les attentats venaient à peine d'avoir eu lieu que des politiciens imbéciles (pléonasme ?) "tweetaient" leur fiel inepte. Je sais bien qu'il faut continuer à vivre (les Anglais l'avaient merveilleusement et courageusement prouvé pendant le Blitz en 1940) mais si les politicards se taisaient pendant deux ou trois jours, ça nous ferait beaucoup beaucoup de bien.

La Belgique, c'est un peu notre deuxième patrie, à nous, les Français, et vice versa... Je repense à ces vers de Alain Souchon : "Le vent de Belgique Transportait de la musique Des flonflons à la française"... Tout est dit. 

Ce matin, j'avais en tête les paroles de BRUXELLES du Grand Jacques : "C'était au temps où Bruxelles bruxellait..." Si Paris est une fête, Bruxelles est un petit paradis. Je commencerai par les lieux communs (mais tellement vrais) : le chocolat, les frites, la bière... Brussels est aussi le coeur de la Belgique, cette patrie de la bande dessinée, le pays d'un humour tellement à part, mélange de surréalisme et de désespoir souriant, le pays des peintres de l'école flamande, ce pays qui s'appelait il y a un siècle et demi les Pays Bas Autrichiens après avoir été les Pays Bas Espagnols (alors que les Pays Bas actuels s'appelaient Provinces-Unies... vous suivez ?), ce pays dont les querelles linguistiques sont plus compliquées qu'un jeu de go contre l'ordinateur de google. Ce Plat Pays qui est un peu le mien par mes racines maternelles mais aussi qui est la patrie d'origine des demi-frère et soeurs de mon père (mon grand-père corse avait épousé en premières noces une belge). Cette Belgique où vit une partie de la famille de ma compagne.

Sidération. Colère. Lassitude. Et la terrible question : les prochains, c'est qui ? Allemagne ? Italie ? Après "Pray for Paris" et "Bruxellois de Coeur", c'est quoi, le prochain slogan ? C'est quand, la prochaine minute de silence ? 

J'ai mal à ma Belgique.


jeudi 17 mars 2016

Pas facile...

Pas facile de se dire catholique aujourd'hui... surtout en France...

Je ne reviendrai pas sur les heures sombres qui ont accompagné les manifs contre le mariage pour tous, avec les déchaînements de propos haineux à l'encontre de celles et ceux qui sont "différents"... Pourtant, j'ai beau avoir parcouru les Evangiles, je n'y ai trouvé aucune condamnation de l'homosexualité (ni d'ailleurs du concubinage, soit dit en passant pour les gens comme moi qui "vivent dans le péché mortel perpétuel"). Je ne reviendrai pas non plus sur les rapprochements obscènes actuels entre une partie de l'intelligentsia catholique et l'extrême-droite.

Non, l'actualité immédiate, c'est évidemment les "affaires de soupçons de pédophilie" qui finissent par toucher notre joli pays après tant d'autres. Après tout, quoi de plus "logique" (hélas) ? Toutes les institutions comportent des brebis galeuses, ou plutôt des loups dans la bergerie... L'Education nationale connaît son lot, l'Armée aussi, les colonies de vacances... Normal que l'Eglise soit touchée et ça n'a rien à voir avec le célibat des prêtres (qui, par ailleurs, n'est pas un dogme et ne s'est généralisé qu'au dixième siècle). Je n'ai pas d'avis. Je sais simplement que le Cardinal Barbarin a droit à la présomption d'innocence, que son parcours passé est plutôt remarquable. En plus, il est né à Rabat (comme ma maman), il est passé par Madagascar et par Moulins, il est fan de Tintin. Fort bien. Par contre, il a eu des propos particulièrement effarants lors des manifestations contre le mariage pour tous, évoquant polygamie et inceste, faisant des amalgames bien peu heureux... A ce propos, je conseille la lecture d'un billet de Philippe Besson dans Libération :

En ces temps troublés pour l'Eglise de France, j'apprécie particulièrement a contrario l'intervention de l'Abbé Grosjean (auteur du Padre Blog) sur Canal + le mardi 15 mars :

Je n'oublierai pas de citer l'Evangile : "Mais, si quelqu'un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu'on le jetât au fond de la mer. Malheur au monde à cause des scandales ! (...) Malheur à l'homme par qui le scandale arrive !" (Evangile selon Saint Matthieu 18, 6-7)

Je voulais faire un billet d'humeur humoristique sur le mode du "si j'étais d'une autre religion ce serait plus facile"... genre "si j'étais juif" (je ferais partie d'un peuple martyr à la culture respectable), "si j'étais orthodoxe" (on admirerait mon côté un peu mystique étrange), "si j'étais protestant" (là, tout le monde applaudirait des deux mains parce que, en France en tout cas, c'est super bien vu d'être protestant même si le grand public ne saurait pas trop définir ce que c'est), "si j'étais musulman" (j'inspirerais crainte et respect !), "si j'étais bouddhiste" (on vanterait ma sagesse à toute épreuve et on surenchérirait "c'est bien parce que c'est pas vraiment une religion, c'est plus une philosophie"), "si j'étais hindouiste" (on me regarderait avec une curiosité ostensible et on me demanderait des conseils sur le tantrisme avec un regard riche en sous-entendus), "si j'étais agnostique" (on louerait ma capacité de questionnement), "si j'étais athée" (on dirait "bof ! comme tout le monde, quoi !"), "si je m'en foutais, de la religion, parce que les religions, c'est un truc de ringard qui a tué des millions de gens sur terre" (on m'abonnerait d'urgence à Charlie Hebdo et on me ferait une place d'honneur sur les réseaux (a) sociaux), etc...

Mais non... Je ne le ferai pas, ce billet d'humeur humoristique. Je n'en ai pas le talent. Et ça demanderait de développer des explications socio-ethno-historiques sur le fait que le Catholicisme ex religion majoritaire en France est un peu "détesté" pour avoir trop longtemps "collaboré" avec l'Etat (le drame du christianisme ne fut-il pas de devenir religion d'Etat dans l'Empire romain à la fin du IVème siècle ?...). Dommage parce qu'il y avait une comparaison qui valait ce qu'elle valait entre catholicisme, religion (encore) majoritaire dont une grande partie de la population se réclame encore peu ou prou, et musique pop main stream : dans les deux cas, c'est ce qu'on pratique / écoute le plus, mais on ne le reconnaîtra jamais (c'est bien plus tendance de dire qu'on écoute du rock alternatif d'avant-garde que de la variétoche... surtout quand on veut faire djeune et branché !).  Mais le temps n'est plus vraiment à l'humour, plutôt à la crispation et au repli sur soi. Triste.

Pas facile d'être catholique. Il se trouve que je le suis. Et, même si parfois il m'a agacé, j'ai apprécié le Pape Jean-Paul II et son combat pour la liberté en Europe de l'Est. Et, même si on lui a reproché son côté intellectuel (y compris au sein de l'Eglise), j'aimais bien Benoît XVI, le premier pape qui a lutté avec efficacité et conviction contre la pédophilie dans l'Eglise. Et j'ai toujours été ulcéré par les journaux qui lui reprochaient d'avoir été adolescent du temps de l'Allemagne hitlérienne. Quant au Pape François, j'en suis un fan absolu ! J'ai été très touché par ce qu'il a dit à propos des homosexuels. J'aime son combat pour plus de justice sociale, pour l'écologie intégrale, pour nettoyer l'Eglise de ses travers, etc... Du coup, ce Pape François est la cible de beaucoup de personnes se réclamant "chrétiennes" quand ça les arrange, comme le monstrueux Donald Trump ou l'ex-humanitaire devenu ultra xénophobe Robert Ménard. Par ailleurs, je suis abonné depuis un an, sur les conseils de ma collègue (elle-même peu "suspecte" de goût pour les religions établies), à l'excellente revue "Evangile et Liberté", émanation du Protestantisme libéral, mais surtout riche en articles concis et clairs que je n'ai pas trouvés ailleurs.

Mais, voilà, je suis catho. Je n'y peux rien. C'est comme ça. J'irai même plus loin, paraphrasant un vieux cantique : c'est ma foi, mon espérance ! Et je souhaite à toutes et tous (les cathos et les autres, chrétiens et autres, croyants et athées, hétéros, homos, "bi", et toutes celles et tous ceux qui ne se définissent pas par leurs "préférences sexuelles" mais qui pensent qu'ils sont des êtres humains avant tout), car ça commence dans quelques jours, une très Bonne Semaine Sainte !

Pour la petite histoire, je suis né un dimanche des Rameaux il y a 46 ans, et cette année mon anniversaire coïncidera presque (à deux jours près) avec cette belle fête de l'entrée de Jésus de Nazareth dans la ville de Jérusalem, triomphant et acclamé avant d'y être exécuté quelques jours plus tard... 

Que la Paix soit avec vous !

mardi 15 mars 2016

Rien à signaler

Rien à signaler ? Rien à signaler ! R.A.S. ou plutôt "RAS" en insistant bien sur le S comme on disait à l'armée (au fil des jours kakis, qu'elle était grise ma vie !).

Rien à signaler. Certes. Rien à déclarer ? Rien n'est moins sûr.

La mort de David Bowie a été un électrochoc pour moi... La mort de quelqu'un, que ce soit un(e) proche ou une personnalité dont on apprécie l'oeuvre et/ou la vie, nous pose trois interrogations : qui est l'autre ? pourquoi sa mort nous émeut-elle ? qu'est-ce que la mort ?

Qui était David Bowie ? Vaste question. J'ai déjà, dans un précédent texte, essayé de résumer en quelques mots ce que ce chanteur, cet auteur-compositeur, cet acteur, ce "touche à tout", représentait pour moi... Comment le définir ? Je reprendrai une définition que j'avais jadis lue à propos de John Williams, mon compositeur de B.O. préféré : "éclectique et versatile". Et j'ajouterai : "Avant-gardiste et généreux". David Bowie a exploré tous les genres musicaux, a parfois fait du surplace et des retours en arrière mais est toujours allé de l'avant et l'a toujours partagé avec son public. Son influence sur des générations de musiciens mais aussi évidemment de mélomanes (donc de moi !) est juste énorme. Pour citer une des répliques finales de "Furyo" (alias "Merry Christmas, Mr Lawrence"), film tiré du livre "The Seed and the Sower" de Sir Laurens Van der Post, à propos du personnage de Jack Celliers, si brillamment interprété par Bowie : il a laissé en chacun de nous une graine qui n'attend que de germer. 

La mort de Bowie m'a ému plus que je ne m'y serais attendu. Et je ne suis pas le seul. Depuis deux mois, je découvre et redécouvre l'oeuvre immense et multiple de ce musicien à part. Je n'ai pas encore découvert ni même redécouvert tous ses albums. J'essaie de faire un voyage au long cours en m'arrêtant plusieurs jours sur chaque album, mais en ne suivant pas forcément l'ordre chronologique... Je me rends compte combien cette oeuvre m'est familière et combien elle est riche et émouvante, constamment émouvante. Sa musique avait (a !) une âme. Ce ne sont ni de simples chansons, ni des tubes ni des expérimentations (Bowie a alterné tout au long de sa carrière, souvent au sein du même album, titres "pop/rock" souvent très dansants et recherches élaborées et parfois désorientantes à la première écoute). Non. Il y a chaque fois une histoire, une vie (comme dans les chansons de Jacques Brel par exemple).

La mort de Bowie m'a rappelé... à ma propre mort... Eh oui, on va tous mourir ! Comme dirait Keating dans "Dead Poets Society", on finira tous par nourrir les pissenlits par la racine. Alors il reste à se demander ce qu'on a fait de nos vies jusqu'à aujourd'hui et ce que nous allons faire maintenant. Bien sûr, j'avais conscience de ma finitude. J'en ai bien eu conscience plus d'une fois. Mais, ces derniers temps, c'était plutôt la vieillesse et la maladie qui me préoccupaient, et non la mort. La mort... "My Death"... Magnifique réinterprétation par David Bowie d'une chanson de Jacques Brel...

Petit clin d'oeil... Je vous renvoie à un poème écrit en 1984 :

La mort de David Bowie a donc été un électrochoc pour moi. Elle m'a incité à me remettre à écouter de la musique. J'avais commencé à le faire depuis quelques mois mais pas de façon systématique et surtout pas "les groupes de mes jeunes années" (notamment Depeche Mode). Là, outre la redécouverte (en cours !) de David Bowie, j'ai replongé avec délice dans l'univers de Depeche Mode, comblant les années où j'avais cessé d'écouter et même d'aimer ce groupe qui a tant fait dans ma construction à mon adolescence. A propos de construction ("Construction Time Again" : excellent album de Depeche Mode, un de mes favoris de mes jeunes années avec "A Broken Frame"...), deux autres groupes m'ont construit alors... L'éphémère FGTH (Frankie !) dont la chanson titre du double album "Welcome to the Pleasure Dome" (titre inspiré d'un poème sublime de S.T. Coleridge...) m'avait montré ce que je voulais faire plus tard : ingénieur du son, créateur d'ambiances sonores, remixeur fou... Bon, projet sans lendemain. Mais qu'importe ! L'autre groupe qui m'a tellement construit, notamment pendant mes années estudiantines, fut évidemment Madness, groupe mythique s'il en est, malheureusement peu et mal connu de ce côté de la Manche mais objet d'un véritable culte en Angleterre, et qui fit un retour remarqué en 2009 avec "The Liberty of Norton Folgate".

Ecouter de la musique... Retrouver ce plaisir, ce besoin... Lors de mon séjour à l'hôpital en 2008 (suite à la dégradation violente et irréversible de l'état de santé de ma mère), le psy m'avait conseillé la musicothérapie. J'avais souri. Je n'avais pas spécialement prêté attention à ses propos... Pourtant, il avait bien raison ! Maintenant que je réécoute de la musique quotidiennement ou presque, je redécouvre combien elle est pour moi aussi indispensable (vitale) que de lire, de prier, de regarder des films (et des séries !)...

La mort de David Bowie m'a également fait prendre conscience de ce que j'étais devenu : un vieux con aigri... Et que ce n'était pas irréversible. Il fallait que j'agisse. Pour ça, je me devais d'accepter qui j'étais et où j'étais. Agir ici et maintenant. "Hic et nunc" ! Ma vie est ici et maintenant. Elle n'est pas dans des chimères, dans des regrets, dans des amertumes... Accepter qui je suis, comme le héros de "Un jour sans fin" (le jour de la marmotte !) qui peut enfin interrompre la malédiction qui le frappe en laissant parler son coeur et en acceptant son statut de simple mortel.

Je commence juste à en mesurer les nombreuses conséquences. Je constate simplement que je commence à me sentir mieux voire même à me sentir bien. Vraiment bien. Je sais que, étant d'un naturel cyclothymique (bipolaire comme disent les médecins et les journalistes), je dois me méfier de mes excès (et accès) d'enthousiasme donc je reste prudent. N'empêche que c'est tellement agréable de se sentir bien ! On n'aime jamais autant la vie que quand on réalise qu'on a failli la perdre. Je n'ai évidemment pas risqué ma vie mais j'avais perdu mon enthousiasme. Je me répète, j'étais devenu aigri, de plus en plus en colère contre tout et tout le monde et tout le temps. Je me fatiguais moi-même ! J'avais peur de tout. Je n'avais confiance en rien ni personne et surtout pas en moi-même. Je m'étais laissé envahir par le Côté Obscur !

Bien sûr, j'aurai toujours mes questions existentielles. Et c'est bien normal. Mais avec un peu de musique (et pas seulement du Bowie ou du Depeche Mode ! Parmi mes derniers achats : un best of de Henri Salvador, le concert à Venise de Ennio Morricone et la Symphonie Alpestre de Richard Strauss...), c'est quand même plus facile. Une bande son existentielle... Joli concept pour un ingénieur du son contrarié !

Prenez soin de vous.