mardi 15 mars 2016

Rien à signaler

Rien à signaler ? Rien à signaler ! R.A.S. ou plutôt "RAS" en insistant bien sur le S comme on disait à l'armée (au fil des jours kakis, qu'elle était grise ma vie !).

Rien à signaler. Certes. Rien à déclarer ? Rien n'est moins sûr.

La mort de David Bowie a été un électrochoc pour moi... La mort de quelqu'un, que ce soit un(e) proche ou une personnalité dont on apprécie l'oeuvre et/ou la vie, nous pose trois interrogations : qui est l'autre ? pourquoi sa mort nous émeut-elle ? qu'est-ce que la mort ?

Qui était David Bowie ? Vaste question. J'ai déjà, dans un précédent texte, essayé de résumer en quelques mots ce que ce chanteur, cet auteur-compositeur, cet acteur, ce "touche à tout", représentait pour moi... Comment le définir ? Je reprendrai une définition que j'avais jadis lue à propos de John Williams, mon compositeur de B.O. préféré : "éclectique et versatile". Et j'ajouterai : "Avant-gardiste et généreux". David Bowie a exploré tous les genres musicaux, a parfois fait du surplace et des retours en arrière mais est toujours allé de l'avant et l'a toujours partagé avec son public. Son influence sur des générations de musiciens mais aussi évidemment de mélomanes (donc de moi !) est juste énorme. Pour citer une des répliques finales de "Furyo" (alias "Merry Christmas, Mr Lawrence"), film tiré du livre "The Seed and the Sower" de Sir Laurens Van der Post, à propos du personnage de Jack Celliers, si brillamment interprété par Bowie : il a laissé en chacun de nous une graine qui n'attend que de germer. 

La mort de Bowie m'a ému plus que je ne m'y serais attendu. Et je ne suis pas le seul. Depuis deux mois, je découvre et redécouvre l'oeuvre immense et multiple de ce musicien à part. Je n'ai pas encore découvert ni même redécouvert tous ses albums. J'essaie de faire un voyage au long cours en m'arrêtant plusieurs jours sur chaque album, mais en ne suivant pas forcément l'ordre chronologique... Je me rends compte combien cette oeuvre m'est familière et combien elle est riche et émouvante, constamment émouvante. Sa musique avait (a !) une âme. Ce ne sont ni de simples chansons, ni des tubes ni des expérimentations (Bowie a alterné tout au long de sa carrière, souvent au sein du même album, titres "pop/rock" souvent très dansants et recherches élaborées et parfois désorientantes à la première écoute). Non. Il y a chaque fois une histoire, une vie (comme dans les chansons de Jacques Brel par exemple).

La mort de Bowie m'a rappelé... à ma propre mort... Eh oui, on va tous mourir ! Comme dirait Keating dans "Dead Poets Society", on finira tous par nourrir les pissenlits par la racine. Alors il reste à se demander ce qu'on a fait de nos vies jusqu'à aujourd'hui et ce que nous allons faire maintenant. Bien sûr, j'avais conscience de ma finitude. J'en ai bien eu conscience plus d'une fois. Mais, ces derniers temps, c'était plutôt la vieillesse et la maladie qui me préoccupaient, et non la mort. La mort... "My Death"... Magnifique réinterprétation par David Bowie d'une chanson de Jacques Brel...

Petit clin d'oeil... Je vous renvoie à un poème écrit en 1984 :

La mort de David Bowie a donc été un électrochoc pour moi. Elle m'a incité à me remettre à écouter de la musique. J'avais commencé à le faire depuis quelques mois mais pas de façon systématique et surtout pas "les groupes de mes jeunes années" (notamment Depeche Mode). Là, outre la redécouverte (en cours !) de David Bowie, j'ai replongé avec délice dans l'univers de Depeche Mode, comblant les années où j'avais cessé d'écouter et même d'aimer ce groupe qui a tant fait dans ma construction à mon adolescence. A propos de construction ("Construction Time Again" : excellent album de Depeche Mode, un de mes favoris de mes jeunes années avec "A Broken Frame"...), deux autres groupes m'ont construit alors... L'éphémère FGTH (Frankie !) dont la chanson titre du double album "Welcome to the Pleasure Dome" (titre inspiré d'un poème sublime de S.T. Coleridge...) m'avait montré ce que je voulais faire plus tard : ingénieur du son, créateur d'ambiances sonores, remixeur fou... Bon, projet sans lendemain. Mais qu'importe ! L'autre groupe qui m'a tellement construit, notamment pendant mes années estudiantines, fut évidemment Madness, groupe mythique s'il en est, malheureusement peu et mal connu de ce côté de la Manche mais objet d'un véritable culte en Angleterre, et qui fit un retour remarqué en 2009 avec "The Liberty of Norton Folgate".

Ecouter de la musique... Retrouver ce plaisir, ce besoin... Lors de mon séjour à l'hôpital en 2008 (suite à la dégradation violente et irréversible de l'état de santé de ma mère), le psy m'avait conseillé la musicothérapie. J'avais souri. Je n'avais pas spécialement prêté attention à ses propos... Pourtant, il avait bien raison ! Maintenant que je réécoute de la musique quotidiennement ou presque, je redécouvre combien elle est pour moi aussi indispensable (vitale) que de lire, de prier, de regarder des films (et des séries !)...

La mort de David Bowie m'a également fait prendre conscience de ce que j'étais devenu : un vieux con aigri... Et que ce n'était pas irréversible. Il fallait que j'agisse. Pour ça, je me devais d'accepter qui j'étais et où j'étais. Agir ici et maintenant. "Hic et nunc" ! Ma vie est ici et maintenant. Elle n'est pas dans des chimères, dans des regrets, dans des amertumes... Accepter qui je suis, comme le héros de "Un jour sans fin" (le jour de la marmotte !) qui peut enfin interrompre la malédiction qui le frappe en laissant parler son coeur et en acceptant son statut de simple mortel.

Je commence juste à en mesurer les nombreuses conséquences. Je constate simplement que je commence à me sentir mieux voire même à me sentir bien. Vraiment bien. Je sais que, étant d'un naturel cyclothymique (bipolaire comme disent les médecins et les journalistes), je dois me méfier de mes excès (et accès) d'enthousiasme donc je reste prudent. N'empêche que c'est tellement agréable de se sentir bien ! On n'aime jamais autant la vie que quand on réalise qu'on a failli la perdre. Je n'ai évidemment pas risqué ma vie mais j'avais perdu mon enthousiasme. Je me répète, j'étais devenu aigri, de plus en plus en colère contre tout et tout le monde et tout le temps. Je me fatiguais moi-même ! J'avais peur de tout. Je n'avais confiance en rien ni personne et surtout pas en moi-même. Je m'étais laissé envahir par le Côté Obscur !

Bien sûr, j'aurai toujours mes questions existentielles. Et c'est bien normal. Mais avec un peu de musique (et pas seulement du Bowie ou du Depeche Mode ! Parmi mes derniers achats : un best of de Henri Salvador, le concert à Venise de Ennio Morricone et la Symphonie Alpestre de Richard Strauss...), c'est quand même plus facile. Une bande son existentielle... Joli concept pour un ingénieur du son contrarié !

Prenez soin de vous.

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