A 24 (!) heures d'intervalle, nous avons eu droit aux claps de fin aux States, dimanche 23 mai de la sixième et dernière saison de LOST, et lundi 24 mai de la huitième "journée" de Jack BAUER, avec dans ce dernier cas une bonne nouvelle pour les fans : bientôt un film sur grand écran...
Ces deux séries, emblématiques des Années 2000, ont renouvelé le genre de la série télévisée et plus particulièrement du feuilleton. Pour ce qui est plus particulièrement de LOST (les lecteurs de ce blog savent combien cette série me tient totalement à coeur...), j'aurai apprécié cette série pour trois grands types de raisons :
- Le style narratif particulièrement innovant et renouvelé au cours de la série... Bien sûr, on avait déjà vu des flashs backs au cinéma et à la télé, également des flash forwards (dans DAMAGES par exemple) et même des flashs sideways (réalité "parallèle" ou "alternative"). Mais, là, avec LOST, ce type de construction a été développé et décliné au fil de six saisons par des scénaristes particulièrement imaginatifs qui ont remis également au goût du jour le "cliffhanger" (rebondissement de dernière minute) et le style feuilletonnesque (il n'y a pas d'épisode qui se regarde seul).
- Le côté aventure... L'île mystérieuse, celle qu'on a tous imaginée dans nos rêves de gosses... Entre l'île aux trésors (il y a d'ailleurs un bateau pirate), l'île étrange avec des animaux plus ou moins fantastiques et des phénomènes surnaturels (ah ! la Fumée noire !), l'île qui abrite une étrange organisation de scientifiques mystérieux (la Dharma Initiative...), l'île dont les habitants ne sont vraiment pas forcément très très engageants (les fameux Autres)... Sans oublier, bien sûr, l'idée de départ : les survivants d'un crash, qui ne se connaissent pas (ou croient ne pas se connaître), sont subitement forcés de s'entraider, pour "vivre ensemble ou mourir seuls"... Et l'on retrouve ce que je vais évoquer dans la troisième partie de mon propos : une de ces questions "fondamentales" sur l'humanité : sommes-nous des êtres "civilisés" ou, dès la première catastrophe venue, allons-nous replonger dans une certaine barbarie ?
- Car LOST, c'est aussi l'occasion de moult questions de divers ordres... Questions sur la vie en société, questions sur ce qui fait une vie, à quel moment une vie bascule... La série étant construite, via ses flash backs, comme une suite de descriptions de personnages, c'est l'occasion de réfléchir sur ce qui construit chaque être humain, qui fait que toute personne est complexe, l'occasion par là-même de rejeter le manichéisme et la simplification. Dans LOST, il n'y a, en tout cas dans les personnages principaux, ni bon ni mauvais et notre avis sur eux change régulièrement au fil des saisons et des révélations.
En posant ces questions sur l'itinéraire souvent sineux qu'est une vie, sur la marge de manoeuvre dont chacun(e) dispose dans ses propres choix (libre arbitre ou destin), les relations familiales (notamment le rapport père-fils et père-fille énormément développé dans cette série), LOST a également fait appel à de très nombreuses références, qu'elles soient culturelles (les clins d'oeil littéraires, cinématographiques, télévisuels sont légion), philosophiques ou religieuses.
LOST a prouvé qu'on pouvait faire de la série télévisée intelligente et cultivée, de la SF (car la série prend ouvertement un tournant science fiction notamment à partir de la quatrième saison) à destination du grand public. En outre, LOST a pleinement utilisé ce nouveau média qu'est internet, en développant une encyclopédie interactive très complète sur le web mais également plusieurs jeux qui permettaient aux fans internautes de trouver des réponses à certaines des questions que posait la série...
Pour revenir à la fin de LOST et de 24, à quelques heures d'intervalle, l'un des intérêts du genre "série télé", et de ces deux séries en particulier, est que c'est un genre qui se donne du temps... On a le temps de développer le caractère de nos personnages, d'exposer une intrigue, de filer un certain nombre de références, car le principe même de la série est de travailler sur la durée, comme l'explique très bien Thibaut de Saint-Maurice dans "Philosophie en Séries" (Editions Ellipse), petit ouvrage passionnant qui s'essaie à l'analyse philosophique de quelques grandes séries de ces dernières années : LOST, 24, mais aussi Dr House, Desperate Housewives, Rome, Dexter, Grey's Anatomy, et d'autres...
Pour aller plus loin dans la réflexion sur "la fin de deux des séries phares des années 1980", quelques articles (qui ne révèlent pas la fin de LOST ni de 24) :
Pour les fondu(e)s de LOST...
Le site francophone (très bien ficelé, à éviter tant que vous n'avez pas fini de regarder la sixième saison) :
L'encyclopédie LOST en langue française (une mine de renseignements !) :
Pour conclure, last but not least, je dirai qu'une des grandes originalités de LOST, et non des moindres, c'est que cette aventure aura pu aller à son terme, et de surcroît avec les scénaristes présents lors de la première saison et la plupart des acteurs (en tout cas les rôles principaux) sont restés tout au long des six saisons. D'autres séries ont marqué leur époque... Citons évidemment la plus mythique de toutes : "Le Prisonnier", qui ne vécut qu'une courte saison mais laissa un souvenir durable chez les téléphages... Il y a une vingtaine d'années, "Twin Peaks" fut également une oeuvre mémorable (qui inspira notamment "X-Files"). Hélas, dans un cas comme dans l'autre, les séries furent brutalement arrêtées pour raisons de chutes d'audience. Et nous pourrions toutes et tous citer des séries qui nous tiennent à coeur et qui se sont interrompues de façon plus ou moins abrupte ou qui ont décliné petitement, avec les acteurs principaux s'éclipsant les uns après les autres... Pour LOST, en tout cas depuis la renégociation des contrats en 2006, lors de la troisième saison, les scénaristes, les acteurs et les producteurs savaient où ils allaient, ce qui fait que nous avons vraiment à faire à une oeuvre télévisuelle...
Namasté !