Alors, reprenons... Après la "trêve des confiseurs" (jolie expression, créée par des journalistes au début de la IIIème République), le retour de la violence dans la rue (avec le mythe du héros boxeur face aux flics et l'intrusion dans un des ministères soi-disant les mieux gardés de France...), place au grand débat... Et, première annonce du gouvernement : on ne reviendra pas sur l'ISF (ça, on le savait déjà) mais, dans notre grande générosité, "on vous comprend, gilets jaunes, vous voulez des victimes expiatoires", on va maintenir la taxe d'habitation pour "les 20 % les plus riches". J'ai ainsi découvert, à titre personnel, que je faisais partie des "20 % les plus riches"... et également "privilégié", puisque fonctionnaire d'Etat... catégorie particulièrement visée par le gouvernement qui veut réduire drastiquement le coût de la fonction publique d'Etat. Le gouvernement n'osera pas toucher à l'hôpital, ni aux policiers (il en a besoin pour maintenir l'ordre), ni à l'armée (il a déjà amputé suffisamment son budget, entraînant la démission du chef d'état-major à l'été 2018). Pour ce qui est des collectivités territoriales, l'Etat n'a pas la main et il ne veut pas se mettre à dos plus longtemps les élus locaux, dont il a grand besoin dans le grand défouloir que promet d'être le "grand débat". Reste l'Education nationale, et plus singulièrement le Second degré (collèges + lycées), particulièrement mal aimé par les gouvernements successifs, qu'ils soient de gauche ou de droite d'ailleurs, qui ont toujours eu un faible pour les institueurs... pardon... les professeurs des écoles... mais n'ont jamais aimé les "profs"... ces indisciplinés individualistes sursyndiqués par rapport au reste de la population...
Voilà de quoi se défouler. Ce sont des "privilégiés" : ils font partie, pour leur majorité d'entre eux, après un début de carrière difficile (mutations et salaires pas très élevés), des "20 % les plus riches"... L'expression n'est pas anodine. A l'heure où, y compris parmi les enseignants, on a critiqué (à juste titre ?) le salaire de la présidente nommée du grand débat, méfions-nous... Après avoir critiqué les salaires de la haute fonction publique, le "petit peuple des gilets jaunes" ne va pas tarder à critiquer les salaires de la moyenne fonction publique... Et quand je vois tous les profs se précipiter dans le mouvement des "stylos rouges", dont on ne sait pas d'où il vient (encore une émanation de l'internet...), et se plaindre sur les réseaux sociaux de leurs "difficiles conditions de vie"... je me dis qu'on est en train, sans s'en rendre compte, de jouer le jeu du gouvernement, de jeter de l'huile sur le feu, de donner le bâton pour se faire battre... Attendons-nous à entendre : "Vous faites partie des 20 % les plus riches, de quoi vous plaignez-vous ?" On n'a pas encore mesuré l'onde de choc de cette expression...
Que nous réservent les mois qui viennent ? Encore des "actes" chaque samedi avec les partis politiques d'opposition qui courent après les "gilets jaunes" pour tenter en vain de les "récupérer" ? Encore un encouragement à la violence sur les réseaux sociaux ? La tentation d'une "reprise en main" et le retour du "parti de l'ordre" appelé par les voeux d'une partie de la population qui a peur du désordre actuel ? Souvenons-nous de la fin de mai 1968 : la dissolution suivie de la plus écrasante majorité qu'un pouvoir en place n'ait jamais eu... L'opposition d'alors n'a pu accéder au pouvoir que plus de dix ans plus tard, et en structurant. Aujourd'hui, l'opposition de gauche est totalement dispersée et explosée. Quant à l'opposition d'extrême-droite, elle se porte très bien et elle attend tranquillement, en comptant les points...
En conclusion, je sais qu'à titre personnel je n'irai pas prendre part au "grand débat". Je ne suis pas à l'aise à l'oral et j'ai trop peur des lobbyistes et des orateurs partisans qui sauront pervertir les débats. De toute façon, comme on dit dans ces cas là, "vous avez vos questions, nous avons nos réponses". Si j'étais cynique, je dirais que le gouvernement a déjà ses synthèses de prêtes et que parmi les réponses qu'il apportera à la vindicte populaire, il y aura une suppression drastique de postes dans la fonction publique d'Etat, et particulièrement dans l'Education nationale. Après tout, comme disait jadis un ministre (dit de gauche) : "Il faut dégraisser le mammouth"...
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