lundi 10 février 2014

Premiers pas dans la Comté...

Avant tout, il faut que je vous avoue quelque chose... J'ai peur de lire ! Ne souriez pas ! Ne riez pas ! Imaginez... Quelqu'un qui a "peur" de lire... Et de surcroît un documentaliste dont le métier est (pour partie) de vivre au milieu des livres... Que dirait-on d'un comptable qui a peur des bilans annuels ou d'une infirmière qui blêmirait à la vue du sang ? Remarquez, j'ai connu un médecin qui avait peur de regarder une blessure et qui avait des tendances hypocondriaques affirmées...

Mais revenons à ma peur de lire. Le terme est un peu excessif, l'expression est probablement malheureuse. En fait, les livres m'impressionnent, presque à la façon d'objets magiques, religieux, sacrés. Du coup, j'hésite souvent à en entamer la lecture. Particulièrement pour ce qui est des romans. Les livres m'impressionnent et, du coup, je n'ose pas "entrer dedans", comme si j'étais intimidé à l'idée d'effleurer l'univers intime d'un auteur. Car un livre n'est-il pas la porte d'entrée vers l'intimité de son auteur ? Et ce, quel que soit le genre du livre, que ce soit un essai historique, un roman policier, un recueil de nouvelles. L'auteur y mettra toujours beaucoup de lui-même. 

Enfin, bon, on pourrait théoriser des heures sur ma "peur de lire". Un psy y trouverait peut-être même une cause oedipienne, avec une mère prof de lettres classiques et un père qui répétait et répète toujours à l'envi que la meilleure des consolations est la lecture. Peut-être mon "refus" de lire était-il le dernier acte de révolte d'un adolescent qui n'a pas fini de grandir et de s'accepter...

Une autre raison, bien plus triviale, au fait que j'ai peur de lire, notamment des romans, est que je suis lent et enclin à m'endormir rapidement... Je lis lentement. En tout cas quand je lis par plaisir. Pour raisons professionnelles, j'ai appris à lire vite, à parcourir, à trouver rapidement les infos dans un texte... Du coup, quand je lis par plaisir, je lis plus lentement, et même trop lentement. J'ai tellement peur d'oublier des mots, des idées, qu'il m'arrive de relire plusieurs fois la même page jusqu'à en oublier le sens général et sa place dans l'histoire... En outre, comme je n'aime lire qu'allongé dans mon lit sous ma couette, il m'arrive de m'endormir alors que je lis... Et je n'aime pas ça car, quand je me réveille, je dois repartir de zéro... Oups ! 

Bref, tout ça est très passionnant... En tout cas, je n'ai pas lu un seul roman de septembre 2010 à novembre 2013. Du coup, je comprends aisément les appréhensions que peuvent avoir mes élèves, jadis les collégiens et maintenant les lycéens, devant "un livre à lire". Je ne peux me contenter de leur dire, comme dans un fameux sketch : "Il faut lire !" Ce n'est pas si simple.

Un livre, ça s'apprivoise. La lecture est un plaisir exigeant, parfois même une activité vitale (clin d'oeil à Gérard). Et c'est vrai aussi que, si je ne lis pas pendant de longues périodes, c'est peut-être parce que je sais au fond de moi que quand "je me jette enfin à l'eau" c'est pour des heures et des jours et parfois des semaines, oubliant toutes autres activités, plongeant avec délectation dans l'univers d'un auteur, quel que soit - je me répète - le type d'ouvrage...

Et puis, si la lecture peut être la plus douce des consolations et la plus délectable des distractions, je me dis également (et j'ai souvent dit à mes élèves en "cours de méthodologie") que si toutes les réponses ne sont pas dans les livres (et fort heureusement !), les livres peuvent nous aider à réfléchir. Je pense bien sûr ici aux textes des philosophes. Mais pas seulement. Les histoires, que ce soit les mythes de jadis (j'ai toujours été passionné par la mythologie) ou les contes d'autrefois, ou donc les romans et nouvelles d'aujourd'hui, chaque texte nous apporte les pensées de son auteur, sa vision du monde, ses interrogations...

Enfin, à voir tous ces livres s'entasser chez moi (car si je n'ai pas lu pendant des années j'ai acheté des tas de livres, et pas seulement des atlas historiques, dans la même période !), je me suis dit qu'il fallait vraiment que je commence à les lire, si je voulais avoir l'opportunité d'en lire ne serait-ce qu'un dixième avant que ne vienne un jour la grande faucheuse pour sonner la fin de la récréation. Eh oui... En toute sérénité, je me dis que le compte à rebours a commencé... Il démarre, certes, le jour de la naissance mais il s'accélère après quarante ans, quand on prend conscience qu'on attaque la deuxième mi temps. Certes, je suis très loin du coup de sifflet final (enfin... j'espère !) mais je sais que le temps m'est désormais compté et qu'il faut que j'arrête de le perdre...

J'ai donc repris la lecture de romans en novembre dernier... après des heures passées à regarder ma bibliothèque fournie en ne sachant pas par quel livre j'allais "attaquer" (je fais la même chose avec mes CD et mes DVD et souvent je ne sais pas trancher et je reste dans le silence à attendre de me décider !). J'ai finalement opté pour un livre dont je connaissais l'intrigue car j'en avais vu moult fois l'adaptation cinématographique et aussi parce que je n'avais jamais lu de roman de cet auteur. Il s'agit de "La Ligne verte" de Stephen KING. Par la suite, en novembre-décembre 2013, comme si je voulais "replonger" dans "mes classiques" avant de "naviguer au large", j'ai dévoré un recueil de nouvelles, "Paradoxe perdu", du génial Fredric BROWN, puis je me suis tourné vers mon cher Robert SILVERBERG. D'abord un recueil de nouvelles SF uchroniques (j'adore le genre de l'uchronie) : "Le Nez de Cléopâtre", puis un récit mythologique (tiens... tiens...) : "Le dernier Chant d'Orphée". Pour me détendre, je suis allé voir mon ami James Hadley CHASE, grand auteur de séries noires, dont les titres sont toujours parlants : "Le Requiem des Blondes"... On y trouve des détectives miteux et des gangsters pas très malins et des jolies secrétaires. C'est efficace et distrayant ! J'ai aussi lu "La Vague", "Hannibal Lecter : Les Origines du Mal" et "Le Rôdeur" (un petit polar).

J'ai plus lu en deux mois qu'en quatre ans ! Puis plus rien pendant deux mois (je ne compte pas ici mes revues d'histoire et de géographie, même si j'avoue que même là j'ai un peu laissé tomber et mes "Carto", "Religions & Histoire" et autres s'entassent sur ma table de nuit...). Il faut dire, comme je l'ai écrit dans des précédents "posts" que j'avais à faire avec "Le Seigneur des Anneaux".... Après avoir passé du temps avec les films de Peter JACKSON, il était logique que je me tourne vers l'auteur créateur de cette "oeuvre monde" : J.R.R. TOLKIEN.

Là aussi, j'ai louvoyé... J'ai "surfé" sur le net à lire des articles de wikipedia et de divers sites consacrés à la Terre du Milieu, j'ai lu des articles de revues littéraires (moi ! l'inculte absolu en littérature [en tout cas en "vraie" littérature], parcourir "Lire" et le "Magazine littéraire"... enfer et damnation !) et j'ai parcouru les préfaces des livres de TOLKIEN que j'avais achetés... Puis, ce week-end, après d'ultimes tergiversions (comme en ce moment alors que je vous écris : j'étais parti pour vous parler de ces textes lus et mon préambule a pris toute la place !), je me suis tourné vers le recueil "FAERIE", qui contient, outre l'essai "Du Conte de Fées" (que j'ai hâte de dévorer car l'étude des contes de fées était un sujet que j'aimais évoquer avec les collégiens !), trois histoires... que j'ai donc lues...

Tout d'abord "Le Fermier Gilles de Ham", un conte pittoresque et picaresque, présenté comme une vieille légende du "Petit Royaume" (quelque part en Angleterre...). C'est très drôle, anachronique et plein de clins d'oeil. Puis "Smith de Grand Wootton"... Un joli conte féérique, l'histoire d'un homme qui découvre le pays de Faërie... J'ai découvert que c'était le tout dernier texte paru du vivant de TOLKIEN.

Le dernier texte que j'ai lu est la nouvelle "Feuille, de Niggle". Un texte poétique et très émouvant. Pour la première fois depuis des années, j'ai versé des larmes en lisant un livre... L'histoire est celle de Niggle ("pinailler" en anglais : le philologue TOLKIEN aime à jouer avec les mots !), peintre perfectionniste mais quelque peu velléitaire... Il va abandonner tous ses tableaux en cours pour une "grande oeuvre" très personnelle qui l'obsède : la peinture d'un Arbre, qui était au départ la représentation d'une seule feuille mais l'oeuvre a "enflé", une peinture qu'il aimerait achever avant de partir pour un voyage qui se veut définitif. Mais Niggle est constamment perturbé dans sa réalisation par les contingences extérieures et notamment son voisin Parish (Monsieur Paroisse !). Un jour viendra où Niggle devra partir, abandonner sa toile et se retrouver dans un étrange Asile après un voyage en train... Il y a dans cette nouvelle des accents de Boris VIAN ou de KAFKA. On pense également (ne riez pas !) au final de "LOST" (ceux qui l'ont vu comprendront). C'est un texte superbe et fort, à lire sans délai, d'autant qu'il ne fait qu'une vingtaine de pages...

J'ai donc (enfin) fait mes premiers pas dans la Comté. Je suis certes entré dans l'univers de TOLKIEN "par la petite porte" et je n'ai pas encore rejoint la Terre du Milieu mais j'ai déjà franchi les frontières du pays de Faërie... et c'est un pays merveilleux où je reviendrai souvent désormais !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Salut Jean-François,

J'ai aimé te lire. Tu parles de ta peur de lire, pour des raisons cependant autres que la dangerosité de certaines lectures que j'ai parfois ressentie. Je m'explique (pas facile !). Des livres m'ont déjà vivement impressionné, par ce qu'ils montraient en miroir à ce que recherchait mon esprit à ce moment. Voici un exemple. Les "Mémoires d'outre tombe", où Chateaubriant décrit superbement bien dans les premières pages son désespoir et son envie de se suicider (que je n'ai jamais eue, si cela peut te rasssurer).

Je me suis défait de nombreux livres récemment, en achetant une liseuse et une clé USB où sont stockés des milliers de livres. Cela me suffit actuellement, très pratique pour moi.

Je te rejoins aussi sur l'amorce du dernier tournant de l'après quarantaine. Je souhaite ne pas perdre de temps pour finir ce qui m'importe le plus, et j'ai l'impression dores et déjà que je parviendrais à boucler dans les temps et honorablement cette parenthèse de vie que je ne souhaiterai pour rien au monde recommencer dans les mêmes conditions.

Si nous habitions plus proche, c'est avec un grand plaisir que je serai venu discuter avec toi.

Bien à toi,
Christophe.

11 II 2014