L'acte d'écrire est-il une faiblesse ? un signe de dérangement mental ? la preuve d'une inadaptation sociale ? Voilà des questions qui m'agitent depuis quelque temps. Je me les posais déjà autrefois par rapport au fait d'écrire un blog, quelque chose entre le journal intime et le carnet de bord. Je me disais bien qu'il y avait un problème à exposer sa vie, ses réflexions, ses doutes au regard (et au jugement !) des autres. J'ai moult fois renoncé à continuer comme j'avais jadis détruit consciencieusement mes journaux intimes du temps de l'adolescence. Mais j'étais rassuré et encouragé par Gérard, tandis que d'autres personnes (comme Françoise ou Fred Thé) m'invitaient à ne plus "me livrer". En éternel centriste, j'ai renoncé à renoncer à mon blog (même si en 2007 j'ai failli le supprimer d'où le changement d'adresse internet) mais j'ai progressivement évité de trop me dévoiler et surtout j'ai arrêté d'y écrire, sinon par quelques messages épisodiques.
Voilà pour le blog. Ces derniers temps, je me suis repris au jeu de l'écriture. D'abord, une novella, "Premier rendez-vous", écrite le mois dernier... Quelque chose qu'on pourrait un peu rapprocher de l'autofiction, (terme aujourd'hui très à la mode) si l'on tient absolument à mettre une étiquette de genre. J'ai ensuite écrit une short story, "Inspiration", puis un texte hybride, "Ivresse". Tout ça en moins d'un mois. D'un côté, la joie de pouvoir écrire. De l'autre, une inquiétude grandissante. Tout d'abord, l'appréhension bien traditionnelle de la page blanche. Qu'écrire ? Que raconter ? Et comment ? Comme si on se mettait à soi-même la pression : regardez, j'écris des histoires... euh... en fait, je n'ai aucune idée de ce que je vais écrire ! Mais le syndrome de la page blanche est finalement sympathique et sans danger, surtout quand on n'a pas décidé de vivre exclusivement de sa plume (ou de son clavier !).
Non. La vraie terreur est ailleurs. Etre anormal parce qu'on écrit. Ecrire... D'abord, qu'est-ce que ça signifie ? Qu'est-ce que c'est que ce loisir égoïste et solitaire ? On imagine la personne non insérée socialement qui a besoin d'écrire pour créer des personnages et vivre par procuration. Après tout, si j'écris, c'est que je ne vais pas bien. CQFD ? Et si écrire était tout simplement un loisir comme un autre, un plaisir tout aussi respectable que la peinture, la danse de salon ou le point de croix ? Après tout, et c'est un de mes regrets, je ne sais pas dessiner ni jouer d'un instrument. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé. Mais, outre que je ne voudrais pas me contenter de barbouiller, je manque désespérément de patience. Et le dessin ou la pratique d'un instrument réclament de cette qualité dont je suis totalement dépourvu.
Alors, il faut que je m'y fasse. Je ne pourrai jamais dire autour de moi : je gratte un peu la guitare pour me détendre en rentrant du boulot ou je me réfugie dans mon grenier (ça tombe bien, je n'en ai pas !) le samedi après-midi pour dessiner... Non, moi, pour me détendre, j'écris des petites histoires... Je m'en suis bien rendu compte hier soir... Pas d'envie de lire, pas d'envie d'écouter de la musique, pas d'envie de regarder la télé... Tiens, je vais écrire une petite histoire... Et je reprends mon petit cahier et c'est reparti... Je ne sais pas où je vais mais j'y vais et une petite heure plus tard je m'amuse à la lecture de cette sombre historiette qu'est "La Porte".
Tant pis. Un médecin psychiatre ou toute personne bien intentionnée pratiquant la psychologie de comptoir pourrait expliquer que ça me fait du bien d'écrire (genre une alternative à l'ergothérapie pour intellectuel allergique aux tâches manuelles) ou qu'au contraire c'est un loisir malsain qui désocialise celui ou celle qui le pratique, que le fait que je me remette à écrire prouve que... "j'ai quelque chose à me prouver"... ou pire encore... c'est le signe d'un dérangement profond. Après tout, se mettre à son bureau pour écrire (en plus sur un cahier !) une histoire, n'est-ce pas la preuve qu'il y a quelque chose qui ne va pas ? Et si j'avoue qu'il m'arrive parfois de me réveiller et de réfléchir à une phrase... Bon, je n'en suis pas encore à sacrifier une nuit de sommeil à l'écriture de quelques pages. Mais la question se posera peut-être un jour... L'acte de création a quelque chose d'obsessionnel. Dans une société où la norme est de plus en plus pressante, le fait d'avoir une passion un peu différente, un peu prenante, un peu à la marge, n'est-ce pas un signe qu'on se met en retrait de cette société ? Après tout, le mot même de "passion" vient du mot "souffrance", "pathos" en grec... Sacrés Grecs ! Alors, être passionné, c'est être malade mental ?
Tant pis (bis). J'ai décidé d'assumer. Non, je ne pratique pas la danse de salon (mais j'ai jadis pratiqué les danses traditionnelles). Je ne joue pas d'un instrument de musique même si j'ai autrefois tenté d'apprendre à jouer du piano puis quelques années plus tard de la vielle à roue. Je ne peins ni ne dessine sinon pendant une réunion interminable. Je ne suis pas grand amateur de sport sinon un peu d'entretien musculaire. J'aime bien lire (mais je ne suis pas un gros lecteur !). Je n'écoute presque plus de musique. Je regarde beaucoup d'émissions télévisées : films, séries, débats, documentaires... Et, depuis un mois, je me régale à écrire des histoires. Pourquoi ? Je n'en sais rien. Après tout, faut-il avoir une réponse à tout ? J'écris et j'aime ça. Alors il est bien possible que je continue à envoyer quelques petits textes, quelques short stories... Je vous demanderai d'être clément(e)s avec moi et de ne pas me juger, pas trop. Et surtout ne me dénoncez pas à un psychiatre. Il me ferait enfermer pour pratique de loisir malsain et marginal... Remarquez, si on m'enferme avec un stylo et un cahier... Mais je ne crois pas que ça serait le cas !
Dernière angoisse qui me saisit depuis un mois : la peur de "prendre la grosse tête". Alors, si jamais vous me trouvez génial, ne me le dites jamais. Bon, jusque là, personne ne me l'a jamais dit. Et si vous me trouvez nul, ne me le dites pas trop brutalement. (Pas comme jadis certains lecteurs de mon blog qui m'avaient invité à me suicider plutôt que de continuer à écrire.) Un excellent remède contre la grosse tête est d'aller un peu sur internet ou dans la presse lire les critiques de n'importe quel livre ou quel film qu'on a aimé... Voir comment un auteur ou un réalisateur peut être démoli en quelques instants... Bien sûr, il faut relativiser la critique. Mais celles et ceux qui vont diront que la critique ne leur fait rien, ne les croyez pas. De même, les compliments font plaisir et si on écrit c'est aussi pour plaire. Je dois accepter que je suis un peu coquet ! Flattez-moi, j'adore ça ! Mais pas trop non plus !
Alors voilà. J'écris. Tant pis si c'est un hobby qui peut paraître (notamment à mes propres yeux) prétentieux et dangereux pour mon équilibre et mon moral. Et tant pis (décidément j'aime cette locution !) si c'est un loisir totalement dépassé à une époque où lire est quand même devenu un loisir considéré comme vraiment vraiment ringard. Ringard donc, désaxé et prétentieux... Tout pour plaire ! J'adore !
A suivre...
A suivre...
1 commentaire:
A la lecture d'"Ivresse", puis de ce dernier texte, je dirais plutôt que c'est une force très cher.
Laurent alias Saint-Jean, 4 avril 2014
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