Ce petit texte de réflexions sans prétention, jetées au hasard, en écho à mon message précédent sur le questionnement quant à l'anormalité supposée de l'acte d'écrire, ce petit texte donc, je le dédie volontiers à ma douce et tendre, qui m'encourage dans l'écriture (et qui elle même écrit ! et fort talentueusement et avec plus d'opiniâtreté que moi !), à Gérard (que je connais maintenant depuis plus de trente ans et qui m'a toujours apporté de bons conseils), à ma cousine Françoise (grande lectrice devant l'Eternel !) et à Laurent alias Saint-Jean (qui sait trouver les mots quand il faut). Je vais même me permettre d'outrageusement piller leurs propos et les échanges que nous avons eus ces derniers jours suite à mon message précédent et à la nouvelle "La Porte".
Tout d'abord, je suis content : jusqu'à présent, je n'ai pas eu d'écho défavorable ou négatif quant à "La Porte". Je ne parle pas de mon éventuel style mais du fond de la nouvelle. C'est quand même l'histoire d'un type qui saute par la fenêtre et je craignais les messages et commentaires sur le fait que j'avais décidément des idées noires, que c'était la preuve que j'étais quelqu'un de perturbé et tout et tout...
Et tout ça m'amène au coeur de mon propos... Cette peur de l'anormalité... Oui, je me répète, j'ai peur d'écrire parce que j'ai peur d'être anormal. Contrairement à ce que m'a écrit Gérard, je suis persuadé que pour beaucoup de personnes écrire n'est pas normal. Ce n'est pas forcément une maladie, une pathologie majeure, mais c'est quand même un signe de dérangement. Je reconnais que je suis influencé dans ma réflexion par le discours des psys qui est omniprésent dans la société moderne depuis quelques décennies et dans ma vie depuis un certain été 2008 (les plus "courageux" et les plus "anciens" lecteurs de mon blog se souviendront de ce "fameux" été 2008 où j'ai connu un "passage à vide" qui continue de me poursuivre, ne serait-ce que pour les assurances de santé puisque, depuis mon séjour - volontaire - à l'hôpital, je suis surtaxé et non couvert pour certains risques... et ce pour le restant de mes jours).. Oui, je culpabilise parce que j'écris. En même temps, écrire est devenu d'une banalité affligeante... Après tout, n'était-ce pas ce que j'écrivais dans la revue de presse du blog du CDI de mon lycée en octobre dernier, à propos d'un dossier de la revue Sciences Humaines :
Sciences humaines 253 nous propose un dossier joliment
intitulé "Ecrire, du roman au SMS" et part du constat que nos sociétés
sont devenues "graphomanes"... Du tweet intempestif à la tentation
littéraire, tout le monde écrit, partout, à tout âge, pour dire tout et
n'importe quoi... Alors que l'on prédisait il y a vingt ans à peine la
fin de l'écrit, l'inverse exact s'est produit : dans l'histoire de
l'humanité, on n'a jamais autant rédigé qu'aujourd'hui...
Voilà que je me cite maintenant !
J'ai l'impression, depuis de nombreuses années, de ne pas être normal. Parce que j'écris, bien sûr. J'en ai déjà parlé, j'ai jeté la plupart de mes carnets intimes d'adolescence car je les considérais comme un signe de ma différence. Plus tard, j'ai tellement entendu dire, quand je proposais à certaines personnes mes textes, qu'il s'agissait d'élucubrations et d'autres termes bien moins polis et que je ne reproduirai pas ici, que j'ai caché en moi cette envie d'écrire et de "parler de moi". Je ne voulais pas gêner. Bien sûr, je me permets encore, de ci de là, d'envoyer un message collectif où je m'épanche mais, déjà, grand progrès par rapport à il y a quelques années, je n'ose plus (sauf après ivresse, ce qui n'est pas près de m'arriver de nouveau) appeler des relations ou des amis. J'ai toujours peur de déranger autrui avec mes petites histoires. Je me répète que je suis inintéressant pour autrui. Je ne veux pas déranger.
Comme beaucoup de monde (enfin, c'est ce que je me dis, mais probablement que je me dis ça pour me rassurer et me persuader que je ne suis pas si anormal que ça), je peine à trouver ma place dans la société actuelle. En bon "extrême centriste", terme qui me convient finalement au-delà de la boutade, je ne me retrouve ni dans "la vraie vie" de la "société de consommation"... vous savez, la publicité, le dernier smartphone nouvelle génération machin truc illimité, les vacances au soleil en été, le ski en hiver, la maison à crédit, la télé réalité, les chaînes infos et tout et tout... ni non plus dans "la bulle des intellos", cet espace un peu protégé et un peu "sectaire", les abonnés à "Télérama" et aux "Inrocks" qui n'ont pas la télé et écoutent "France Inter" doctement... Ni la culture de masse ni la culture refuge.
Du coup, je ne pratique ni les loisirs de l'élite ni ceux du "peuple"... Je n'ai pas leurs envies. Ou j'ai un peu des envies des deux. Et surtout je n'ai pas les bonnes envies au bon moment. L'impression d'être à ma place nulle part. Considéré comme un sale petit intello snobinard par certains et comme un gros abruti inculte par les autres. Les deux propositions sont d'ailleurs probablement toutes deux un peu vraies et ne sont finalement pas contradictoires !
Et, là où j'aggrave mon cas, c'est que je n'ai pas envie de choisir. Eternel extrême centriste (je me répète !). Je ne veux pas choisir entre la culture de masse et la culture élitiste. J'aime regarder une bonne série (qui a souvent plus de fond qu'on ne pourrait le supposer de façon superficielle) et lire des revues spécialisées d'histoire des religions... C'est vrai que je cultive mon côté bizarre : je me souviens du regard un peu consterné d'un de mes anciens chefs d'établissement quand je lui avais dit que je collectionnais les atlas historiques. On sentait qu'il avait pitié de moi. Je collectionne les atlas historiques, je me plonge dans des séries télévisées avec délectation, et je ne sais plus où je voulais en venir avec ma démonstration...
On pourra objecter qu'après tout "il n'y a pas de mal à se faire du bien"... Du moment que j'ai trouvé la ou les activités qui me font du bien, les passions qui me permettent de m'épanouir, de m'accomplir ! Tout va bien ! Je n'en suis pas si sûr. J'ai toujours peur d'être jugé sur mes passions que d'aucun(e)s jugeraient (jugeront) (ont déjà jugé !) dérisoires... Faire du bricolage, entretenir son jardin, pratiquer une activité sportive... ça, c'est utile ! Lire des livres, regarder des séries télés... c'est bien un truc de feignants, ça, non mais !
J'irai plus loin. Je culpabilise à l'idée même de "me faire du bien". On pourra probablement voir là un vieux fonds de culture judéo-chrétienne (tout en sachant que toute société, toute religion est bâtie sur les notions de bien et de mal et certainement aussi de culpabilité), probablement également des bribes de stoïcisme mal digéré (ce qui n'est pas contradictoire avec le fonds judéo-chrétien) et bien sûr la peur des psys et de leurs jugements définitifs. Quand j'écris "psys", je pense aux médecins spécialisés, aux professionnels du secteur, mais également au personnel soignant en général et aussi à toutes les personnes qui font de "la psychologie de comptoir" (qu'il m'arrive également d'exercer)... Vous savez : partir de l'observation d'un geste ou d'une parole de quelqu'un et en tirer une conclusion définitive. Puisque je parlais plus haut de religion... J'ai plus peur d'être jugé par mes contemporains que par Dieu lui-même ! J'ai toujours été effrayé voire paralysé par le "qu'en dira-t-on"... Restes d'un provincialisme poussiéreux ? d'une éducation très "petite bourgeoisie du XXème siècle" ? Pas sûr. Je crois qu'on a toutes et tous peur d'être jugés. Or, notre société, que ce soit dans ses milieux élitistes ou dans le petit peuple, a élevé le jugement au rang de valeur cardinale. Pas une émission de télé réalité où on n'est pas noté. Et pour les étudiants la course au cursus universitaire à rallonge avec chaque année l'épreuve des examens et des concours. Il faut être com-pé-ti-tif !!! Et si vous n'êtes pas en course, vous restez sur le bas côté, en marge avant que d'être rejetés comme anormaux.
Qui est normal ? Qui est anormal ? Qu'est-ce que la norme ? Pour rester un instant encore dans le domaine de la psychologie et de la psychiatrie, il y a à peine vingt ans, l'OMS (Organisation mondiale de la santé) classait l'homosexualité dans les maladies mentales et la plupart des psychiatres expliquaient qu'un enfant de divorcés avait toutes les "chances" d'être "perturbé" dans son développement. En vingt ans, le nombre de personnes classées "bipolaires" a été multiplié par dix aux Etats-Unis, devenant même un "phénomène de mode" (toutes les "stars" du show-business font leur "coming out" de bipolarité), notamment parmi les adolescents. Autant de personnes, soit dit en passant, à qui l'on va prescrire à vie des médicaments.
Pour dépasser la "médecine" et l'industrie pharmaceutique, et retourner à la littérature, j'ai en tête un roman magnifique de Moravia : "Le Conformiste", l'histoire d'un homme qui cherche à se fondre dans la masse, dans une période trouble de l'histoire italienne... Je pense aussi à une nouvelle de Jean-Paul Sartre (je ne suis pas fanatique de Sartre mais ses nouvelles, le fameux recueil "Le Mur", sont un délice !) : "L'enfance d'un chef" ou le parcours d'un jeune homme dans les Années Trente... une dérive malsaine assez fascinante...
Recherche de la normalité, peur de la folie... Si j'ai une "monomanie" c'est bien celle là. Je rêve d'être comme tout le monde. Mais qui est tout le monde ?
Bonjour chez vous !
Post scriptum :
Après avoir découvert "Les Emmurés" de Serge Brussolo, sur les conseils de ma collègue, un excellent polar inquiétant aux notes fantastiques (une journaliste en mal d'inspiration qui enquête sur un immeuble où furent emmurées vivantes une quinzaine de personnes...), je suis en train de lire "Shining", de Stephen King... Et je découvre la dérive de Jack, ancien professeur de littérature, apprenti écrivain prometteur mais en panne d'inspiration, un peu trop porté sur la bouteille, caractériel et colérique, doux comme un agneau entre deux inexpliqués accès de violence... Je choisis bien mes lectures ! Et ce n'est pas volontaire : j'étais parti pour lire un roman fantastique, "le" classique de Stephen King, et j'y trouve le portrait d'un homme qui sombre dans la folie... Mais je n'en suis qu'à la moitié de ce très addictif roman qui parle aussi d'un enfant lumière aux pouvoirs étranges et d'un hôtel quand même bien particulier...
Post scriptum :
Après avoir découvert "Les Emmurés" de Serge Brussolo, sur les conseils de ma collègue, un excellent polar inquiétant aux notes fantastiques (une journaliste en mal d'inspiration qui enquête sur un immeuble où furent emmurées vivantes une quinzaine de personnes...), je suis en train de lire "Shining", de Stephen King... Et je découvre la dérive de Jack, ancien professeur de littérature, apprenti écrivain prometteur mais en panne d'inspiration, un peu trop porté sur la bouteille, caractériel et colérique, doux comme un agneau entre deux inexpliqués accès de violence... Je choisis bien mes lectures ! Et ce n'est pas volontaire : j'étais parti pour lire un roman fantastique, "le" classique de Stephen King, et j'y trouve le portrait d'un homme qui sombre dans la folie... Mais je n'en suis qu'à la moitié de ce très addictif roman qui parle aussi d'un enfant lumière aux pouvoirs étranges et d'un hôtel quand même bien particulier...
2 commentaires:
1. Si Télérama et sa sage morale bien-pensante-caressez-moi-dans-le-sens-du-poil, c'est le symbole de l'intellectuel, alors, je suis l'archevêque de Paris...
2. Il se publie en France chaque jour, oui, CHAQUE JOUR, plus de cent livres. Ca fait beaucoup de gens anormaux, non ? Comment on appelle tant de gens anormaux ? Réponse : les gens normaux...
3. Cela dit pour te rassurer. Car le monde a toujours été sauvé par des anormaux.
Bien à toi.
Gérard, 9 IV 2014
Je me permets de commenter en tant qu'étudiante à la vingtaine qui a passé le capès doc il y a peu et a trouvé ce blog parmi d'autres (rien que dans la profession j'en ai trouvé pas mal, je continue à en chercher; j'en suis de nombreux autres par ailleurs).
Ecrire n'a rien d'anormal...
Ce qui m'a toujours personnellement surpris pendant mon adolescence c'est qu'il est attendu des filles qu'elles écrivent (journal intime, correspondance) mais que ce n'est pas "viril". Ce qui explique difficilement pourquoi la majorité des grands écrivains reconnus (et des philosophes et cie) sont des hommes. Ecrire de manière intime revient à avoir un vagin ou une minorité à pénis et être un grand écrivain revient à avoir un pénis ou une minorité a vagin, ah la bonne blague ! Heureusement que je ne suis pas restée sur ces idées fausses, et le fait de voir de nombreux jeunes de ma génération s'emparer des blogs (même si les skyblogs n'étaient pas tous du grand art, je le reconnais), mais aussi des nombreux forums d'écriture (dont un d'un super site pour ado avant les réseaux sociaux qui a été racheté par une boîte de vêtements pour enfants et a coulé il y a quelques années) et de rôle-play, mais aussi des nombreux sites de nouvelles érotiques, des sites de fanfics...
Les gens, hommes et femmes, écrivent (plus ou moins bien, certes), ils utilisent Internet pour se rendre visible et communiquer mais aussi parfois pour rester anonymes. Rien de plus normal ! C'est bien pour ça que des plateformes telles que wordpress, overblog et cie sont populaires et génèrent pas mal d'argent...
On ne peut pas classer les gens dans des cases à deux catégories : ceux qui écrivent / ceux qui n'écrivent pas; ceux qui ont une famille normale / ceux qui ont une famille compliquée (d'ailleurs j'attends encore de voir qui a une famille normale...); les gens heureux / les gens malheureux; les normaux / les anormaux; les hommes / les femmes... c'est nul et ça divise.
Si on a une idée de norme c'est qu'on essaie de se conformer à la société (un modèle de vie auquel on participe) mais personne ne s'y conforme à 100% et tout le monde finit par se sentir comme un étranger dans sa propre vie et sa propre société à un moment où à un autre. Ou pour le dire à l'Américaine : We're all screwed up so buck up! My (Birtish) advice (non pas que vous en ayez besoin mais qui sait): Keep calm and carry on (writing)!
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