jeudi 9 février 2006

Le centième message

Et le voilà ! Le Père Cent ! Centième message publié sur mon blog sans prétention... Avec un peu de chance peu de monde lira ce message puisque, dans mon précédent texte, j'expliquais que je n'écrirais plus avant un petit moment, n'ayant plus le coeur à causer, notamment suite à une certaine affaire de caricatures, et parce que mes états d'âme finissaient par devenir lassants... Et quand on ne trouve plus les mots, à quoi bon écrire ? Evidemment, vu comme çà...
Alors, je me dis que ce centième texte sera spécialement écrit pour les quelques qui iront faire un tour malgré tout sur mon blog, constatant que je ne me suis pas arrêté d'écrire... D'ailleurs, je crois que je ne pourrais pas m'arrêter d'écrire... C'est un besoin quasi vital désormais. Enfin, ça l'a toujours été. Besoin d'écrire ce que je ressens, ce qui m'interroge, ce que je veux partager, pour comprendre, pour respirer, pour vivre...
Pour ce centième texte, je voudrais évoquer quelqu'un, une personne, la personne qui a peut-être le plus compté dans ma vie... Je crois n'en avoir jamais parlé sur ce blog et, mis à part quelques intimes, personne ne connait son existence dans les gens qui m'ont rencontré depuis moins de dix ans... Il n'est pas une journée sans que je ne pense à elle. Je n'en parle jamais, sinon par allusions. Je sais que je ne la reverrai jamais. Je n'ai même pas de photos. C'était ma meilleure amie.
Sandrine, c'était son nom. On s'est rencontrés en décembre 1986, au moment des grèves et des manifestations contre Devaquet... J'étais en terminale au Lycée Banville. Elle était en seconde (je crois) au Lycée Technique. C'était après la dispersion de la manifestation, sur le parvis de la mairie de Moulins, face au Jacquemart... Des amis communs nous avaient présentés. En fait, il y avait deux Sandrine, C. et B. (je ne donnerai pas leurs pseudos ici car, même si tout cela est très loin, c'est une partie de moi-même trop personnelle pour qu'elle figure sur un blog, même si peu de gens le lisent), la blonde et la brune, deux amies inséparables... Bien sûr, je tombais vite amoureux de Sandrine C. et je reçus comme souvent dans ma vie une fin de non recevoir. Mais elle insista pour que nous soyons amis. Nous le devinmes. A ce moment-là j'étais ami des deux Sandrine. C'était l'époque où l'on s'écrivait toutes les semaines : il n'y avait pas internet et le téléphone même local coûtait très cher pour des lycéens...
En 1987, je suis parti à Clermont-Ferrand en faculté d'Histoire. C'est à l'automne de cette année là que je rencontrais mon premier amour, que je sortais avec une fille pour la première fois (oui, j'étais pas très précoce : j'ai attendu d'avoir 17 ans...), Isabelle, premier baiser devant le Banville, pas le lycée, le bar, toujours à Moulins, évidemment. Mon amitié pour Sandrine grandissait. Nous nous écrivions toujours aussi régulièrement. Je me souviens de quelques jours de bonheur pour les vacances de la Toussaint 1987. Les deux Sandrine et Philippe (un des amis communs) et Thomas étaient descendus trois jours à Clermont chez une copine. Ils m'avaient rendu visite dans ma petite chambre universitaire et j'avais passé une nuit entière à parler avec Sandrine. C'était un temps béni.
L'été 1988 fut un grand moment, celui des vacances à Saint Rémy sur Durolles, un petit village magique près de Thiers... Camping avec les deux Sandrine, Philippe et le copain de Sandrine B. C'est le même été où j'ai pour la première fois fait des fouilles archéologiques. En tout cas, très grande complicité avec Sandrine. Une amitié amoureuse pour moi. Une immense et sincère amitié pour elle. Déjà un quiproquo qu'on n'évoque pas. Je suis retourné à Saint Rémy sur Durolles l'été dernier. C'était la première fois que j'y repassais, plus de quinze ans après... Vous pouvez imaginer mon émotion.
Les années passent. Après Isabelle, longue période de déprime. Je rencontre Nathalie, avec qui je reste un an et demi, mais que je mettrai plus de dix ans à oublier. Puis commence une période assez sombre de ma vie... "Le côté obscur"... En septembre 1990, je suis embauché comme surveillant au Pensionnat Notre Dame, rue du Lycée à Moulins (rue qui marquera ma vie : j'allais y habiter quelques années plus tard et c'est la rue qui me permettra de rejoindre la Nouvelle Rampe... comprenne qui pourra). Les faits ont plus de quinze ans... Ils sont prescrits, j'espère. J'ai vingt ans. Mes élèves ont quasiment le même âge, notamment une certaine Sophie... Ce qui ne doit pas arriver arrive. Je sors avec elle. Et je dérape très vite. Je démissionne de mon poste car je sais la situation intenable. Je jure de ne jamais travailler dans l'Education nationale... Je n'ai pas tenu parole. Je suis resté plus de trois ans avec Sophie.
Durant ces trois ans avec Sophie, je vais faire le vide autour de moi et perdre progressivement mes amis, que j'ai mis des années à retrouver. Seule Sandrine C. restera fidèlement là. On continue à s'écrire, à se voir. J'habite à Clermont, je passe mon CAPES, je suis stagiaire à Aubière. Sandrine, qui est étudiante à Paris, effectue un stage patrimoine (ou un complément de formation, je ne me souviens plus vraiment) à Clermont, ce qui nous permet de nous voir de temps à autre. Au fond de moi, je suis amoureux d'elle, ou en tout cas j'en suis persuadé...
1993... Année terrible. Sophie, suite à un concours dans la fonction publique, est nommée à Grasse, au mois d'avril... Je suis totalement désemparé. Sept cents kilomètres nous séparent désormais. Cette mutation arrive au moment où nous sommes le plus amoureux, comme un coup du Destin. Le voyage pour Grasse sera un des jours les plus sombres de ma vie. Notre histoire durera encore quelques mois mais s'achèvera misérablement... En octobre de la même année je rentre au 7ème régiment d'artillerie à Nevers. Pendant mes quatorze mois de service, la personne qui me remontera le moral par ses nombreux courriers sera Sandrine. Lors d'une permission je passe quelques jours à Nanterre avec elle. Elle est alors étudiante au Louvre mais pense à se réorienter dans la documentation... Elle travaille quelques heures par semaine à la Maison-Fournaise à Chatou, haut lieu des Impressionnistes. Je suis amoureux de Sandrine et je le lui écris. Elle me répond gentiment en éludant le sujet. Peut-être aurait-elle dû mettre les points sur les i ?
Fin 1994, je retourne à la vie civile... Nommé au collège Emile Guillaumin à Moulins, établissement ZEP de huit cents élèves... En vingt quatre heures je passe de la caserne à un monde délirant... pour moi... Le lendemain de mon arrivée un élève me menace de mort... Charmant. Mon amour pour Sandrine devient trop fort. Comme je ne vais pas bien dans ma vie professionnelle et que je me retrouve seul à Moulins sans connaître personne après plus d'une année à vivre en collectivité, je me raccroche à cet amour, impossible, forcément impossible... Début janvier 1995, j'écris à Sandrine que ce n'est plus possible de rester amis, parce que je l'aime trop. C'est un peu illogique ; surtout, je ne lui demande pas son avis et j'évite de parler avec elle, même au téléphone. Forcément, je sens un vide terrible en moi.
Juin 1995, je décide de tenter l'aventure en Corse... J'en ai assez de l'Education nationale et de ces collégiens surexcités voire violents. Une opportunité de poste comme recenseur documentaliste des Monuments historiques se présente à la Direction régionale des Affaires culturelles de Corse, à Ajaccio. J'appelle Sandrine pour lui annoncer la nouvelle. Nous renouons par téléphone et on s'écrit à nouveau. Je passe la voir à Paris lors d'un stage en novembre 1995 puis lors de vacances en mars 1996. On se téléphone toutes les semaines. On s'écrit autant... Mais le mal me reprend et je lui dis de nouveau que je suis amoureux d'elle. Normal, ma vie à Ajaccio est totalement vide. Alors je me réfugie dans ce rêve d'histoire d'amour impossible. Cette fois-ci, nous nous embrouillons par lettre. C'est la rupture, consommée, brutale. En juin de cette année 1996, Sandrine va venir quelques jours en Corse avec l'autre Sandrine et des amis. Ils ne me feront pas signe quand ils passeront à Ajaccio. De toute façon, je ne veux plus penser à elle.
Les années passent. Trois ans à Moulins, dont deux rue du Lycée... En poste au Collège François Villon à Yzeure puis au collège de Cosne d'Allier. J'ai finalement très vite retrouvé l'Education nationale : les élèves me manquaient trop. Mais la Corse me manque à son tour et j'ai surtout l'impression de n'en avoir pas assez profité. Lors d'un passage à Paris, j'essaie de retrouver Sandrine mais elle a déménagé. Je pense de plus en plus souvent à elle. Je me rends compte combien j'ai été stupide. Si nous avions parlé, si je m'étais raisonné, j'aurais progressivement effacé de mon coeur mon sentiment amoureux et notre amitié aurait été consolidée. Mais j'étais brusque, emporté, fataliste. Je cultivais les histoires qui finissaient mal. Je ne me voyais pas passer la trentaine... Résultat : j'ai perdu ma meilleure amie, je l'ai faite souffrir, et elle me manque terriblement.
En 2000, je ne sais pas comment, je lui avais écrit, et j'avais reçu une carte d'elle sans adresse me disant simplement qu'elle ne m'en voulait plus depuis bien longtemps et qu'elle me souhaitait une bonne vie en Corse. C'est tout ce qui me reste d'elle, cette petite carte...
Il ne se passe pas un jour sans que je ne pense à elle. Je rêve souvent d'elle. J'aimerais l'appeler pour parler du dernier film qu'elle a vu, du dernier livre que j'ai lu, lui raconter les petits potins du boulot, l'écouter me parler d'une exposition de peinture qu'elle a visitée et, à l'occasion, se voir pour un petit repas et un tour en ville. Mais je ne sais pas où elle habite. J'ai cherché par le net à la retrouver, y compris par les moteurs de recherches (qui m'ont permis de retrouver plusieurs personnes), mais rien. Elle a peut-être changé de nom, elle s'est probablement mariée, elle n'a peut-être tout simplement pas l'usage régulier du net, en tout cas pas sous son nom.
Je sais... A quoi bon continuer à la chercher ? Elle n'a probablement nulle envie de me revoir. Je n'en sais rien. Je ne suis plus du tout amoureux d'elle, je suis totalement guéri de ce mal, mais comme j'aimerais la revoir car c'était ma meilleure amie et elle me manque. Je n'ai jamais retrouvé cette complicité avec personne même si il y a bien eu de grands moments avec Valérie-Anne et plus récemment une certaine demoiselle mais ce n'était malgré tout pas pareil : d'abord, ces deux personnes étaient beaucoup plus jeunes et j'étais franchement amoureux d'elles du départ. Avec Sandrine il y avait une relation d'égalité, nous étions comme frère et soeur. Avec Valérie-Anne, pour plaisanter, on s'appelait cousins. Pour la jeune demoiselle, je me sens un peu tonton, elle m'a d'ailleurs dit une fois que j'étais un tonton gâteux...
Cette absence, ce silence, me hantent depuis des années. Je suis seul responsable de cette situation et je le sais bien. C'est la raison qui m'a fait fuir des années durant les amitiés avec des personnes du sexe opposé car je craignais qu'un jour ou l'autre je tombe amoureux et que je souffre de nouveau en détruisant une belle amitié.
J'ai été un peu long mais c'est une confession, pas un flash météo ! Je ne sais pas pourquoi j'ai écrit ces lignes... Pour partager mon secret... Oh, ce n'est pas un grand secret... Il n'y a pas eu mort d'homme. Il y a eu assassinat d'amitié, ce qui reste un crime très grave à mes yeux. Et ça, je ne me le pardonnerai jamais.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Belle histoire... L'Amitié, y a qu'ça d'vrai!... Je comprends ton désir de la revoir... Peut-être connais-tu encore quelques relations que vous aviez en commun, non ?... Tu as toutes les vacances pour y penser (ou ne plus y penser...!)...