Voilà bien longtemps que je n'ai pas tenté d'écrire quelque chose de personnel, de vraiment personnel, de réfléchi, de pensé... sur ce petit blog sans prétention... D'aucuns parmi vous, fidèles lectrices, fidèles lecteurs, apprécient ce silence de "Superdoc"... Probablement parce que, comme dit le proverbe, "pas de nouvelles bonnes nouvelles". Certainement aussi parce que ça n'est jamais très évident d'avoir un ami qui "ne va pas bien"... Je me suis plus d'une fois retrouvé dans la position du confident (notamment auprès de ces dames du temps où j'étais célibataire... j'étais le confident idéal !) et on ne sait jamais trop quoi répondre au désarroi voire au désespoir et parfois tout simplement aux interrogations de l'autre. Et puis, comme plusieurs personnes me l'ont plusieurs fois fait remarquer... je leur "balance" mes histoires, mes soucis, alors qu'ils ont les leurs et forcément c'est une agression caractérisée dans l'espace intime...
Et puis, il y a le silence. Le silence... Le silence peut-être tellement réparateur et salvateur qu'on en a composé de sublimes chansons : "Words of Silence" de Simon & Garfunkel ou le véritable hymne religieux "Enjoy the Silence" des Depeche Mode.
Quand on a passé tant d'années dans "le bruit et la fureur" (titre d'un fameux roman de Faulkner que je n'ai pas lu), un peu de quiétude est la bienvenue. Mais vient un temps où le silence est pesant. Pis, il est assassin. Assassin pour soi, assassin pour les autres, assassin pour le monde... A force de se taire, on accepte tout. Je sais, j'apprends depuis des années, et bien avant que je ne commence une thérapie, qu'il y a les cinq fameuses phases à toute "mauvaise nouvelle" : refus, colère, marchandage, dépression, acceptation. Et c'est un fait qu'on finit par accepter, pour pouvoir continuer à vivre... Bien sûr. Mais si on perd la colère c'est qu'on est déjà mort. Mort émotionnellement, s'entend. Oh, on peut donner le change socialement et faire croire que tout va bien. D'ailleurs, tout va bien. Mais on n'est plus qu'une marionnette dans le monde...
Par ailleurs, j'ai constaté qu'à force de me taire j'en perdais l'usage des mots... Bon, je peux toujours parler à voix haute et intelligible mais c'est un fait que je ne sais plus écrire comme avant... Je suis rouillé. Dommage ou pas, c'est un vrai effort pour moi d'essayer d'enchaîner les phrases sans sombrer dans la surenchère ou la fadeur...
Colère... Je parle de colère... pourquoi ?
Parce que je suis toujours en colère. J'ai, bien évidemment, accepté la mort de ma mère. Il n'y a pas le choix. C'est le "travail de deuil" comme on dit. La plupart d'entre nous sont passés par là et tous nous connaissons un jour ou l'autre la perte d'un être cher. Chacun réagit différemment. En en parlant avec des amis, parfois plus âgés, je suis frappé de constater combien le souvenir et la peine sont vivaces de longues années après. Le temps ne fait rien à l'affaire... Il permet de vivre voire de survivre mais les histoires d'oubli, de cicatrisation, etc... En même temps, c'est "rassurant" : on se dit qu'on laissera des souvenirs à celles et ceux qui nous survivrons.
Pour ma part, après ces généralités, je dirai que j'ai repris goût à la vie. Je ne fréquente plus les hôpitaux depuis six mois... J'ai bien dû, il y a quelques semaines, pour des raisons professionnelles, accompagner des collégiens à la Maison de retraite du coin pour une "rencontre intergénérationnelle"... Et j'avoue que j'ai eu un temps de frissons et d'appréhensions et, finalement, tout s'est bien passé.
N'empêche. Je ne peux toujours pas envisager de reprendre le théâtre. Je pense trop à ma mère qui m'a donné cette passion (et précisément l'amour des pièces de Molière !!). Je suis arrivé à mettre des collégiens en scène de nouveau (notamment lors de cette sortie maison de retraite où je leur ai fait répéter des sketchs) mais je ne m'imagine pas avant longtemps "remonter sur les planches". C'est pas grave. Je ne manquerai à personne. N'empêche. C'était un plaisir tellement savoureux que celui d'avoir le trac...
Par ailleurs, je peux parler librement de ma mère sans sentir les larmes monter à mes yeux. Par contre, si mes journées sont sereines, mes nuits le sont moins. Depuis quelques semaines, il n'est pas un matin où je ne me réveille sans avoir rêvé de ma mère... Je peux parler de la maladie d'Alzheimer à peu près sereinement. N'empêche que, rapidement, la colère l'emporte quand je vois qu'aux yeux du plus grand nombre, médecins y compris, c'est toujours une "maladie de vieux" (donc inutile de faire des efforts pour la recherche...). Heureusement, un livre vient de paraître, bouleversant témoignagne d'une femme d'une quarantaine d'années : "J'ai peur d'oublier" de Fabienne PIEL. Elle est atteinte d'Alzheimer depuis plusieurs années, elle sait ce qui l'attend... Elle raconte les médecins qui ont hésité entre mille pronostics... J'ai repensé à ma mère... Pour elle aussi, au départ, on a parlé de dépression. Ensuite, une fois la maladie pronostiquée, ma mère a encore passé plusieurs années sans aucun traitement, pas même d'anti-dépresseurs d'ailleurs... Au début, la maladie n'était même pas reconnue par l'Education nationale. On peut être "Aloïs" et enseigner... Une association est en train de se monter : "La Vie sans Oubli", pour sensibiliser l'opinion publique au fait que cette maladie peut toucher des personnes jeunes.
Parfois et même souvent, je suis également en colère contre l'institution hospitalière qui a laissé ma mère s'éteindre, parce que l'on ne pouvait plus rien faire... A force de ne plus être nourrie elle ne pouvait évidemment plus que s'éteindre... Elle a perdu une trentaine de kilos en trois mois... Comme ça, un lit a été libéré plus vite ? Je sais, c'est odieux ce que j'écris. Peut-être. Mais j'ai tellement entendu ces derniers mois des témoignages d'amis me racontant pour leurs proches des situations totalement scandaleuses et ubuesques dans les hôpitaux et les maisons de retraite... A propos de maisons de retraite... Un livre à signaler : "Maman, est-ce que ta chambre te plaît ? Survivre en maison de retraite" de William Réjault. C'est un constat terrible. Bien sûr, il ne faut pas généraliser. En outre, comme dans de nombreuses autres institutions, la majorité du personnel est très dévouée. Mais les moyens ne suivent pas. Les personnes ne sont pas formées. Un "Aloïs" de soixante ans ne se traite pas comme une personne âgée dépendante mais sereine dans sa tête...
Alors, bien sûr, je suis en colère contre la politique de santé, totalement tournée vers la rentabilité, les profits immédiats, les économies conséquentes... J'ai beau, depuis un an, notamment dans le cadre de ma thérapie et aussi par penchant naturel, jouer les "retirés du monde", en prétendant que l'actualité ne me touche plus, que je ne suis plus "révolté" politiquement. N'empêche. J'ai parfois envie de crier. Je sais, c'est totalement puéril. En outre, comme dirait ce cher Lénine : Que faire ?!
Je ne me sens pas apte à m'engager politiquement ni même syndicalement... J'ai le plus grand respect pour les militants qui consacrent du temps et de l'énergie dans l'action. Je ne peux que regarder, râler et éventuellement avoir un sursaut citoyen occasionnel. Je fais partie de la "masse silencieuse"... J'avoue être consterné par l'évolution de notre pays, de plus en plus quadrillé, fliqué, ultra-libéralisé et j'en passe... Sans parler de la paupérisation croissante d'une grande partie de la population qui n'a aucun espoir d'une "vie meilleure" pour ses enfants... En même temps, le mot même de "révolution" me fait peur. D'abord, parce que la Révolution dévore toujours ses enfants et que si on sait quand elle commence on ne sait jamais quand elle s'achève. En outre, je sais aussi que, du fait que je suis fonctionnaire d'Etat, donc un "privilégié" (de par mon statut et de par mon salaire), je serai peut-être du "mauvais côté" le jour des purges, des barricades et des lynchages... La France des propriétaires sera la cible de choix pour la France sans le sou... Les politiciens et les banquiers, eux, auront largement eu le temps de placer leurs billes à l'étranger et de bien se planquer... en attendant de revenir pour proposer leurs services une fois les événements apaisés...
Et puis, qui dit "révolution" dit "réaction"... Le contre-coup peut être encore plus violent. En 2005, lors des "émeutes" de banlieue, on avait eu droit à "l'état d'urgence"... Imaginez, dans la France de 2009, la répression policière après quelques journées "chaudes"... Quand on voit que le simple fait d'avoir en sa possession des exemplaires du livre "L'insurrection qui vient" (attribué par la police à Julien Coupat, le "terroriste" de l'ultra gauche en détention préventive depuis des mois...), ce simple fait peut entraîner des poursuites judiciaires. Quand on voit qu'au nom de la défense du droit d'auteur (que je suis le premier à défendre, c'était même une de mes questions au CAPES !) on va introduire des "mouchards" dans tous les ordinateurs... D'ailleurs, la "mise sous coupe électronique" de la société est en marche : voiture repérable par satellite, personne repérée par son téléphone et/ou son ordinateur, puces partout... Tant qu'on est en démocratie et avec des dirigeants à peu près bien intentionnés, "tout va bien"... Ensuite... C'est une autre histoire.
Ok, je suis parano, j'ai trop lu de romans de S.F. N'empêche. Attention à ne pas jouer avec les nouvelles technologies appliquées à la sécurité la politique de l'autruche en répétant "jusque là tout va bien" et "c'est le progrès"... Le mot progrès ne veut rien dire intrinsèquement. La "religion du progrès", comme toutes les autres religions, j'ai un peu tendance à m'en méfier...