mardi 26 mai 2009

Quand il devient plus dur de se taire que de parler...

Les mots... Trouver les mots... Eternelle obsession...

Voilà bien longtemps que je n'ai pas tenté d'écrire quelque chose de personnel, de vraiment personnel, de réfléchi, de pensé... sur ce petit blog sans prétention... D'aucuns parmi vous, fidèles lectrices, fidèles lecteurs, apprécient ce silence de "Superdoc"... Probablement parce que, comme dit le proverbe, "pas de nouvelles bonnes nouvelles". Certainement aussi parce que ça n'est jamais très évident d'avoir un ami qui "ne va pas bien"... Je me suis plus d'une fois retrouvé dans la position du confident (notamment auprès de ces dames du temps où j'étais célibataire... j'étais le confident idéal !) et on ne sait jamais trop quoi répondre au désarroi voire au désespoir et parfois tout simplement aux interrogations de l'autre. Et puis, comme plusieurs personnes me l'ont plusieurs fois fait remarquer... je leur "balance" mes histoires, mes soucis, alors qu'ils ont les leurs et forcément c'est une agression caractérisée dans l'espace intime...

Et puis, il y a le silence. Le silence... Le silence peut-être tellement réparateur et salvateur qu'on en a composé de sublimes chansons : "Words of Silence" de Simon & Garfunkel ou le véritable hymne religieux "Enjoy the Silence" des Depeche Mode.

Quand on a passé tant d'années dans "le bruit et la fureur" (titre d'un fameux roman de Faulkner que je n'ai pas lu), un peu de quiétude est la bienvenue. Mais vient un temps où le silence est pesant. Pis, il est assassin. Assassin pour soi, assassin pour les autres, assassin pour le monde... A force de se taire, on accepte tout. Je sais, j'apprends depuis des années, et bien avant que je ne commence une thérapie, qu'il y a les cinq fameuses phases à toute "mauvaise nouvelle" : refus, colère, marchandage, dépression, acceptation. Et c'est un fait qu'on finit par accepter, pour pouvoir continuer à vivre... Bien sûr. Mais si on perd la colère c'est qu'on est déjà mort. Mort émotionnellement, s'entend. Oh, on peut donner le change socialement et faire croire que tout va bien. D'ailleurs, tout va bien. Mais on n'est plus qu'une marionnette dans le monde...

Par ailleurs, j'ai constaté qu'à force de me taire j'en perdais l'usage des mots... Bon, je peux toujours parler à voix haute et intelligible mais c'est un fait que je ne sais plus écrire comme avant... Je suis rouillé. Dommage ou pas, c'est un vrai effort pour moi d'essayer d'enchaîner les phrases sans sombrer dans la surenchère ou la fadeur...

Colère... Je parle de colère... pourquoi ?

Parce que je suis toujours en colère. J'ai, bien évidemment, accepté la mort de ma mère. Il n'y a pas le choix. C'est le "travail de deuil" comme on dit. La plupart d'entre nous sont passés par là et tous nous connaissons un jour ou l'autre la perte d'un être cher. Chacun réagit différemment. En en parlant avec des amis, parfois plus âgés, je suis frappé de constater combien le souvenir et la peine sont vivaces de longues années après. Le temps ne fait rien à l'affaire... Il permet de vivre voire de survivre mais les histoires d'oubli, de cicatrisation, etc... En même temps, c'est "rassurant" : on se dit qu'on laissera des souvenirs à celles et ceux qui nous survivrons.

Pour ma part, après ces généralités, je dirai que j'ai repris goût à la vie. Je ne fréquente plus les hôpitaux depuis six mois... J'ai bien dû, il y a quelques semaines, pour des raisons professionnelles, accompagner des collégiens à la Maison de retraite du coin pour une "rencontre intergénérationnelle"... Et j'avoue que j'ai eu un temps de frissons et d'appréhensions et, finalement, tout s'est bien passé.

N'empêche. Je ne peux toujours pas envisager de reprendre le théâtre. Je pense trop à ma mère qui m'a donné cette passion (et précisément l'amour des pièces de Molière !!). Je suis arrivé à mettre des collégiens en scène de nouveau (notamment lors de cette sortie maison de retraite où je leur ai fait répéter des sketchs) mais je ne m'imagine pas avant longtemps "remonter sur les planches". C'est pas grave. Je ne manquerai à personne. N'empêche. C'était un plaisir tellement savoureux que celui d'avoir le trac...

Par ailleurs, je peux parler librement de ma mère sans sentir les larmes monter à mes yeux. Par contre, si mes journées sont sereines, mes nuits le sont moins. Depuis quelques semaines, il n'est pas un matin où je ne me réveille sans avoir rêvé de ma mère... Je peux parler de la maladie d'Alzheimer à peu près sereinement. N'empêche que, rapidement, la colère l'emporte quand je vois qu'aux yeux du plus grand nombre, médecins y compris, c'est toujours une "maladie de vieux" (donc inutile de faire des efforts pour la recherche...). Heureusement, un livre vient de paraître, bouleversant témoignagne d'une femme d'une quarantaine d'années : "J'ai peur d'oublier" de Fabienne PIEL. Elle est atteinte d'Alzheimer depuis plusieurs années, elle sait ce qui l'attend... Elle raconte les médecins qui ont hésité entre mille pronostics... J'ai repensé à ma mère... Pour elle aussi, au départ, on a parlé de dépression. Ensuite, une fois la maladie pronostiquée, ma mère a encore passé plusieurs années sans aucun traitement, pas même d'anti-dépresseurs d'ailleurs... Au début, la maladie n'était même pas reconnue par l'Education nationale. On peut être "Aloïs" et enseigner... Une association est en train de se monter : "La Vie sans Oubli", pour sensibiliser l'opinion publique au fait que cette maladie peut toucher des personnes jeunes.

Parfois et même souvent, je suis également en colère contre l'institution hospitalière qui a laissé ma mère s'éteindre, parce que l'on ne pouvait plus rien faire... A force de ne plus être nourrie elle ne pouvait évidemment plus que s'éteindre... Elle a perdu une trentaine de kilos en trois mois... Comme ça, un lit a été libéré plus vite ? Je sais, c'est odieux ce que j'écris. Peut-être. Mais j'ai tellement entendu ces derniers mois des témoignages d'amis me racontant pour leurs proches des situations totalement scandaleuses et ubuesques dans les hôpitaux et les maisons de retraite... A propos de maisons de retraite... Un livre à signaler : "Maman, est-ce que ta chambre te plaît ? Survivre en maison de retraite" de William Réjault. C'est un constat terrible. Bien sûr, il ne faut pas généraliser. En outre, comme dans de nombreuses autres institutions, la majorité du personnel est très dévouée. Mais les moyens ne suivent pas. Les personnes ne sont pas formées. Un "Aloïs" de soixante ans ne se traite pas comme une personne âgée dépendante mais sereine dans sa tête...

Alors, bien sûr, je suis en colère contre la politique de santé, totalement tournée vers la rentabilité, les profits immédiats, les économies conséquentes... J'ai beau, depuis un an, notamment dans le cadre de ma thérapie et aussi par penchant naturel, jouer les "retirés du monde", en prétendant que l'actualité ne me touche plus, que je ne suis plus "révolté" politiquement. N'empêche. J'ai parfois envie de crier. Je sais, c'est totalement puéril. En outre, comme dirait ce cher Lénine : Que faire ?!

Je ne me sens pas apte à m'engager politiquement ni même syndicalement... J'ai le plus grand respect pour les militants qui consacrent du temps et de l'énergie dans l'action. Je ne peux que regarder, râler et éventuellement avoir un sursaut citoyen occasionnel. Je fais partie de la "masse silencieuse"... J'avoue être consterné par l'évolution de notre pays, de plus en plus quadrillé, fliqué, ultra-libéralisé et j'en passe... Sans parler de la paupérisation croissante d'une grande partie de la population qui n'a aucun espoir d'une "vie meilleure" pour ses enfants... En même temps, le mot même de "révolution" me fait peur. D'abord, parce que la Révolution dévore toujours ses enfants et que si on sait quand elle commence on ne sait jamais quand elle s'achève. En outre, je sais aussi que, du fait que je suis fonctionnaire d'Etat, donc un "privilégié" (de par mon statut et de par mon salaire), je serai peut-être du "mauvais côté" le jour des purges, des barricades et des lynchages... La France des propriétaires sera la cible de choix pour la France sans le sou... Les politiciens et les banquiers, eux, auront largement eu le temps de placer leurs billes à l'étranger et de bien se planquer... en attendant de revenir pour proposer leurs services une fois les événements apaisés...

Et puis, qui dit "révolution" dit "réaction"... Le contre-coup peut être encore plus violent. En 2005, lors des "émeutes" de banlieue, on avait eu droit à "l'état d'urgence"... Imaginez, dans la France de 2009, la répression policière après quelques journées "chaudes"... Quand on voit que le simple fait d'avoir en sa possession des exemplaires du livre "L'insurrection qui vient" (attribué par la police à Julien Coupat, le "terroriste" de l'ultra gauche en détention préventive depuis des mois...), ce simple fait peut entraîner des poursuites judiciaires. Quand on voit qu'au nom de la défense du droit d'auteur (que je suis le premier à défendre, c'était même une de mes questions au CAPES !) on va introduire des "mouchards" dans tous les ordinateurs... D'ailleurs, la "mise sous coupe électronique" de la société est en marche : voiture repérable par satellite, personne repérée par son téléphone et/ou son ordinateur, puces partout... Tant qu'on est en démocratie et avec des dirigeants à peu près bien intentionnés, "tout va bien"... Ensuite... C'est une autre histoire.

Ok, je suis parano, j'ai trop lu de romans de S.F. N'empêche. Attention à ne pas jouer avec les nouvelles technologies appliquées à la sécurité la politique de l'autruche en répétant "jusque là tout va bien" et "c'est le progrès"... Le mot progrès ne veut rien dire intrinsèquement. La "religion du progrès", comme toutes les autres religions, j'ai un peu tendance à m'en méfier...

La religion... Autre motif de colère... Colère muette tellement elle est forte, à l'égard de "ma" religion que je ne reconnais plus ? D'aucuns, notamment mes amis athées et anti-cléricaux, diront que j'ai enfin ouvert les yeux sur une évidence : le Catholicisme est une religion réactionnaire, rétrograde et antiféministe. Comme dirait l'autre à propos de Lénine... je peux m'exclamer : Jésus, reviens ! Regarde ce qu'ils ont fait de ton message ! En même temps, à force de se dire que les autres n'ont rien compris, ne risque-t-on pas de sombrer dans le sectarisme et la tentation de fonder sa propre religion ? L'alternative, alors, est peut-être de grossir les rangs des "sans religion"... Sans religion et peut-être même sans Dieu ? Qui sait ? Je suis tellement en colère contre Dieu... Il paraît que quand on est en colère c'est qu'on croit encore en Lui... Peut-être ? Qui sait ? On dit que les plus grands saints, les plus grands mystiques, de quelque religion que ce soit, ont eu des grands moments de doute et de colère. N'empêche. L'idée même qu'une religion aurait "la" Vérité me fait très très peur. Et les autres ? Ils ne seront pas "sauvés" ? Et quelle est la "bonne" religion ? Qui a raison ? Qui peut oser prétendre avoir raison ? "Et si en plus y' a personne" comme le chante si bien Alain Souchon ?
Oui, je l'avoue, depuis quelque temps, j'ai peur d'avoir perdu la foi... S'émanciper des religions, avoir un regard distant à l'égard de sa religion et donc prendre du recul quant à sa propre pratique religieuse... Pourquoi pas ? C'est un peu "grandir"... Après tout, le Catholicisme, c'était la religion de ma mère, et la lecture passionnée de la Bible une marotte de mon père ces dernières années. Mais une fois devenu grand qu'est-ce qu'on fait ? Toujours la même question ! Je suis en colère contre Dieu, je ne le comprends pas. J'étais en colère à 17 ans. Et ça avait un sens, "parce que j'étais jeune". Je pensais que ça me passerait. Pendant de longues années, ces années oubliées où je m'étais un peu oublié et retiré du monde, je ne pensais pas à Dieu. Puis j'ai eu de nouveau une pratique religieuse, ce qui ne veut pas dire que je pensais à Dieu. Maintenant que j'ai laissé tomber toute pratique religieuse, je me retrouve de nouveau devant ces questions insondables sur l'existence de Dieu et le sens à apporter à sa vie, à toute vie. La vie a-t-elle un sens ? Et si elle n'en a pas, comme sont amenés à le penser un certain nombre de philosophes, si la vie n'a pas de sens, vaut-elle d'être vécue ? Les animaux, les plantes vivent sans se poser de questions. Devons-nous faire de même simplement parce que nous sommes vivants ?
Dimanche, c'est la Pentecôte, le jour, selon la tradition chrétienne (et pas seulement catholique !!), où "l'Esprit Saint" est descendu sur les Apôtres... Si l'Esprit Saint venait à me visiter je ne dirais pas non. Qui sait ?! En même temps, et c'est d'ailleurs un argument souvent entendu de la part des athées, des psys mais aussi des tenants des "religions déjà en place", le fait même de croire n'est-il pas la preuve d'un dérangement manifeste ? d'une névrose voire d'une psychose schizophrénique ? Et on en vient à la psychiatrie et à son cortège de maladies... A force de dire que tel ou tel comportement est "déviant", contraire à la santé mentale, on finit par se dire qu'on est complètement "fou"... Moi, par exemple, j'ai besoin d'ordre et de calme : psychorigide ? J'aimais (et j'espère pouvoir un jour de nouveau pratiquer...) "monter sur scène" : exhibitionnisme ? Je suis fan de Star Wars et d'Indiana Jones sans parler de James Bond : preuve que je suis un adolescent attardé qui se refuse à grandir et se réfugie dans un "univers débile" ? En même temps, si on doit enfermer tous les gens qui ont une "passion", va plus y avoir grand-monde en liberté. Au fait... le mot "passion", en latin, et avant en grec, signifie "souffrance"... On parle de la "Passion du Christ"... On est loin de la passion du chocolat ou des timbres de Monaco !!
Qu'est-ce que la normalité ? Sommes-nous tous fous ? Pour rebondir sur la politique et sur la S.F., n'oublions pas que dans les régimes totalitaires, l'un des moyens les plus sûrs de "faire taire" les opposants était de les déclarer "fous" et de les enfermer de longues années dans des hôpitaux psychiatriques bien plus hermétiques que des prisons... Ces derniers temps, on a entendu des hommes politiques dire d'autres hommes politiques (ou de femmes...) qu'ils étaient fous, qu'elles avaient perdu le sens commun. Tout en étant extrêmement reconnaissant à la psychiatrie de m'avoir sauvé la vie, là aussi, prudence, pas de religion établie ! L'utilisation de la psychiatrie à des fins politiques, sociales, religieuses... Attention danger ! Le corps médical (je parle là des médecins et pas des personnels soignants !) n'a jamais été réputé pour être politiquement particulièrement progressiste. Le père de la psychanalyse, le bon petit père Freud, estimait que toute pratique sexuelle autre que la sienne (papa et maman ont un enfant) était forcément déviante et signe de névrose...
En parcourant les lignes qui précèdent, je me dis que j'ai été extrêmement bavard et confus (encore un signe de ma probable aliénation mentale ! je souffre de logorrhée, un trouble d'ailleurs caractéristique des bipolaires...)... En colère et confus peut-être parce que ma colère est elle-même confuse dans un monde qui est également confus et complexe... N'empêche. Il me fallait coucher cette colère sur le papier... euh... la retranscrire sur un écran d'ordinateur... Pourquoi ? Pour la mettre en mots, pour la communiquer, pour la partager. Ne plus rester à l'isolement, à l'écart du monde qui gronde.

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