jeudi 8 décembre 2016

Inspiration : petite nouvelle...



Préambule « explicatif »…


Entre le 9 et le 22 mars 2014, j’ai rédigé ce qui devait être une petite nouvelle et est devenu une longue nouvelle sinon un petit roman (environ 150 pages de cahier petit format petits carreaux). J’ai écrit cette novella (pour employer un terme qui correspond plus au format), « Un premier rendez-vous » [titre provisoire], inspiré et encouragé par ma compagne qui avait elle-même composé une nouvelle voilà quelques semaines. J’avais jadis écrit des nouvelles puis y avais renoncé (il y a de longues années : ma dernière nouvelle aboutie, « La semaine très ordinaire de Nino R. », datait de 1992). Manque d’inspiration, de temps, de constance, etc…

Je n’ai pas encore relu de façon complète cette novella et je ne l’ai pas dactylographiée. Je l’enverrai (par courrier postal, c’est plus confortable à la lecture) à celles et ceux d’entre vous que ça intéresse.

En attendant, j’ai rédigé le 23 mars 2014 une autre nouvelle, cette fois-ci une « vraie » nouvelle, courte, concise, avec une chute, une « short story » comme j’aime les lire mais comme je n’en avais encore jamais écrites…

La voici donc ci-dessous… Bonne lecture ! Et soyez indulgents…




INSPIRATION

 


« Quelque part à l’est du Grand Lac vivait un vieil homme fruste. Il venait rarement en ville et ne parlait à personne, sinon à Tom l’épicier chez qui il venait faire le plein de provisions une fois par mois. Nul ne connaissait le son de sa voix à part ce brave Tom. »



« Qu’est-ce que tu es en train de faire ? demanda Miranda.
- Je t’ai déjà dit de ne pas m’interrompre, répondit Sam agacé.
- Excuse moi… mais c’est bientôt l’heure…
- L’heure de quoi ?
- Tu as oublié qu’on doit aller déjeuner chez tes parents ?
- Et m… » Sam se retint de hurler à la face de sa femme qu’il n’avait aucune envie d’aller voir les Vieux Schnocks, surtout pas le jour où il sentait que l’inspiration lui revenait enfin.


On ne fait pas toujours ce qu’on veut, pensa Sam en ajustant son veston. Il resserra son nœud de cravate et se regarda dans la glace… Il était encore bien conservé, pour un type de cinquante balais… Après tout, il avait fait le plus gros… Les soucis étaient derrière lui. Le crédit de la maison était fini de rembourser, les enfants avaient eu l’intelligence de ne pas faire de longues études et de trouver un boulot. Miranda était plutôt une brave fille. Elle ne remplacerait jamais dans son cœur sa défunte femme chérie, Suzan. Mais elle était une bonne cuisinière et elle se laissait grimper dessus quand il lui en prenait l’envie. Plus très souvent. Il n’avait plus le cœur à ça. Il attribuait son absence de désir à l’âge et ne se posait guère de question à ce sujet.



Ce qui préoccupait Sam, c’était ce fichu roman que lui avait commandé Frankie Gilbert, son éditeur. Commander un roman ! Je n’écris pas sur ordre, avait-il répondu. Non mais qu’est-ce qu’il croit, Frankie ? Qu’on appuie sur un bouton et que les phrases viennent comme ça ? Et quelle idée de vouloir qu’il écrive un roman fantastique, lui qui avait jusque là écrit surtout des nouvelles réalistes ? Enfin, bon, ce n’était quand même pas une Saga de Fantasy qu’il lui avait réclamée… Il se voyait bien, tiens, à cinquante ans, raconter des histoires de guerriers barbares et de magiciennes nymphomanes !



« A quoi tu penses, Sam ? » lui demanda Miranda alors qu’il voyait s’éloigner dans son rétroviseur leur petit pavillon de banlieue. Constatant qu’il ne lui répondait pas elle commença à tripatouiller l’autoradio en quête d’une station sympa qui passe des vieux tubes. Il coupa immédiatement le poste.


« Non, mais, ça va pas ?! Déjà que tu ne parles pas… et maintenant je ne peux pas mettre de musique ?!
- Oh, c’est reparti !
- Oui, c’est reparti ! Je ne te reconnais plus… C’est ce fichu bouquin, c’est ça ?!
- Tu ne peux pas comprendre…
- Tu n’avais pas à accepter ce contrat…
- Ce n’est pas si simple…
- Monsieur joue les grands écrivains, monsieur se lance dans le fantastique… tu te prends pour Stephen King ?!
- Pfff… Ils sont assommants, ses romans… trop longs… Il ne sait pas être concis…
- C’est vrai que toi tu sais être concis… tellement concis que tu n’as rien écrit depuis deux ans !
- Oh… arrête un peu ! »



A ce moment-là, leur voiture s’arrêta brusquement. Heureusement, ils étaient sur une petite route de campagne et personne ne les suivait.



« Qu’est-ce qui se passe ?!
- Je n’en sais rien, Miranda…
- Je croyais que tu avais emmené ce tas de boue au contrôle technique le mois dernier…
- C’est ce que j’ai fait.. Ils ont même dit qu’elle pouvait encore nous faire une demi douzaine d’années…
- Ben voyons ! Parce qu’on va encore garder cette épave… mais mon pauvre ami… »



Sam ne l’écoutait plus. Cette panne était une bénédiction ! Il sortit de la voiture et s’alluma une cigarette puis alla faire quelques pas… Miranda sortit à son tour : « Mais qu’est-ce que tu fais ?
- Une pause, ça ne se voit pas ?
- Elle ne vas pas se réparer toute seule !
- Je ne suis pas garagiste.
- Tu pourrais au moins jeter un coup d’œil sous le capot !
- Y a pas urgence, je fume ma clope. Elle ne va pas repartir sans nous. »



Il ne croyait pas si bien dire, Sam. La voiture repartit, les laissant en plan au milieu de nulle part.






Le vieil homme, assis dans son fauteuil, regardait le Grand Lac par la fenêtre. Décidément, il n’avait pas d’inspiration en ce moment. Son éditeur lui avait conseillé de prendre le large, d’aller vivre à la campagne, de ne parler à personne… Tu parles, l’inspiration, elle ne vient pas comme ça ! Un roman sur un couple qui peine à passer le cap de la cinquantaine, non, décidément, ce n’est pas son truc. Désolé, Frankie, mais je vais reprendre ma Saga d’Heroïc Fantasy . En plus, ça vend bien, les histoires de guerriers barbares et de sorcières nymphomanes.



« Tom, le vieux monsieur qui venait une fois par mois faire le plein de provisions, on ne le voit plus ? Il lui est arrivé quelque chose ?
- Non… Non… Il est juste retourné vivre en ville.
- Encore un de ces citadins qui ne se sont pas faits à la vie à la campagne. Et ta maison près du lac, elle est libre maintenant ?
- Non… non… Je la loue à un couple de banlieusards, Sam et Miranda qu’ils s’appellent. Ils sont arrivés à pieds ce matin. »

 



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Je dédie fort affectueusement et fort respectueusement cette « short story » au génial Fredric BROWN.


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