Préambule « explicatif »…
Entre le 9 et le 22 mars
2014, j’ai rédigé ce qui devait être une petite nouvelle et est devenu une
longue nouvelle sinon un petit roman (environ 150 pages de cahier petit format petits
carreaux). J’ai écrit cette novella (pour employer
un terme qui correspond plus au format), « Un premier rendez-vous »
[titre provisoire], inspiré et encouragé par ma compagne qui avait elle-même
composé une nouvelle voilà quelques semaines. J’avais jadis écrit des nouvelles
puis y avais renoncé (il y a de longues années : ma dernière nouvelle
aboutie, « La semaine très ordinaire de Nino R. », datait de 1992).
Manque d’inspiration, de temps, de constance, etc…
Je n’ai pas encore relu de
façon complète cette novella et je ne l’ai pas dactylographiée.
Je l’enverrai (par courrier postal, c’est plus confortable à la lecture) à
celles et ceux d’entre vous que ça intéresse.
En attendant, j’ai rédigé
le 23 mars 2014 une autre nouvelle, cette fois-ci une « vraie »
nouvelle, courte, concise, avec une chute, une « short story » comme
j’aime les lire mais comme je n’en avais encore jamais écrites…
La voici donc ci-dessous…
Bonne lecture ! Et soyez indulgents…
INSPIRATION
« Quelque
part à l’est du Grand Lac vivait un vieil homme fruste. Il venait rarement en
ville et ne parlait à personne, sinon à Tom l’épicier chez qui il venait faire
le plein de provisions une fois par mois. Nul ne connaissait le son de sa voix
à part ce brave Tom. »
« Qu’est-ce
que tu es en train de faire ? demanda Miranda.
- Je t’ai déjà dit de ne pas
m’interrompre, répondit Sam agacé.
- Excuse moi… mais c’est bientôt
l’heure…
- L’heure de quoi ?
- Tu as oublié qu’on doit aller
déjeuner chez tes parents ?
- Et m… » Sam se retint de
hurler à la face de sa femme qu’il n’avait aucune envie d’aller voir les Vieux
Schnocks, surtout pas le jour où il sentait que l’inspiration lui revenait
enfin.
On ne fait pas
toujours ce qu’on veut, pensa Sam en ajustant son veston. Il resserra son nœud
de cravate et se regarda dans la glace… Il était encore bien conservé, pour un
type de cinquante balais… Après tout, il avait fait le plus gros… Les soucis
étaient derrière lui. Le crédit de la maison était fini de rembourser, les
enfants avaient eu l’intelligence de ne pas faire de longues études et de
trouver un boulot. Miranda était plutôt une brave fille. Elle ne remplacerait
jamais dans son cœur sa défunte femme chérie, Suzan. Mais elle était une bonne
cuisinière et elle se laissait grimper dessus quand il lui en prenait l’envie.
Plus très souvent. Il n’avait plus le cœur à ça. Il attribuait son absence de
désir à l’âge et ne se posait guère de question à ce sujet.
Ce qui
préoccupait Sam, c’était ce fichu roman que lui avait commandé Frankie Gilbert,
son éditeur. Commander un roman ! Je n’écris pas sur ordre, avait-il
répondu. Non mais qu’est-ce qu’il croit, Frankie ? Qu’on appuie sur un
bouton et que les phrases viennent comme ça ? Et quelle idée de vouloir
qu’il écrive un roman fantastique, lui qui avait jusque là écrit surtout des
nouvelles réalistes ? Enfin, bon, ce n’était quand même pas une Saga de
Fantasy qu’il lui avait réclamée… Il se voyait bien, tiens, à cinquante ans,
raconter des histoires de guerriers barbares et de magiciennes
nymphomanes !
« A quoi
tu penses, Sam ? » lui demanda Miranda alors qu’il voyait s’éloigner
dans son rétroviseur leur petit pavillon de banlieue. Constatant qu’il ne lui
répondait pas elle commença à tripatouiller l’autoradio en quête d’une station
sympa qui passe des vieux tubes. Il coupa immédiatement le poste.
« Non,
mais, ça va pas ?! Déjà que tu ne parles pas… et maintenant je ne peux pas
mettre de musique ?!
- Oh, c’est reparti !
- Oui, c’est reparti ! Je ne
te reconnais plus… C’est ce fichu bouquin, c’est ça ?!
- Tu ne peux pas comprendre…
- Tu n’avais pas à accepter ce
contrat…
- Ce n’est pas si simple…
- Monsieur joue les grands
écrivains, monsieur se lance dans le fantastique… tu te prends pour Stephen
King ?!
- Pfff… Ils sont assommants, ses
romans… trop longs… Il ne sait pas être concis…
- C’est vrai que toi tu sais être
concis… tellement concis que tu n’as rien écrit depuis deux ans !
- Oh… arrête un peu ! »
A ce
moment-là, leur voiture s’arrêta brusquement. Heureusement, ils étaient sur une
petite route de campagne et personne ne les suivait.
« Qu’est-ce qui se
passe ?!
- Je n’en sais rien, Miranda…
- Je croyais que tu avais emmené
ce tas de boue au contrôle technique le mois dernier…
- C’est ce que j’ai fait.. Ils
ont même dit qu’elle pouvait encore nous faire une demi douzaine d’années…
- Ben voyons ! Parce qu’on
va encore garder cette épave… mais mon pauvre ami… »
Sam ne
l’écoutait plus. Cette panne était une bénédiction ! Il sortit de la
voiture et s’alluma une cigarette puis alla faire quelques pas… Miranda sortit
à son tour : « Mais qu’est-ce que tu fais ?
- Une pause, ça ne se voit
pas ?
- Elle ne vas pas se réparer
toute seule !
- Je ne suis pas garagiste.
- Tu pourrais au moins jeter un
coup d’œil sous le capot !
- Y a pas urgence, je fume ma
clope. Elle ne va pas repartir sans nous. »
Il ne croyait
pas si bien dire, Sam. La voiture repartit, les laissant en plan au milieu de
nulle part.
Le vieil
homme, assis dans son fauteuil, regardait le Grand Lac par la fenêtre.
Décidément, il n’avait pas d’inspiration en ce moment. Son éditeur lui avait
conseillé de prendre le large, d’aller vivre à la campagne, de ne parler à
personne… Tu parles, l’inspiration, elle ne vient pas comme ça ! Un roman
sur un couple qui peine à passer le cap de la cinquantaine, non, décidément, ce
n’est pas son truc. Désolé, Frankie, mais je vais reprendre ma Saga d’Heroïc
Fantasy . En plus, ça vend bien, les histoires de guerriers barbares et de
sorcières nymphomanes.
« Tom, le
vieux monsieur qui venait une fois par mois faire le plein de provisions, on ne
le voit plus ? Il lui est arrivé quelque chose ?
- Non… Non… Il est juste
retourné vivre en ville.
- Encore un de ces citadins qui
ne se sont pas faits à la vie à la campagne. Et ta maison près du lac, elle est
libre maintenant ?
- Non… non… Je la loue à un
couple de banlieusards, Sam et Miranda qu’ils s’appellent. Ils sont arrivés à
pieds ce matin. »
*
* *
Je dédie fort affectueusement et fort
respectueusement cette « short story » au génial Fredric BROWN.
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