jeudi 31 décembre 2015

Juste avant la fin de l'année...

Un petit coucou rapide avant la fin de cette grande année 2015... Une année qui nous laissera toutes et tous un goût plus qu'amer, mais bon, il y a aussi eu du bon, individuellement et probablement collectivement aussi...

A titre individuel, j'aurai une pensée pour notre séjour, ma douce et tendre et moi, du côté de Saint-Brévin et Saint-Nazaire, ainsi que notre escapade en Périgord aux Eyzies... Et puis il y eut ce merveilleux concert de Jean-Louis MURAT un certain 13 novembre 2015 à Guéret... Nous étions encore "innocents" à ce moment-là. A notre retour à l'hôtel, nous avons appris ce qui s'était passé à Paris... Sans commentaire.

Je ne reviendrai pas sur l'actualité récente... Un président qui nous la joue "je change la constitution" parce qu'il est incapable de combattre le terrorisme, un premier ministre et un ministre de l'intérieur qui chantent en permanence le refrain du "on est en guerre", histoire de nous mettre la pression et de nous préparer à "l'état d'urgence permanent", des médias serviles qui répètent ce qu'on leur demande de dire (les "événements d'Ajaccio" des 24/25 décembre en sont une démonstration flagrante, rappelant aux gens qui les ont vécus de l'intérieur les "événements de Luri" de septembre 2003 où, là aussi, on a vu des médias fabriquer de toutes pièces des informations pour servir le pouvoir), des bombardements en toute indifférence sur des populations civiles au Moyen-Orient, des migrants qui se noient chaque jour, etc...

Heureusement, il y a "l'esprit de Noël", que l'on soit chrétien, croyant, agnostique ou même athée. Certes, le côté "consommation exacerbée tout le monde va se gaver" est un peu pénible mais, cette année, je n'aurais pas le coeur à critiquer mes concitoyens. On a toutes et tous envie de profiter de la vie. Si pour certain(e)s, ça s'accompagne d'excès de table, de courses folles et tout et tout... et alors ?! Tant mieux !

Pour ma part, je m'étais fixé plusieurs missions pour les vacances... Lecture, cinéma, musique...

* Lectures.
J'ai lu, sur les conseils de ma collègue de travail, "Les Jardins de Lumière" d'Amin Maalouf, excellent roman historique qui raconte l'histoire tragique du prophète Mani. Un livre lumineux, sans mauvais jeu de mots, très agréable à lire. Un hymne à la tolérance.

* Cinéma.
1 - "Spectre". Nous sommes allés le voir le week-end dernier. Un bon Bond de la période Craig, loin quand même de l'intensité dramatique de "Casino Royale" et de ce bijou que fut "Skyfall". On est dans les Bond de bonne qualité, distrayants, mais on n'est pas dans le "top five". Reste un film que je reverrai avec plaisir, non mais !
2 - "Le Pont des Espions"... Oups... J'ai raté le dernier Spielberg... Vivement la sortie en DVD !
3 - "Star Wars VII : Le Réveil de la Force"... Ah ! la ! la ! Nous l'avons vu il y a deux jours... Quel choc ! Je n'avais pas éprouvé un tel plaisir au cinéma depuis bien longtemps. On est loin de la poussive prélogie (notamment "La menace fantôme" et son dramatique Jar Jar Bings...) qui m'avait laissé sur ma faim, même si c'était une trilogie (pour les non fans : les épisodes I-II-III, réalisés en 1999-2002-2005) de grande qualité et d'une riche intensité dramatique (trop peut-être). J'ai retrouvé le souffle de la première trilogie (les épisodes IV-V-VI, réalisée en 1977-1980-1983). Alors, bien sûr, George Lucas lui-même a critiqué ce nouvel opus mais c'est lui qui a choisi de "se séparer de son bébé"... (ah ! BB8 !) Certes, J.J. Abrams a réalisé un film qui plaira aux fans mais pourquoi bouder le plaisir ?! Outre l'histoire qui m'a bluffé (alors que j'avais, je l'avoue, quelques appréhensions), j'ai été plus que séduit par la musique de John Williams (ah ! le magnifique thème de Rey !), par le retour de Harrison Ford, par les décors que j'ai trouvé magnifiques, par le travail sur la photographie... Un film que j'irai revoir assurément ! Enfin retourner dans "ma" (notre !) galaxie lointaine, très lointaine... Après tout, j'attendais ce film depuis plus de trente ans !

* Musique.
J'ai "vaincu" mon appréhension et je peux de nouveau écouter des chants corses sans me mettre à pleurer de vaine nostalgie (voir mes textes précédents). Et je ne me suis pas privé. J'ai aussi replongé dans ma passion première : les bandes originales de films ! Hier, je me suis précipité pour acheter (entre autres) la B.O. de "The Force awakens"... et je l'ai écoutée religieusement en rentrant chez moi (comme le conseille J.J. Abrams dans le touchant texte qui accompagne le CD). Ces derniers jours ont aussi été accompagnés par "The Hobbit & The Lord of the Rings Film Music Collection" (un magnifique double CD).

Bref, les vacances ne sont pas encore terminées que je peux dire que j'ai fait presque un sans-faute pour cette mission !!

Alors, après des messages parfois bien sombres, je conclurai cette année 2015 de façon souriante en vous promettant de ne plus vous "polluer" vos boîtes aux lettres par mes états d'âme dans les semaines à venir... Après tout, la Force s'est réveillée !!

Portez vous bien !

lundi 21 décembre 2015

Un grand pas en avant !

Ce qui s'est passé la semaine dernière en Corse est tout simplement historique. Je ne ferai pas d'analyse politique, d'abord parce que je n'en suis pas capable, ensuite parce que ce n'est pas le moment (analyser à chaud, c'est le privilège des journalistes incompétents et des politiciens désoeuvrés, pas des historiens sérieux), enfin parce que d'un côté mes amis continentaux ne comprendraient pas forcément et de l'autre n'étant plus en Corse depuis onze ans je me garderais bien de prendre part au débat.

Simplement, je suis heureux comme je ne l'ai pas été depuis si longtemps. J'ai enfin retrouvé ma fierté. Ces derniers temps, j'ai tellement eu honte d'être Français (le résultat des élections mais aussi le nombrilisme hexagonal et le côté "donneur de leçons au monde entier"), Catholique (tous ces fachos homophobes qui polluent les églises par leur haine de l'autre), Occidental (notre façon, à nous Européens sécularisés, à mépriser tout ce qui n'est pas notre façon de vivre, notre obsession de la consommation, notre mépris de tout ce qui est spiritualité). Et pourtant, j'ai continué à être Français (même si je n'ai pas chanté "La Marseillaise" lors des rassemblement de "Charlie" et encore moins en novembre), Catholique (j'apprends au quotidien à m'initier à la prière), Occidental (parce que je ne saurais pas être autre chose, je suis déterminé par ma naissance, mon lieu de vie et le métier que j'exerce).

Mais je ne suis pas que ça. J'ai aussi une partie de moi qui est profondément Corse, avec tout ce que cela veut dire. Il y a l'histoire familiale (la famille Pérès de Peri, j'ai déjà évoqué le sujet) et puis ma vie tout simplement. Un an à la Direction régionale des Affaires culturelles à Ajaccio et cinq ans au Collège du Cap à Luri, ça vous change une vie.

Alors, forcément, quand la Corse semble, enfin, après des siècles souvent sombres, pouvoir accéder à la maîtrise de son destin, c'est un rêve qui se réalise. L'île qui a vu la première constitution démocratique moderne donnant le droit de vote aux femmes en plein XVIIIème siècle (en France, il a fallu attendre la fin de la deuxième guerre mondiale...), sa révolution écrasée par les troupes françaises à Ponte Novu, cette île que j'aime tant, riche en paradoxes, qui a connu tant et tant de douleurs, de violences, mais aussi qui fut la première région française libérée pendant la deuxième guerre mondiale et qui fut le porte-avions des Alliés pour reconquérir le sud de l'Europe face aux barbares nazis (c'est de Corse que s'envolait Saint-Exupéry pour ses missions).

La Corse qui accède à son destin. Ce sentiment tellement jubilatoire, cet enthousiasme qui me donne envie d'entonner "un chant de joie" comme le disait Natale Luciani (membre fondateur du groupe Canta U Populu Corsu, que j'ai eu la chance de connaître à la DRAC de Corse, et qui est disparu tragiquement dans un accident de voiture il y a quelques années) : ALLEGRIA !

Et l'espoir qui renait aussi pour toute la France... Car, comme je l'ai écrit plus haut, je suis aussi Français. Même s'il y a le FN et ses relents de haine, même s'il y a Bernard Tapie, même s'il y a tous ces politiciens véreux et vérolés, il y a Le Drian qui dit quelques mots en breton au Conseil régional de Bretagne, il y a Bayrou qui parle de la richesse des langues régionales. Face aux dinosaures anti-régionalistes, peut-être trouverons-nous enfin la fierté dans chacune de nos régions de forcer Paris à signer enfin la charte des langues régionales et minoritaires. La France admettra peut-être enfin qu'elle est plurielle et que c'est la diversité qui crée la richesse. E PLURIBUS UNUM, comme l'écrivait Saint Augustin et comme l'ont repris les Etats-Uniens. IN VARIETATE CONCORDIA est la devise de l'Union Européenne. Bien sûr, ce n'est pas facile tous les jours de s'entendre avec les autres, déjà qu'on a de la peine "entre nous" , voire que chacun de nous a de la peine a s'entendre avec lui-même (je connais bien le sujet !). Je rêve qu'un jour la France se réconcilie avec elle-même... Doux rêve d'un utopiste. Pourquoi pas ?

Mais je reviendrai à la Corse pour ma conclusion. Et je me permettrai de citer un certain Jean-Jacques Rousseau, auteur d'un Projet de Constitution pour la Corse, qui écrivait dans "Le Contrat Social" cette fameuse phrase : « Il est encore en Europe un pays capable de législation : c'est l'île de Corse. La valeur et la constance avec laquelle ce brave peuple a su recouvrer et défendre sa liberté, mériterait bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J'ai quelque pressentiment qu'un jour cette île étonnera l'Europe ».

Oui, quelle belle page d'Histoire est en train de s'écrire sous nos yeux ! Comme j'aurais aimé être Bastia le soir du dimanche 13 décembre ! Et comme j'aurais aimé être devant l'Assemblée de Corse ce jeudi 16 décembre... Imaginez la banderole très StarWarsienne : CHE A FORZA SIA CUN VOI ! Oui, aujourd'hui, j'ai enfin le courage d'écrire sur mon blog : "So Corsu e ne so fieru".

Bonnes fêtes de fin d'année à toutes et tous.

Cù Amicizia.

Je citerai pour finir le premier couplet du DIU VI SALVE, REGINA, l'hymne national corse, qui place l'île sous la protection de la Sainte Vierge (ouh ! la ! la ! je connais des laïcards anti-régionalistes qui vont hurler...) :

Diu vi salvi, Regina
E Madre universale,
Per cui favor si sale 
Al Paradisu.

mercredi 16 décembre 2015

La vie est belle

"Pour bien des gens, la vie est une lente désespérance." disait Henry David Thoreau, cité par Keating dans Le Cercle des Poètes disparus. Et comme il avait raison. Je me souviens, c'était il y a déjà vingt-cinq ans, mon ami Fred Thé me confiait sa déception face au monde du travail et au monde des adultes en général. A l'époque, pour ma part, j'étais encore bercé d'illusions. Depuis, je suis devenu à mon tour "vieux, usé, fatigué", comme dirait l'autre, comme le prouve mon précédent texte.

Mais... non ! La vie est belle, bordel !

Peu de gens le savent mais Roberto Benigni a baptisé son film "La vita è bella" en hommage à une phrase de Léon Trotski (sacré Léon !), alors poursuivi par les sbires staliniennes (qui finiront par avoir sa peau, et d'une façon particulièrement atroce), regardant sa femme dans son jardin et s'exclamant, malgré tous les soucis et toutes les menaces : "La vie est belle !". [Je rappellerai ici que ce film cite la Barcarolle des Contes d'Hoffmann mis en musique par Offenbach... voir mon texte sur "Un petit tour au grenier"...]

"La vie est belle", c'est aussi le titre français du fabuleux film "It's a wonderful Life" de Frank Capra, un des plus beaux films que je connaisse, un des plus désespérés aussi, tout en étant tellement optimiste... Oui, il y a peut-être là une contradiction... Je ne sais pas. Je sais juste que ce film est tellement riche, un conte de Noël irrésistible (c'est de saison).

Enfin, bon, ce petit mot en guise de post-scriptum à mon précédent texte sur le plafond de verre, pour remercier les personnes qui m'ont témoigné de leur sympathie et de leur amitié. Une fois de plus, je réalise à cette occasion combien toutes et tous nous partageons "l'humaine condition" : des soucis de santé, des parents ou des amis malades, des contrariétés au travail, des questions existentielles, la peur du néant et du vide intersidéral de nos vies...

Je m'en veux de m'être épanché et d'avoir une fois de plus oublié qu'il n'y a pas que ma petite personne sur cette bonne vieille planète. Comme disait Trotski : "Malgré tout, la vie est belle !"

Belles fêtes de fin d'année à toutes et tous.

Et, pour finir, je citerai "Merry Xmas, Mr Lawrence" alias "Furyo" : "Joyeux Noël, Lawrence ! Joyeux Noël, Monsieur Lawrence"... tandis que démarre la lancinante musique de Ryuichi Sakamoto... "Father Christmas is Santa Claus !" J'ai aussi en tête le final bouleversant de "La Dolce Vita" quand le héros bascule définitivement du côté obscur de l'âge adulte, renonçant à l'espoir incarné par la jeune fille qui l'interpelle sur une plage d'Italie au lendemain d'une fête trop arrosée comme seuls les adultes en font, parce qu'il n'y a qu'en buvant qu'ils croient retrouver un instant leur âme d'enfant...

Le plafond de verre

Un jour, on arrive au bout du chemin. C'est une voie sans issue. On est face à un mur. Que faire ? Retourner sur ses pas ? Escalader le mur ? Se cogner la tête contre les briques en attendant que ça passe ? Mais ça ne passe pas.

J'ai atteint mon plafond de verre, pour prendre une expression fort jolie hélas détournée ces derniers jours par des chroniqueurs politiques en mal d'inspiration. Pour parler en termes plus "DRH", je suis la vivante réalisation du "principe de Peter". Je cite wikipedia : « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s'élever à son niveau d'incompétence », avec pour corollaire : « Avec le temps, tout poste sera occupé par un employé incapable d'en assumer la responsabilité. ».

Voilà trois ans quasi jour pour jour... C'était le jour de la fin du monde, vous savez, la prédiction des Mayas, le 21 décembre 2012... mon Dieu ! comme tout ça parait loin !... C'était donc il y a trois ans... Le jour de mon inspection... Pour les gens qui ne sont pas dans l'Education nationale, petite explication : nous sommes plus ou moins (souvent moins que plus : dans mon cas c'était seulement la deuxième fois en plus de vingt ans de carrière) régulièrement "inspectés". A ce propos, j'en profite pour confirmer la rumeur : il n'y a aucune visite médicale dans l'Education nationale. On peut faire toute une carrière sans voir une seule fois la médecine du travail. Nous sommes hors contrôle... Avec tout ce que ça peut sous-entendre...

J'ai donc été inspecté le 21 décembre 2012. J'étais alors au collège Charlotte Delbo de Tronget, où j'avais fait sereinement ma neuvième rentrée. Tout allait plutôt bien dans ce collège rural où "j'avais fait mon trou", une fois de retour sur le Continent après mes cinq ans merveilleux au Collège du Cap à Luri. L'inspectrice, satisfaite, semble-t-il, de mon travail, me conseilla d'aller voir ailleurs, de prendre le large, de me mesurer au vaste monde... Et si vous alliez travailler en lycée ? L'idée m'avait déjà traversé l'esprit au printemps précédent, du fait que j'avais déménagé de Moulins pour Montluçon, mais ce ne fut alors qu'une idée vague.

Là, notamment pendant les vacances de Noël, le poison s'est lentement répandu dans mes neurones... Aller bosser en lycée ? Pourquoi pas ? Je pensais terminer ma carrière en lycée. A 42 ans (alors), c'était un peu tôt pour parler de fin de carrière mais pourquoi pas tenter l'aventure ? J'ai oublié à ce moment là l'avertissement d'un de mes anciens principaux : "Attention, Monsieur Pérès, à ne pas quitter la proie pour l'ombre". On sait ce qu'on perd, on ne sait jamais ce qu'on trouve.

Mais... Mais... Mais... L'idée de ne plus avoir à faire la route, notamment en hiver, était séduisante. L'idée de voir d'autres têtes aussi. Et surtout l'idée, malsaine mais moteur de l'humanité depuis la nuit des temps, de se montrer ambitieux, de tenter le diable (tiens... tiens...), de se prouver et de prouver aux autres que l'on était capable de relever un "challenge", un défi, une nouvelle aventure... Et puis ça allait en jeter... Travailler dans un grand lycée, où en plus il y avait des classes préparatoires (ces fameuses "prépas" que je n'avais pas osé affronter quand j'étais étudiant, parce que j'avais eu peur et aussi, avouons le, parce que je n'avais clairement pas le niveau)... J'allais désormais jouer dans la cour des grands.

Hélas. On croit trouver un grand lycée enthousiasmant où tout le monde est sympathique. On découvre un lycée de province, qui jalouse son voisin de palier (la guerre fait rage avec "l'autre lycée" de la même agglomération). Un établissement où beaucoup d'enseignants mettront plus d'un an à vous dire bonjour. Un espace finalement anonyme où l'on attend du documentaliste d'ouvrir dix heures par jour et cinq jours par semaine, point barre. Si ! Il faut aussi répondre présent dans l'instant à toutes les sollicitations. 

C'est là que j'ai découvert combien mon métier était différent en collège et en lycée, surtout en collège rural où on met la main à la pâte pour un peu tout, où on peut lancer plein de projets, participer à diverses activités avec plus ou moins de bonheur... Et souvent plus ! Que ce soit à Villon dans les Années 1990, à Luri ou à Tronget, j'avais animé un atelier théâtre et organisé des spectacles. Bien sûr, c'était "amateur". Mais, là, dans un lycée avec option théâtre, il devenait désormais totalement impossible pour moi d'imaginer encore animer un atelier théâtre. D'abord, on m'a expliqué que le mot "atelier" n'était pas politiquement correct et surtout pas digne d'un enseignement de lycée. Ensuite, ben, forcément, je n'aurais de toute façon pas eu (du tout) le niveau.

Finies les activités annexes, qui parfois m'agaçaient mais faisaient aussi le sel de mon métier... L'initiation à la sécurité routière, l'exercice annuel d'évacuation de car, la visite des élèves de sixième aux résidents de la maison de retraite locale... Bien sûr, tout ça, pour des profs de lycée, ça fait au mieux "oeuvre de patronage" sympathique, au pire un truc tellement minable et risible. Eux, ils préparent leurs élèves au bac et aux grandes écoles et aux universités prestigieuses. Des gamins de collèges ruraux, dans des zones plutôt pauvres (que ce soit Luri ou Tronget, ce n'était pas l'Eldorado question ressources économiques), certain(e)s n'en ont jamais vu et/ou ne veulent plus en voir.

Je suis devenu un bibliothécaire dans un immense centre de documentation qui donne le vertige. Beaucoup beaucoup de livres et aussi beaucoup beaucoup de fauche... C'en est d'ailleurs désespérant. Pas une semaine sans que je constate la disparition d'ouvrages... Que ce soit à Luri ou à Tronget, je n'avais jamais vu ça. 

Points positifs... Il y en a bien sûr. Une direction (l'ancienne comme la nouvelle) qui nous laisse les coudées franches. Des personnels administratifs et de service fort sympathiques, avec qui on partage, face à nombre d'enseignants, cette désagréable (humiliante même) impression d'être "le petit personnel de service". Et surtout, surtout, des élèves polis, intéressants, intelligents (trop d'ailleurs parfois... c'est là que je réalise que je ne suis vraiment pas "à jour" intellectuellement !). Enfin, et c'est notoire, quelques collègues vraiment très sympathiques, qui m'ont accueilli dès les premiers jours, et avec qui je peux plaisanter quand j'ai l'occasion de les croiser car, dans un grand lycée, on peut ne pas voir certains collègues pendant des mois... Et, bizarrement, c'est toujours les personnes avec qui on a le moins à échanger, les personnes qui vous toisent pour ne pas parler de mépris (je finis par devenir parano), ce sont ces personnes là qu'on croise le plus souvent... Dommage !

J'ai cru être à la hauteur. Je ne le suis pas. Je suis désespérément médiocre. Pas mauvais, bien sûr. Je fais "le job". Mais rien de plus. De toute façon, je ne peux pas faire plus. Je me lève chaque matin la boule au ventre, l'envie de pleurer me prend quand je sors de chez moi et le soir je rentre épuisé nerveusement. Bien sûr, j'ai la sécurité de l'emploi, les vacances et tout le blabla de ces salauds de fonctionnaires parasites que la majorité des Français rêve de mettre face au peloton d'exécution pour l'exemple.

Mais cette impression d'inutilité, de non épanouissement, de néant même... Est-ce l'âge ? Le fait de ne pas avoir de projet (au sens étymologique du terme : je n'ai aucune capacité de "me projeter"...) et la terreur de passer toute ma carrière (plus de vingt ans encore) enfermé dans un poste où je prouve jour après jour mon incompétence crasse. L'impression désagréable d'être dans "Un jour sans fin", la poésie et la musique en moins. Ajoutez à cela mon âge, la pendule qui tourne, les personnes autour de moi qui vieillissent et la nuit les souvenirs du temps jadis qui me hantent. Des nuits sans sommeil, des jours sans entrain.

Voie sans issue. Impasse. 

Soyez très prudent(e) le jour où l'on vous propose "une promotion"... C'est, généralement, le début de la fin. Tout le monde n'a pas les épaules pour changer de poste, tout le monde n'a pas l'ambition, l'orgueil et le minimum d'égoïsme indispensable pour "monter en grade". Certains resteront "hommes du rang" toute leur vie. Après tout, pendant mon service militaire, j'étais "première classe", et ça m'allait très bien. J'aurais fait un bien mauvais brigadier (l'équivalent de caporal dans l'infanterie, mais moi je servais dans l'artillerie), et pire encore si j'avais été sous-officier voire officier de réserve.

Dieu sait que je suis égocentrique et narcissique (le psy m'avait dit une fois, du temps où je le fréquentais, que je souffrais de "blessures narcissiques", je n'ai toujours pas bien compris ce que ça voulait dire), mais je ne pense pas être égoïste. Il faut l'être un minimum pour avoir de l'ambition. Je manque désespérément d'ambition. Par ailleurs, je suis très (trop !) sensible au climat qui m'entoure. Même si tout le monde, depuis trois ans, me conseille de "faire avec", de ne pas tenir compte du mauvais esprit qui peut régner autour de moi (voire parfois à mon encontre), je n'y arrive pas. 

J'en ai même perdu le goût du cinéma, tellement peur d'être jugé par les censeurs intellectuels qui m'entourent pour mes goûts trop populaires et médiocres. Je ne suis pas allé voir le dernier James Bond, que j'attendais impatiemment. Il faut dire que les événements du 13 novembre m'ont temporairement sevré de l'envie de voir des films avec des explosions. Je n'irai probablement pas voir le dernier Star Wars. Pas d'envie. Plus d'envie. La peur de la foule aussi, je l'avoue, et un peu l'overdose face à "l'effet Disney". Perdu le goût des séries télé, à force d'entendre "Ah ! Nous, on n'a pas la télé !" avec le regard condescendant des élites vers la plèbe qui perd son temps devant des séries. Ne parlons pas des lectures... Ce n'est pas de la littérature, voyons !

Bien sûr, après-demain, c'est les vacances. La magie de Noël. Egalement le gavage imposé et le rappel criant que je n'ai pas d'enfant et plus beaucoup de famille. Mais qu'importe. C'est les vacances. Certes. Mais dans deux semaines et demi, je replongerai. Le retour au lycée. Les mêmes collègues, le même mépris, le même climat. Et pour combien d'années encore ? Toute la vie ?

Le problème ne vient pas des autres mais de la perception que j'ai d'eux. Le problème vient de moi. Mais que faire ? Fuir ? Mais où ? Et je suis trop vieux pour partir et j'ai malgré tout quelques attaches (et pas des moindres !) ici, même si j'ai toujours l'impression de "ne pas être d'ici". Curieuse, cette impression de ne pas se sentir chez soi. Je ne l'avais pas du tout à Tronget, ni à Luri. J'étais chez moi là bas, au milieu des miens. Tout n'était pas toujours rose, il y a même eu des moments tendus et quelques coups de gueule épiques mais nous étions comme une famille. En ces temps de fêtes, l'esprit de famille me manque encore plus. Je ne pensais pas que j'écrirais ça un jour... Peut-être ai-je fini par briser mon plafond de verre ?


lundi 7 décembre 2015

Un petit tour au grenier...

Hier, c'était dimanche. Non, non, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous parler des élections... Je ne suis pas vraiment un fin analyste politique. En plus, "ma" région, qui aurait jadis dû s'intituler Auvergne-Bourbonnais et est devenue, "par simplification administrative", Auvergne, a été purement et simplement absorbée, engloutie, colonisée par les outrecuidants sans âme de Rhône-Alpes. Non à l'envahisseur en col blanc pour qui l'ouest de l'Allier et tout le Cantal ne seront même pas des noms sur une carte... Mais revenons à nos moutons (quoique, dans nos pâturages, ce sont surtout des vaches... je m'égare !).

Hier, c'était donc dimanche, un de ces dimanches ennuyeux à mourir, comme les chantait si magnifiquement Charles Trénet. Vous savez, quand on traîne son cafard toute la journée. Outre ma déprime liée à la nostalgie de la Corse, une Corse rêvée, idéalisée, ma Terre Sainte à moi... C'était le triste septième anniversaire de la mort de ma mère, ma maman à moi (et pas qu'à moi d'ailleurs). Envie de rien. Impossible de lire quoi que ce soit. Je me serais bien affalé devant la télé, un bon débat politique nul qui m'aurait distrait... Mais non, pour cause d'élections, il était interdit de parler de politique... Il faut respecter le temps de réflexion des citoyens... Et plonger les dépressifs dans une dépression encore plus profonde... Ce n'était plus une dépression, c'était devenu le gouffre de Padirac, et non pas le gouffre de pas d'Irak.

J'ai bien tenté de trouver le réconfort dans la Liturgie des Heures et dans la lecture de "L'imitation de Jésus-Christ". Mais ça n'a pas marché plus que ça. J'étais vraiment mal, comme on dit, en ce dimanche après-midi de décembre, tandis que dehors il faisait un beau soleil et que le petit peuple de France se précipitait dans les marchés de Noël pour acheter des produits artisanaux fabriqués par des petits enfants au fin fond du Bengladesh...

Et, en réfléchissant à ce qui avait été le (en tout cas le principal) déclencheur de cette déprime, le revisionnage de quelques séquences du film "L'enquête corse", je me suis rappelé que j'étais un grand sensible (mais pas un sentimental, d'aucuns m'ont déjà reproché ma froideur à l'égard de mes contemporains et mon absence totale d'empathie, ce à quoi je réponds : j'ai un coeur, bon, il est en pierre mais j'ai un coeur !). Et que le danger guette pour moi de plonger dans la pire des apathies nostalgico-mélancoliques rien qu'en écoutant un morceau de musique qui me rappellera "le bon temps"... 

Du coup, et je l'ai déjà évoqué, je me construis ma carapace. Et j'évite d'écouter de la musique, moi jadis mélomane absolu (la tonne de CD que j'ai dans mon salon est bien là pour le prouver et, d'ailleurs, même si je n'écoute plus de musique, je continue d'acheter des CD... "pour plus tard"). Car je sais que le démon rôde, tapi dans l'ombre, comme dirait un certain Saint Pierre. Oui, le démon est là qui sait que la musique (ainsi que certains films mais on peut quand même plus facilement éviter de regarder un film) est mon talon d'Achille à moi... Et d'entendre telle ou telle chanson, tel ou tel air, et me revoilà totalement déprimé, ne croyant plus à rien, prostré, prêt à replonger avec délice (car j'aime à ce moment là le goût étrange et envoûtant du désespoir) dans le néant de mon passé recomposé.

Je parle de démon mais on peut aussi parler d'inconscient, de subconscient, de ce que vous voulez. Vous comprenez ce que je veux dire. Pour certain(e)s, ce sera un parfum, pour d'autres un plat (ah ! la Madeleine de Proust !), pour d'autres encore un vêtement (la fameuse scène dans "Rebecca")... Pour moi, comme pour beaucoup je suppose, c'est la musique...

Mais j'en ai marre, moi, à la fin, de ne plus pouvoir écouter de musique et de me retrouver comme une chiffe molle parce que j'aurai écouté une chanson qui jadis me faisait exulter ! Zut et triple zut ! Et si j'affrontais mon démon, si je le regardais en face pour une fois ?! Quand on est préparé, on sait peut-être mieux résister. Si au lieu de me retrouver dans la cave de mes émotions à chaque morceau de musique entendu à la radio, à la télé, au supermarché (si ! ça m'est déjà arrivé, la déprime du caddie !), je choisissais d'aller dans le grenier de mes souvenirs, pour y piocher les bons morceaux qui dépriment bien, mais en toute connaissance de cause.

Après tout, je me souviens d'une amie qui voyait et revoyait "La ligne verte" (sublime film adapté d'un roman non moins sublime ! et dans le film il y a cette si belle chanson qui sert de référent mémoire au héros... on n'en sort pas !... "Heaven, I'm in heaven !"...) et qui me disait : ce film me fait toujours pleurer. Et elle m'expliquait que, comme ça, elle pleurait un bon coup et ça lui purgeait son cafard. Les intellos critiques appellent ça la catharsis.

Dimanche après-midi, j'ai d'abord écouté en boucle "La Barcarolle" des Contes d'Hoffmann d'Offenbach... Morceau que j'adore depuis toujours mais que je ne pouvais plus écouter car, pour moi, il avait "l'ochju" (le mauvais oeil) : je l'avais entendu à la radio la veille de la mort de ma grand-mère puis la veille de la mort de ma mère... J'ai ensuite choisi d'écouter quelques morceaux de la BO de "Good bye Lenin !", film qui me rappelle tant ma maman. J'ai continué par "Where dreams are born", de John Williams, extrait de la BO du film "A.I.", morceau que j'avais écouté en boucle en rentrant à Castellu (le village où j'habitais en Corse) en revenant de l'enterrement de ma grand-mère. J'ai conclu par la chanson "Mare di China" de Chjami Aghjalesi, une si belle ballade qui évoque pour moi et la Corse et l'Indochine de jadis qu'a pu connaître, justement, ma grand-mère.

Bizarrement, après cette "overdose" musicale, je me sentais bien, tellement bien, tellement mieux. Libéré. J'avais regardé mon démon en face. J'étais monté dans mon grenier y mettre un peu d'ordre. Je pouvais retourner vaquer à mes occupations, tout en sachant que mes souvenirs m'attendent là haut, tranquillement. J'avais même l'impression étrange, genre la scène finale du "Retour du Jedi", que tous "mes chers disparus" (et ils commencent à s'accumuler) me regardaient avec un sourire bienveillant. 

Je sais bien qu'il y aura toujours chez moi cette cave qui me fait si peur, cette cave bien sombre et au sol accidenté. Mais, bon, on a tous nos petits recoins qui nous terrifient sans qu'on veuille l'admettre. Heureusement, je n'ai pas de cabane au fond du jardin (pas celle de Cabrel / Gerra), vous savez, celle où il faut absolument aller récupérer quelque objet indispensable un soir de nuit sans lune... Bon courage !

vendredi 4 décembre 2015

La grande tentation

Chacun(e) d'entre nous a des rêves. Parfois il les oublie, parfois il les enterre, parfois il les ignore. Certain(e)s réalisent leur rêve. D'autres doivent renoncer à leur rêve.

J'avais un rêve : aller travailler et vivre en Corse. La terre de mes ancêtres (une petite partie de mes ancêtres, pour être précis, originaire du village de Peri, non loin d'Aiacciu... euh... Ajaccio). Dès mon premier contact avec la Corse, alors que j'étais jeune adolescent, lors de vacances avec mes parents, je suis tombé amoureux (et le mot est faible, croyez-moi) de cette île. Nous sommes allés trois étés de suite en Corse, comme un voyage un peu plus en profondeur chaque année. Nous sommes d'abord allés du côté de Porti Vechju (ah ! les aiguilles de Bavella ! Zonza !). L'été suivant, ce fut la Haute-Corse, depuis le camping de Macinaghju (c'est à cette occasion que j'ai découvert le Cap Corse... Capi Corsu... l'isula di l'isula, comme dit "la pub"... mais c'est tellement vrai !), le Cap Corse, Bastia, la Balagne... La troisième année, nous avons rayonné depuis Corti mais nous avons craqué et avons fini notre séjour une nouvelle fois à Macinaghju. Plusieurs fois, nous nous étions rendus, mes parents, ma soeur et moi, à Peri, découvrir "le berceau des Pérès", la chapelle familiale, le cousin corse (qui vivait à Neuilly neuf mois sur douze mais avait "la maison familiale" au pays... paese...).

C'était les Années 1980, le combat pour l'autonomie. Dans mon délire d'adolescent, j'avais même commencé la rédaction d'une constitution corse... Sans commentaire ! Je ne serai jamais un grand juriste ! J'ai vite renoncé à mon projet.

Les années ont passé. Mais je rêvais toujours de la Corse. Je me suis même fait "casser la gueule" une fois parce que, au sortir d'un bistrot à Clermont, j'avais dit que j'étais corse... C'était quelques jours avant de passer mon écrit de CAPES... Je n'en ai pas souvent parlé.

Les années ont continué de passer... les échecs aussi, personnels et sentimentaux et professionnels... En 1995, j'ai eu soudain une opportunité fabuleuse : aller travailler comme "recenseur documentaliste des monuments historiques" à la Direction régionale des affaires culturelles d'Ajaccio... J'ai sauté sur l'occasion. Ce fut une merveilleuse année, une initiation à la vie... sauf que mon boulot de documentaliste de l'Education nationale me manquait... J'ai retrouvé dès 1996 "la maison enseignement" et la région Auvergne et mon cher Bourbonnais. Parce que de vivre en Corse m'avait aussi fait découvrir combien j'aimais le Bourbonnais... Rien n'est simple, n'est-ce pas ? 

Mais au fond de moi j'avais un goût d'occasion manquée, un rendez-vous raté, une tentative avortée... Après trois ans d'exercice en collège dont un à Cosne d'Allier, là même où j'ai découvert ce qu'était un collège rural, j'ai demandé ma mutation pour la Corse, sûr que je ne l'obtiendrais pas la première année... Et, pourtant, Dieu (ou le Destin ou le hasard ou tout simplement suffisamment de "points" pour pouvoir muter) était avec moi... J'avais posé en premier voeu le collège de Luri dans le Cap, région que j'avais redécouverte à l'occasion d'une journée de formation lors de mon année à la DRAC d'Ajaccio.

Et me voici arrivé au Collège du Cap pour la rentrée 1999... Tout de suite, je m'y sentis à l'aise. La deuxième année fut un peu plus difficile parce que, après l'enthousiasme des débuts, ce fut le temps de la déprime parce que j'étais loin de mes amis et surtout de mes parents. J'ai alors demandé ma mutation pour rentrer sur le Continent. Dieu merci, je n'ai pas eu cette mutation. Et je suis resté en Corse... Peu de temps après, quelques semaines après le 11 septembre de triste mémoire, ma grand-mère décède. Les derniers temps, elle perdait un peu la tête. Le médecin avait évoqué Alzheimer. Toujours cette même année 2001, un jour de décembre, ma mère m'appelle pour m'apprendre que le médecin avait diagnostiqué chez elle la maladie d'Alzheimer. Ce jour-là, j'ai compris ce que signifiait l'expression "sentir le sol se dérober sous ses pieds".

Fin 2003, l'état de santé de ma mère s'était beaucoup dégradé. Il devenait évident pour moi que je me devais de me rapprocher de mes parents. Et j'ai pris la décision de demander ma mutation pour le Continent... J'ai déjà évoqué ce jour de printemps 2004 (dans un texte publié sur ce blog en mars 2014) où j'ai pleuré toutes les larmes de corps parce que j'avais obtenu ma mutation et que je savais que j'allais quitter la Corse. J'allais dire au revoir à mon rêve.

On peut enterrer un rêve au fond de soi, bien profond, en espérant qu'il ne viendra pas vous hanter, pas même au coeur des nuits d'insomnie... Et pourtant... Il n'y a pas de pire ennemi que soi-même... Alors on tente de se préserver, de se protéger, on se construit son mur (comme le chantaient si bien les Pink Floyd). J'ai bien vite pris conscience que tout ce qui avait rapport avec la Corse provoquait en moi des montées de nostalgie et des envies folles de tout plaquer pour repartir vivre là-bas.

J'ai arrêté d'écouter des chants corses. Bye bye Canta U Populu Corsu, Chjami Aghjalesi et tous les autres... J'ai évité soigneusement les émissions télévisées qui parlaient de la Corse... Je ne relis pas "Astérix en Corse" (même si je l'ai en triple exemplaire dont un, forcément, en langue corse). Je veille soigneusement à ne pas revoir "L'Enquête corse" (qui, par ailleurs, n'est pas un grand film mais reste une petite comédie bien sympathique et distrayante)...

Je me souviens de ce jour de septembre 2004 où j'avais découvert "L'enquête corse" dans un cinéma de Moulins. Cette morsure au coeur qui m'avait pris à ce moment-là... Et, heureusement, j'avais croisé un couple de collègues de Tronget qui m'avaient invité à boire un verre au "Grand Jus" (les Moulinois comprendront). Mais, depuis, chaque fois, j'évite de revoir ne serait-ce que quelques instants de ce film.

Il est repassé hier soir sur TMC... J'ai bien fait gaffe mais, à un moment, je suis tombé dessus en faisant "mon tour de zapette"... et je suis resté scotché pendant vingt minutes à pleurer devant les paysages qui défilaient... J'ai profité de l'arrivée chez le grand-père pour aller dans ma chambre et lire. Bravache, j'ai rallumé la télé en prenant mon déca... et le film n'était pas encore fini, l'occasion de voir le générique de fin et Tzek et Pido (tous ceux qui connaissent la Corse comprendront) expliquer "qu'on peut rire des Corses mais... faut pas !" dans un grand éclat de rire.

Comment trouver le sommeil après ? Tout vous revient à la figure... Les routes de Corse, les balades dans la montagne, le sentier des douaniers, la plage, le vin de Patrimoniu, la charcuterie et le fromage mais surtout les amis avec qui j'ai partagé tant de moments... Et cette île, cette île qui m'appelait, et qui m'appelle. Et l'envie de repartir, de demander ma mutation, de retourner vivre et travailler en Corse, même si j'en suis parti il y a plus de dix ans et que je n'y suis même pas retourné pour des vacances (sauf dans des rêves assez fréquents où je prends l'avion pour quelques jours du côté de Luri...). "Voilà ce que la nuit j'imagine dans mon délire", pour quasi paraphraser une chanson de Jacques Brel...

Elle est là, ma grande tentation à moi... Tout plaquer pour repartir vivre en Corse. Repartir. L'appel de la Corse, comme chez d'autres l'appel de la mer : la fin du film "Marius" de Pagnol où Fanny comprend qu'elle ne pourra pas retenir indéfiniment son Marius de partir sur un bateau pour aller à la découverte du monde.

Comprenne qui pourra. Pardonne qui osera.

La vie continue. "Il faut faire avec". Il faut savoir vivre avec ses rêves. Malgré ses rêves. Au delà de ses rêves. Ce n'est pas toujours facile. Mais qui a dit que résister à la tentation était chose aisée ?...

jeudi 3 décembre 2015

Quoi de neuf ? Que du vieux !

Eh oui... Fallait que ça finisse par arriver : un matin, on se lève, on est vieux. Vieux, usé, fatigué.

En même temps, il y avait des signes avant-coureurs : des années qu'on sentait la lente désespérance du quotidien prendre le dessus sur l'enthousiasme des jeunes années. Mais, bon, cette fois, on y est : on est vieux. 

C'est comme passer du Côté Obscur, la Force en moins.

Bizarrement, on n'est pas plus sage. Encore une fable que cette histoire de sagesse qui s'acquiert avec les années... Non, on est juste un peu plus râleur, un peu plus grognon, un peu plus pâlichon. Bref, on est tout tristounet, tout gris, tout rabougri.

C'est la vie !

Des mois, peut-être des années que je n'ai rien écrit. Et je n'ai rien à écrire, sinon pour me plaindre de moi, de mes collègues, de mes contemporains... C'est diablement ennuyeux, tout ça ! Quand on se laisse rattraper par l'instantanéité du présent, on finit par oublier de vivre. Et, un jour, la souffrance, la maladie, la vieillesse qui touchent nos proches les plus chers, nous rappellent à notre finitude.

Alors, que reste-t-il ? L'ivresse ? La prière ? La futilité ? Cochez la ou les case(s) qui vous convient (nent) le mieux...

Donc je ne me plaindrai pas. Pas envie. "Et à qui tout raconter ?" comme le dit si bien la chanson "La Folie" des Stranglers... Nous avons tous nos petits soucis, on ne va pas se charger avec ceux des autres. Et puis, il y a des choses plus graves dans le monde. Notre pays est en guerre, a dit notre président bien-aimé. En plus, les hordes migratoires sont à nos portes, nous préviennent nos intellectuels Cassandre, tandis que certaines des nouvelles "méga-régions françaises" s'apprêtent à basculer dans la mélasse ultra-droitière. Mais, au-delà de notre joli pays qui s'est réveillé malheureux un matin de novembre, il y a le monde que nous redécouvrons... Comme les Américains un matin de septembre 2001, nous avons découvert que le monde est monde et que l'Histoire continue et nous entraîne dans ses méandres parfois, ses tourbillons par moments, ses tempêtes à l'occasion.

Alors, que faire ? comme dirait l'ami Lénine. Prier ? Qui sait ? Boire, baiser, bouffer, la règle des 3 B ? Vaste programme... 

Pour ma part, outre que je resterai discret sur les propositions précédentes (en précisant que, côté boisson, pour ma part ce sera cocktail sans alcool), j'opterai notamment pour la lecture et l'étude... Sans partir dans les grandes phrases sur l'ignorance terreau de l'intolérance, auxquelles on pourrait opposer que pour être heureux il faut nécessairement être idiot, je crois quand même que la proximité avec l'écrit (sur papier ou sur tablette), c'est l'opportunité de la communion dans le silence avec la pensée d'un (e) autre, que ce soit par un texte de distraction, de réflexion, de polémique, qu'importe... La lecture est un baume tellement apaisant en temps de crise. Et notamment la lecture des Anciens... Relire les Stoïciens. Redécouvrir les Psaumes. Plonger dans "L'imitation de Jésus-Christ" (le livre le plus imprimé après la Bible à l'époque moderne et jusqu'au XIXème siècle). L'occasion de prendre de la hauteur, de relativiser, de saisir "le temps long". Ce qui est vrai de chacun est vrai d'une société et vrai d'un pays... Un peu de recul. Halte aux tweets ! Non aux hashtags ! Vive le dièse !

J'espère que je reprendrai le chemin du clavier avant un an... D'ici là, bon Avent aux Chrétiens ! Bonnes fêtes de fin d'année à tous !

Et que la Force soit avec nous ! On en a tous besoin ! Ardemment.