Hier, c'était dimanche. Non, non, ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous parler des élections... Je ne suis pas vraiment un fin analyste politique. En plus, "ma" région, qui aurait jadis dû s'intituler Auvergne-Bourbonnais et est devenue, "par simplification administrative", Auvergne, a été purement et simplement absorbée, engloutie, colonisée par les outrecuidants sans âme de Rhône-Alpes. Non à l'envahisseur en col blanc pour qui l'ouest de l'Allier et tout le Cantal ne seront même pas des noms sur une carte... Mais revenons à nos moutons (quoique, dans nos pâturages, ce sont surtout des vaches... je m'égare !).
Hier, c'était donc dimanche, un de ces dimanches ennuyeux à mourir, comme les chantait si magnifiquement Charles Trénet. Vous savez, quand on traîne son cafard toute la journée. Outre ma déprime liée à la nostalgie de la Corse, une Corse rêvée, idéalisée, ma Terre Sainte à moi... C'était le triste septième anniversaire de la mort de ma mère, ma maman à moi (et pas qu'à moi d'ailleurs). Envie de rien. Impossible de lire quoi que ce soit. Je me serais bien affalé devant la télé, un bon débat politique nul qui m'aurait distrait... Mais non, pour cause d'élections, il était interdit de parler de politique... Il faut respecter le temps de réflexion des citoyens... Et plonger les dépressifs dans une dépression encore plus profonde... Ce n'était plus une dépression, c'était devenu le gouffre de Padirac, et non pas le gouffre de pas d'Irak.
J'ai bien tenté de trouver le réconfort dans la Liturgie des Heures et dans la lecture de "L'imitation de Jésus-Christ". Mais ça n'a pas marché plus que ça. J'étais vraiment mal, comme on dit, en ce dimanche après-midi de décembre, tandis que dehors il faisait un beau soleil et que le petit peuple de France se précipitait dans les marchés de Noël pour acheter des produits artisanaux fabriqués par des petits enfants au fin fond du Bengladesh...
Et, en réfléchissant à ce qui avait été le (en tout cas le principal) déclencheur de cette déprime, le revisionnage de quelques séquences du film "L'enquête corse", je me suis rappelé que j'étais un grand sensible (mais pas un sentimental, d'aucuns m'ont déjà reproché ma froideur à l'égard de mes contemporains et mon absence totale d'empathie, ce à quoi je réponds : j'ai un coeur, bon, il est en pierre mais j'ai un coeur !). Et que le danger guette pour moi de plonger dans la pire des apathies nostalgico-mélancoliques rien qu'en écoutant un morceau de musique qui me rappellera "le bon temps"...
Du coup, et je l'ai déjà évoqué, je me construis ma carapace. Et j'évite d'écouter de la musique, moi jadis mélomane absolu (la tonne de CD que j'ai dans mon salon est bien là pour le prouver et, d'ailleurs, même si je n'écoute plus de musique, je continue d'acheter des CD... "pour plus tard"). Car je sais que le démon rôde, tapi dans l'ombre, comme dirait un certain Saint Pierre. Oui, le démon est là qui sait que la musique (ainsi que certains films mais on peut quand même plus facilement éviter de regarder un film) est mon talon d'Achille à moi... Et d'entendre telle ou telle chanson, tel ou tel air, et me revoilà totalement déprimé, ne croyant plus à rien, prostré, prêt à replonger avec délice (car j'aime à ce moment là le goût étrange et envoûtant du désespoir) dans le néant de mon passé recomposé.
Je parle de démon mais on peut aussi parler d'inconscient, de subconscient, de ce que vous voulez. Vous comprenez ce que je veux dire. Pour certain(e)s, ce sera un parfum, pour d'autres un plat (ah ! la Madeleine de Proust !), pour d'autres encore un vêtement (la fameuse scène dans "Rebecca")... Pour moi, comme pour beaucoup je suppose, c'est la musique...
Mais j'en ai marre, moi, à la fin, de ne plus pouvoir écouter de musique et de me retrouver comme une chiffe molle parce que j'aurai écouté une chanson qui jadis me faisait exulter ! Zut et triple zut ! Et si j'affrontais mon démon, si je le regardais en face pour une fois ?! Quand on est préparé, on sait peut-être mieux résister. Si au lieu de me retrouver dans la cave de mes émotions à chaque morceau de musique entendu à la radio, à la télé, au supermarché (si ! ça m'est déjà arrivé, la déprime du caddie !), je choisissais d'aller dans le grenier de mes souvenirs, pour y piocher les bons morceaux qui dépriment bien, mais en toute connaissance de cause.
Après tout, je me souviens d'une amie qui voyait et revoyait "La ligne verte" (sublime film adapté d'un roman non moins sublime ! et dans le film il y a cette si belle chanson qui sert de référent mémoire au héros... on n'en sort pas !... "Heaven, I'm in heaven !"...) et qui me disait : ce film me fait toujours pleurer. Et elle m'expliquait que, comme ça, elle pleurait un bon coup et ça lui purgeait son cafard. Les intellos critiques appellent ça la catharsis.
Dimanche après-midi, j'ai d'abord écouté en boucle "La Barcarolle" des Contes d'Hoffmann d'Offenbach... Morceau que j'adore depuis toujours mais que je ne pouvais plus écouter car, pour moi, il avait "l'ochju" (le mauvais oeil) : je l'avais entendu à la radio la veille de la mort de ma grand-mère puis la veille de la mort de ma mère... J'ai ensuite choisi d'écouter quelques morceaux de la BO de "Good bye Lenin !", film qui me rappelle tant ma maman. J'ai continué par "Where dreams are born", de John Williams, extrait de la BO du film "A.I.", morceau que j'avais écouté en boucle en rentrant à Castellu (le village où j'habitais en Corse) en revenant de l'enterrement de ma grand-mère. J'ai conclu par la chanson "Mare di China" de Chjami Aghjalesi, une si belle ballade qui évoque pour moi et la Corse et l'Indochine de jadis qu'a pu connaître, justement, ma grand-mère.
Bizarrement, après cette "overdose" musicale, je me sentais bien, tellement bien, tellement mieux. Libéré. J'avais regardé mon démon en face. J'étais monté dans mon grenier y mettre un peu d'ordre. Je pouvais retourner vaquer à mes occupations, tout en sachant que mes souvenirs m'attendent là haut, tranquillement. J'avais même l'impression étrange, genre la scène finale du "Retour du Jedi", que tous "mes chers disparus" (et ils commencent à s'accumuler) me regardaient avec un sourire bienveillant.
Je sais bien qu'il y aura toujours chez moi cette cave qui me fait si peur, cette cave bien sombre et au sol accidenté. Mais, bon, on a tous nos petits recoins qui nous terrifient sans qu'on veuille l'admettre. Heureusement, je n'ai pas de cabane au fond du jardin (pas celle de Cabrel / Gerra), vous savez, celle où il faut absolument aller récupérer quelque objet indispensable un soir de nuit sans lune... Bon courage !
2 commentaires:
Bonsoir
Et un petit coucou de Corse sans jolie prose ...
Perso, la musique me rend plus heureuse ... sauf que je ne prends jamais le temps d'en écouter ...
Quant au vrai grenier, celui de ma maison familiale, vaut mieux que je n'y monte pas. Les souvenirs, je les évacue.
Pensées. Bises.
Chantal (07 XII 2015)
Bonsoir !
Désolée de ne pas avoir répondu avant, mais j'avoue que, pour moi, ce n'est pas non plus la grande forme en ce moment... Ma phobie sociale, qui m'avait depuis un moment, fichu une paix relative, refait surface (provisoirement, je l'espère...) Ah, ce fichu besoin d'être toujours rassurée ! Enfin bref, je dois -encore une fois- reprendre confiance en moi ! Donc, je continue d'avancer en mode "survie" en attendant des jours meilleurs. Heureusement qu'il y a l'aikido (merveilleuse discipline) et quelques autres activités (attention au burn out, tout de même) qui me procurent des sensations et du rêve... Il m'arrive de surcharger mon emploi du temps pour éviter de trop penser car ce monde n'est pas vraiment fait pour les personnes hypersensibles, mais là, je vais me calmer un peu et retrouver une vie méditative, même s'il me faut affronter quelques angoisses.
Je suis contente d'avoir de tes nouvelles et de lire ton style que j'apprécie. Je crois que c'est dans l'obscurité que la lumière surgit le mieux et qu'il faut se battre pour elle quelles que soient les circonstances. C'est mon côté don Quichotte : vivent les utopistes et les doux rêveurs !
Bon, je vais te laisser avant de partir en live...
Bises, à la prochaine !
Simone
(7 décembre 2015)
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