Ce qui s'est passé la semaine dernière en Corse est tout simplement historique. Je ne ferai pas d'analyse politique, d'abord parce que je n'en suis pas capable, ensuite parce que ce n'est pas le moment (analyser à chaud, c'est le privilège des journalistes incompétents et des politiciens désoeuvrés, pas des historiens sérieux), enfin parce que d'un côté mes amis continentaux ne comprendraient pas forcément et de l'autre n'étant plus en Corse depuis onze ans je me garderais bien de prendre part au débat.
Simplement, je suis heureux comme je ne l'ai pas été depuis si longtemps. J'ai enfin retrouvé ma fierté. Ces derniers temps, j'ai tellement eu honte d'être Français (le résultat des élections mais aussi le nombrilisme hexagonal et le côté "donneur de leçons au monde entier"), Catholique (tous ces fachos homophobes qui polluent les églises par leur haine de l'autre), Occidental (notre façon, à nous Européens sécularisés, à mépriser tout ce qui n'est pas notre façon de vivre, notre obsession de la consommation, notre mépris de tout ce qui est spiritualité). Et pourtant, j'ai continué à être Français (même si je n'ai pas chanté "La Marseillaise" lors des rassemblement de "Charlie" et encore moins en novembre), Catholique (j'apprends au quotidien à m'initier à la prière), Occidental (parce que je ne saurais pas être autre chose, je suis déterminé par ma naissance, mon lieu de vie et le métier que j'exerce).
Mais je ne suis pas que ça. J'ai aussi une partie de moi qui est profondément Corse, avec tout ce que cela veut dire. Il y a l'histoire familiale (la famille Pérès de Peri, j'ai déjà évoqué le sujet) et puis ma vie tout simplement. Un an à la Direction régionale des Affaires culturelles à Ajaccio et cinq ans au Collège du Cap à Luri, ça vous change une vie.
Alors, forcément, quand la Corse semble, enfin, après des siècles souvent sombres, pouvoir accéder à la maîtrise de son destin, c'est un rêve qui se réalise. L'île qui a vu la première constitution démocratique moderne donnant le droit de vote aux femmes en plein XVIIIème siècle (en France, il a fallu attendre la fin de la deuxième guerre mondiale...), sa révolution écrasée par les troupes françaises à Ponte Novu, cette île que j'aime tant, riche en paradoxes, qui a connu tant et tant de douleurs, de violences, mais aussi qui fut la première région française libérée pendant la deuxième guerre mondiale et qui fut le porte-avions des Alliés pour reconquérir le sud de l'Europe face aux barbares nazis (c'est de Corse que s'envolait Saint-Exupéry pour ses missions).
La Corse qui accède à son destin. Ce sentiment tellement jubilatoire, cet enthousiasme qui me donne envie d'entonner "un chant de joie" comme le disait Natale Luciani (membre fondateur du groupe Canta U Populu Corsu, que j'ai eu la chance de connaître à la DRAC de Corse, et qui est disparu tragiquement dans un accident de voiture il y a quelques années) : ALLEGRIA !
Et l'espoir qui renait aussi pour toute la France... Car, comme je l'ai écrit plus haut, je suis aussi Français. Même s'il y a le FN et ses relents de haine, même s'il y a Bernard Tapie, même s'il y a tous ces politiciens véreux et vérolés, il y a Le Drian qui dit quelques mots en breton au Conseil régional de Bretagne, il y a Bayrou qui parle de la richesse des langues régionales. Face aux dinosaures anti-régionalistes, peut-être trouverons-nous enfin la fierté dans chacune de nos régions de forcer Paris à signer enfin la charte des langues régionales et minoritaires. La France admettra peut-être enfin qu'elle est plurielle et que c'est la diversité qui crée la richesse. E PLURIBUS UNUM, comme l'écrivait Saint Augustin et comme l'ont repris les Etats-Uniens. IN VARIETATE CONCORDIA est la devise de l'Union Européenne. Bien sûr, ce n'est pas facile tous les jours de s'entendre avec les autres, déjà qu'on a de la peine "entre nous" , voire que chacun de nous a de la peine a s'entendre avec lui-même (je connais bien le sujet !). Je rêve qu'un jour la France se réconcilie avec elle-même... Doux rêve d'un utopiste. Pourquoi pas ?
Mais je reviendrai à la Corse pour ma conclusion. Et je me permettrai de citer un certain Jean-Jacques Rousseau, auteur d'un Projet de Constitution pour la Corse, qui écrivait dans "Le Contrat Social" cette fameuse phrase : « Il est encore en Europe un pays capable de
législation : c'est l'île de Corse. La valeur et la constance avec
laquelle ce brave peuple a su recouvrer et défendre sa liberté,
mériterait bien que quelque homme sage lui apprît à la conserver. J'ai
quelque pressentiment qu'un jour cette île étonnera l'Europe ».
Oui, quelle belle page d'Histoire est en train de s'écrire sous nos yeux ! Comme j'aurais aimé être Bastia le soir du dimanche 13 décembre ! Et comme j'aurais aimé être devant l'Assemblée de Corse ce jeudi 16 décembre... Imaginez la banderole très StarWarsienne : CHE A FORZA SIA CUN VOI ! Oui, aujourd'hui, j'ai enfin le courage d'écrire sur mon blog : "So Corsu e ne so fieru".
Bonnes fêtes de fin d'année à toutes et tous.
Cù Amicizia.
Je citerai pour finir le premier couplet du DIU VI SALVE, REGINA, l'hymne national corse, qui place l'île sous la protection de la Sainte Vierge (ouh ! la ! la ! je connais des laïcards anti-régionalistes qui vont hurler...) :
Diu vi salvi, Regina
E Madre universale,
Per cui favor si sale
Al Paradisu.
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