Il m'est déjà arrivé d'entendre des témoignages de personnes disant qu'elles n'étaient pas douées pour le bonheur. De même, parfois, lors d'hommages à un cher disparu plus ou moins célèbre, on évoque sa vie et on la commente en disant qu'il était doué pour beaucoup de choses, mais pas le bonheur...
Serait-ce mon cas ? C'est une façon de retourner la fameuse phrase où l'on s'exclame, lors d'une accumulation de catastrophes, "je suis maudit !" D'abord, dire qu'on est maudit sous-entend que le Diable existe (ce dont je ne doute pas forcément car les démons qui nous habitent existent bel bien, les croyants parlent de démons, les athées de mauvais penchants, les agnostiques de côté obscur et les psychiatres d'instinct de mort ou d'auto-destruction, par exemple...), ensuite c'est un peu dire qu'on est passif, qu'on n'y est pour rien. Or, personnellement, j'ai toujours cru que l'homme était maître (au moins en partie) de son destin. Je ne crois pas au déterminisme systématique, que ce soit en matière biologique (l'idée que tout s'explique par nos gênes, nos comportements amoureux notamment... l'homme serait par essence infidèle au bout de trois ans et la femme chercherait avant tout des hommes forts car ils correspondraient au père idéal et protecteur), sociale (ce n'est pas parce qu'on est né riche dans un quartier aisé qu'on s'en sortira mieux même s'il y a parfois prédisposition...) voire religieuse (je ne m'imagine ni musulman - mot qui veut dire littéralement "soumis" - ni bouddhiste par exemple).
Etre doué pour le bonheur. Une expression que j'apprécie énormément. Elle est riche d'une promesse de liberté de l'homme à construire sa vie, à en être responsable, à l'assumer. Car, après tout, on peut apprendre à tout âge et se perfectionner, progresser, avancer... Bien sûr, on se pose forcément la question à soi-même : suis-je doué pour le bonheur ? Est-ce que je sais reconnaître ses signes avant-coureurs ? Et qu'est-ce que le bonheur ? Ce n'est pas le plaisir qui est passager et souvent futile. Ce n'est pas le calme, la paix, l'équilibre. Ce n'est pas l'absence de malheur. Le bonheur est en tout cas quelque chose de subtil, d'assez personnel et probablement totalement fugace.
Pour ma part, je crois bien que je ne suis pas doué pour le bonheur. Je ne sais pas le savourer quand il est là. Je sais juste le pleurer quand il s'est enfui au loin. Je ne suis d'ailleurs pas doué pour grand-chose... D'où le fait que je sois un type solitaire, une espèce d'ours, un véritable sauvage, à la conversation plutôt inintéressante... J'exagère ? Certes. N'empêche. Si ma conversation avait quelque intérêt, j'aurais des amis proches et non pas seulement par internet et au loin, je recevrais au moins de temps en temps des coups de fil...
Je n'avais pas réalisé combien j'étais inintéressant avant qu'une amie très proche qui est en train de me quitter m'en fasse prendre conscience. Tout d'abord, elle me fit remarquer - et elle n'est pas la première ! - que j'étalais ma culture... Ma culture ? Quelle culture ? Je n'ai absolument aucune connaissance en littérature, je n'entends rien à la science, je n'ai que de vagues rudiments en histoire, je ne sais rien de la peinture ou de l'architecture, je ne connais pas un seul nom de fleur ou d'arbre, je ne reconnais pas une espèce de chien d'une autre, je n'ai aucune idée des marques de voitures et de leur capacité sous le capot, j'ignore les noms des titulaires du Onze de départ pour l'Euro (ça tombe bien, Raymond Domenech non plus !). Puis elle me fit remarquer - là non plus elle n'est pas la première, loin de là ! - que mes conversations étaient souvent noires, cyniques, ennuyeuses. D'ailleurs, j'ai fort peu de sujets de conversation, puisque je ne m'intéresse qu'à des choses relativement ennuyeuses, comme l'histoire, la religion, la politique, l'actualité.
Résultat ? Je passe à côté de la vie. Je suis un petit con intello, comme on me l'a souvent dit à l'école. Je suis ce que je n'aurais jamais voulu être. Comme mon père, qui a fait le vide autour de lui et n'a jamais voulu voir en ma mère une personne dépressive depuis de longues années, j'intellectualise tout, je ne parle que de choses finalement fort ennuyeuses. Comme mon grand-père maternel, celui-là même qui vira ma mère de sa maison à sa majorité, je suis un sauvage qui vit seul avec ses bouquins, sa radio et ses souvenirs.
A quoi sert d'avoir une culture, et je répète que je n'en ai pas, quand on est bien incapable de la partager ? Il me vient à l'esprit un texte, souvent lu lors des mariages (une cérémonie que je ne connaîtrai hélas jamais), intitulé improprement "L'Hymne à l'Amour", extrait de la "Première Lettre de Paul aux Corinthiens"... un texte que j'apprécie énormément et dont on peut goûter la saveur, que l'on soit croyant ou non...
"Mes frères, quand je parlerais toutes les langues des hommes et des Anges mêmes, si je n'ai pas la charité, je ne suis qu'un airain sonnant ou une cymbale retentissante. Et quand j'aurais le don de prophétie, et que je pénétrerais tous les mystères, et que j'aurais toute la foi possible, jusqu'à transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. Et quand j'aurais distribué tout mon bien pour nourrir les pauvres, et que j'aurais livré mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, tout cela ne me sert de rien. La charité est patiente, elle est douce ; la charité n'est point envieuse, elle n'est point téméraire et précipitée, elle ne s'enfle point d'orgueil, elle n'est point ambitieuse, elle ne cherche point ses intérêts ; elle ne pense point le mal ; elle ne se réjouit point de l'iniquité, mais elle se réjouit de la vérité ; elle supporte tout, elle croit tout, elle espère tout, elle souffre tout. La charité ne finira jamais, au lieu que le don de prophétie cessera, le don des langues finira, le don de science sera aboli ; car ce don de science et ce don de prophétie sont incomplets. Mais quand sera venu ce qui est parfait, ce qui n'est qu'imparfait cessera. Quand j'étais enfant, je parlais en enfant, je jugeais en enfant, je raisonnais en enfant ; mais en devenant homme, je me suis défait de tout ce qui tenait de l'enfant. Nous voyons présentement comme dans un miroir, et en énigme ; mais alors nous verrons face à face. Je ne connais maintenant qu'imparfaitement; mais alors je connaîtrai comme je suis moi-même connu. Présentement la foi, l'espérance, la charité, trois vertus ( qui nous unissent à Dieu ), demeurent ; mais la charité est la plus excellente des trois." [Il faut ici prendre le mot "charité" au sens du mot "amour".]
Je ne suis pas doué pour le bonheur, notamment pour des raisons génétiques... Ma famille n'était pas douée pour le bonheur, que ce soit du côté paternel ou maternel. Peut-être aussi pour des raisons socio-culturelles... Je suis documentaliste, un métier en voie d'extinction, dans l'Education nationale, où l'on supprime des postes par dizaines de milliers, une profession dont on ne retient généralement que "les vacances". Je suis Français, j'habite l'Allier, un département en voie de vieillissement accéléré dans un pays qui vieillit également massivement. J'ai bientôt quarante ans, l'âge où l'on se remet souvent en question. Pour des raisons religieuses certainement... la fameuse culpabilité judéo-chrétien dont on nous rabat les oreilles... même si là je crois que la culpabilité, les névroses, les complexes, ce sont des choses partagées par toutes les civilisations et toutes les époques.
Je ne suis pas doué mais je me soigne. Enfin, j'essaie. J'espère que je n'ai pas été... une fois de plus... long, ennuyeux, morne.
Pour conclure, quelques mots de "Indiana Jones 4"... Et l'on n'est pas si loin que ça de ce qui précède... Car, personnellement, ce qui m'intéressait dans ce nouvel épisode des aventures du professeur Jones, c'était les personnages... Retrouver Henri Jones alias Indy et son amour de jeunesse Marion Ravenwood... Là (que ceux qui n'ont pas vu le film mais veulent le voir ferment désormais les yeux !) ils vont finir par se retrouver vingt ans après leur rupture car leur histoire était forcément mouvementée... deux caractères bien trempés... Ils vont - enfin ! - se marier. Et, surtout, Jones va découvrir qu'il a un fils : Henri, troisième du nom. Après avoir renoué avec son père dans "La dernière Croisade", Indy découvre à son tour les joies de la paternité dans "Le Royaume du Crâne de Cristal"... On pense forcément à un autre film de Spielberg : "Hook"... Le film lui-même n'est pas le meilleur de la série... Beaucoup de clins d'oeil à destination des fans, une histoire parfois décousue, quelques longueurs, une superbe reconstitution de l'Amérique des Années 1950, un hommage à Tintin ("Vol 747 pour Sydney" ou "Le Temple du Soleil") ou Edgar P. Jacobs ("L'Enigme de l'Atlantide") et bien sûr des allusions à "Rencontres du Troisième Type" voire à "Stargate" et "X-Files". Indiana Jones, après de longues années, goûtera enfin au bonheur. Et on lui souhaite de vivre "heureux, longtemps et comblé"... En tout cas un mariage qui dure plus que celui de James Bond dans "Au Service secret de Sa Majesté...
Bonjour chez vous.
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