Depuis quelque temps, je ne sais dire pourquoi, j'ai l'impression que la vie est en train de changer pour moi... En bien ou en mal ? Peu importe, serais-je tenté de répondre : pourvu que ça change ! L'immobilisme est ce qui peut nous arriver de pire, non ?
Eté 2023... Depuis fin mai, après des années de silence, j'ai retrouvé non seulement le goût de l'écriture mais j'ai dépassé mes appréhensions et je partage de nouveau mes textes, sans crainte des éventuels jugements et critiques. Je ne dirai pas que je m'en moque mais ça ne m'arrête plus. En tout cas pour le moment. Je me sens tellement libre. Et tout a commencé à la mort de Tina Turner et de Jean-Louis Murat. Pour la première fois, depuis des années, j'ai versé des larmes. Je croyais vraiment que je ne savais plus pleurer. Même à l'enterrement de quelqu'un de particulièrement cher à mon coeur, je n'ai pas pu verser une seule larme. Et, là, à la mort de Tina Turner, et surtout à celle de Jean-Louis Murat, 24 heures plus tard, ça a été les chutes du Niagara. Et, depuis, je n'arrête pas ! Comme dirait Pierre Richard à Gérard Depardieu dans "Les Compères" (excusez mes hautes références cinématographiques, littéraires et musicales !) : Dites donc, vous ne nous feriez pas une dépression, vous ?! Non. Non. Pas une dépression. Au contraire. Un anticyclone ! La vie qui, d'un coup, frappe à la porte et te rappelle que tu n'es là que pour un (court) moment. Alors, il faut en profiter ! Rire, danser, courir, nager (bon, ça, moins, mais j'en connais une qui est d'accord avec cette partie du programme !), manger, pleurer, aimer, etc.
Flash back. Juillet 1989. La Néo-Décadence [fondée, rappelons-le, jeunes incultes, au pied du Vésuve le 6 avril 1986 après un excès de Lacrima Christi... pour les innocents, le Lacrima Christi, c'est un vin blanc délicieux servi frais !], en 1989, est encore active. Mais c'est son dernier été. Elle ne le sait pas encore. Les poètes amateurs que nous sommes vont bientôt se disloquer, chacun plongeant dans la vie de couple... Le couple : voilà l'ennemi de la poésie ! Pour ma part, LJK (alias Léon-Joseph Kronstadt, oui, c'était mon pseudonyme... j'étais assez perturbé ! Il y avait aussi Docteur Freyd, Vladimir Le Pendu, Druidomaniac ou encore BZH... Celui-là, il s'était contenté de piquer les initiales de la Bretagne mais, alors, je ne m'en étais pas rendu compte...), LJK, donc, commençait à laisser la place à Tonton Zeff... Le côté humour léger prenait le dessus sur l'humour noir (politesse du désespoir) et sur notre vrai travail de création. Car, oui, je continue à l'affirmer : nous avions un petit talent. Collectivement. Nous étions les Néo-Décadents et nous commencions nos séances en proclamant : "Je ferai couler ton sang dans les méandres du Canigou !" Progressivement, l'ivresse consécutive à nos rencontres devint constitutive de nos rencontres... Hélas.
Eté 1989. A l'époque, je n'avais pas encore besoin de me soûler pour écrire des poèmes. La versification me venait naturellement comme si j'étais tombé dedans quand j'étais petit. J'écoutais Madness (le rock-pop en mineur : en apparence, tout va bien, mais c'était de grands torturés, issus de la classe ouvrière), les chansons et les conférences de Boris Vian. Je lisais Boris Vian en permanence, ses romans bien sûr, mais aussi ses poésies, son théâtre, ses pastiches de séries noires (Vernon Sullivan !)... Je commençais à découvrir Jacques Brel et dans une moindre mesure Georges Brassens (trop sage à mon goût : je préférais les envolées lyriques du Grand Jacques, le prêtre Jacques comme se moquait gentiment Georges...).
Eté 1989. Je veux me lancer dans l'écriture d'un roman, vaguement inspiré de "L'herbe rouge", un roman de science-fiction, autour de l'invention de l'oniroscope, cette machine qui permet de voyager dans ses rêves... aux dépens de son créateur (à savoir moi, bien sûr !). Le héros y perdra ses plumes. Il séduira Séverine, la petite soeur de Nathalie D., ma compagne d'alors (ma première "sérieuse", même si dans mon coeur et mon âme Isabelle restera définitivement la première, c'est elle qui m'avait connaître Boris Vian et René Barjavel deux ans plus tôt...). Il inventera un personnage alter ego : l'homme de la pluie... Rain Man... tiens tiens... Ensuite ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Déjà, à l'époque, je ne savais pas où j'allais. Mais des trente ans et quelque plus tard, j'ai un peu tout oublié de ce projet inabouti de roman.
Eté 1989. J'écris encore quelques poèmes. Je n'ai certes pas encore besoin de la bouteille mais j'ai déjà besoin d'une muse. Je n'écris plus gratuitement ! Dommage. Ma muse est donc Nathalie D. (un nom dont j'ai découvert qu'il est number one des patronymes de l'agglomération montluçonnaise et, d'ailleurs, Nathalie D. était, de loin en arrière, originaire du sud-ouest de l'Allier... mais je ne suis pas là pour faire de l'étymologie !) Je lui écris un poème où je lui promets un éternel été...
Je ne me souviens pas de l'intégralité de ce poème. Je me souviens juste du premier et du dernier vers. Mais n'est-ce pas là l'essentiel ? Dans mes années de solitude et d'écriture éthylique, notamment mes samedis soirs du Cap Corse, après avoir regardé Thierry Ardisson et le "blind test" de Monsieur Philippe Corti (encore un corse, avec un nom pareil ! ça tombait bien ! j'y étais !), je revenais toujours à ces lignes... Et je désespérais de les délayer et de pouvoir écrire de nouveau un poème. Je n'y suis plus jamais arrivé. Même ivre mort. Mes tentatives furent toutes plus poussives les unes que les autres...
Revenons à cette ultime poésie "potable"...
C'était sous un ciel parfumé, au coeur de l'Eternel Eté.
Les nuages de l'ennui seront chassés par un Vian violent.
Eh ben ! On ne va pas aller loin avec ça !
*
* *
Toujours dans le passé mais six ans plus tard. Eté 1995. Je l'ai déjà plusieurs fois évoqué, cet été 1995, ces derniers jours. J'étais au bout du bout. J'étais le Smalltown Boy des Bronski Beat (mais je ne quittais pas mon foyer pour les mêmes raisons que lui) :
You leave in the morning with everything you own in a little black case
Alone on a platform, the wind and the rain on a sad and lonely face
Mother will never understand why you had to leave
But the answers you seek will never be found at home
The love that you need will never be found at home
Peut-être une des plus belles et désespérantes vidéos que je connaisse ! L'hymne des gays londoniens des Années 1980.
Je vous conseille vraiment la version maxi single : un introduction a capella de plus de deux minutes... C'est juste bouleversant. De la beauté pure :
Cet été 1995, je vais quitter Moulins, l'Education nationale et ma famille (pour la petite amie, je n'en ai plus et je n'en aurai plus avant 2007 et la tragédie Stéphanie... j'oublie Delphine, la montluçonnaise, mais c'est compliqué... une drôle d'époque... pas très sain, cette drague par internet, surtout quand on picole tandis que sa mère est en train de mourir d'Alzheimer à même pas 64 ans...). Je vais tout quitter pour devenir "documentaliste-recenseur" des Monuments historiques (métier créé par Prosper Mérimée) à la DRAC d'Ajaccio.... Je viens d'acheter une vieille AlfaSud. Ma première voiture. Une vraie épave mais qui roule (très) vite... Eh ! C'est une italienne !
En juillet, je pars du côté de l'Ain voir Pierre, la seule personne du service militaire avec qui j'ai gardé contact. Je serai son témoin de mariage à l'été 1999, juste avant de (re) partir en Corse, cette fois-ci comme documentaliste du Collège du Cap, à Luri. Pierre ne boit pas. Mais il fume beaucoup (du tabac) et consomme beaucoup de café. Nous passons de longues soirées à regarder des cassettes vidéos que nous allons louer au distributeur automatique. Je me souviens particulièrement du "Fléau" de Stephen King. Oui, ça avait l'air bien, mais c'était long ! Et, surtout, à deux heures du matin, les yeux piqués par la fumée, je n'y comprenais plus rien... Je ne savais pas alors que j'allais, de longues années plus tard, devenir un amateur enthousiaste de Stephen King (au point de le conseiller autour de moi...) et que le King me donnerait l'envie de me remettre à écrire ! J'ai d'ailleurs lu "Le Fléau", sans avoir les yeux piqués, et j'ai beaucoup apprécié.
En juillet toujours, avant ou après le séjour chez Pierre, mes souvenirs sont flous, je vais dans la Loire chez les Jacquinod, allez, tant pis, pour une fois, un nom de famille, sinon je ne m'en sortirai pas ! Et les lecteurs encore moins ! Et, après tout, je ne dis aucun mal d'eux. Bien au contraire. Pendant une semaine, j'ai été leur hôte. Reçu divinement. La fille aînée, Catherine, qui aimait écrire Katheryn. Elle se la jouait tradi, limite réac (expliquant que le terme "réactionnaire" entendait "réagir à"...). Quand j'ai appris que son père l'emmenait, sur ses épaules, aux concerts de Renaud à Saint-Etienne ! Catherine, je l'avais connue à l'été 1988, lors de fouilles archéologiques sur le site de Larina, à Hyères sur Amby, dans le 38, quand le Rhône entame sa courbe qui le mènera à Lyon. Les fouilles archéologiques ! Que du bonheur ! C'est Isabelle (Boris Vian et René Barjavel) qui m'avait donné l'adresse du chantier de fouilles, où était allée sa meilleure amie (l'alors petite amie de Docteur Freyd ! vous suivez ? moi non plus !). Isabelle qui se moquait de l'archéologie et des bibliothécaires... Ah ! Gratter la terre, merci ! Les bibliothécaires ? Toute la journée dans la poussière de leurs rayonnages... Isabelle qui méprisait ostensiblement les personnes recourant à un psy... Si elle avait su ! Elle est prof d'anglais à Paris, la seule authentique socialiste que je connaisse. Je ne l'ai pas revue depuis de très longues années. Nous avions valsé ensemble au Grand Bal de l'Europe à l'été 1997 (le fameux été 1997 ! en juillet, j'ai valsé avec Isabelle et en août avec Marie... je n'ai plus jamais valsé... une danse trop dure pour moi ! je préfère la scottish ! c'est du deux temps !).
Mais les Jacquinod alors ? Je deviens très ami avec Catherine. Son côté réac me plait. Mais en tout bien tout honneur. C'est aussi une catholique pratiquante. Nous gardons contact après l'été 1988. Je vais à Saint-Etienne pour ses vingt ans à l'automne 1988. Nous faisons de nouveau des fouilles ensemble à l'été 1989 (l'été de la honte pour les royalistes ! en plus, j'étais aux cérémonies du Bicentenaire...). Puis nous nous perdons de vue mais continuons à correspondre. C'est une époque où j'écrivais beaucoup. Où nous écrivions tous beaucoup. Un jour, elle m'apprend que son petit frère, victime d'une maladie génétique rare, serait enfin définitivement tiré d'affaire. Nous fêtons ça du côté de l'Ain. A l'époque, je vis avec Sophie à Clermont, l'année qui précède son départ pour Grasse. Une énorme fête au son de la bande originale de "American Graffiti" (le premier film d'un certain George Lucas, produit par un certain Francis Coppola), un double CD qui a fait le tour des soirées de mes années estudiantines et bien sûr des compilations de Madness.... Puis Sophie et moi nous séparons, pendant mon service militaire. Pas le meilleur de mes souvenirs.
Au début de l'été 1995, les Jacquinod organisent une réception dans la maison de campagne qu'ils viennent d'acheter dans la Loire. Les Jacquinod, les parents, sont tous deux profs d'université, lettres et grec ancien, si je me souviens bien. Le papa avait d'ailleurs, ce qui était très rare pour l'époque, un ordinateur portable, qui lui permettait (luxe du luxe !) de taper directement en grec ses cours. A la réception, il y avait énormément de profs. Le sujet à la une ? Le SNES exclu de la FEN, bien sûr. A part les vieux syndicalistes, tout le monde a oublié. En deux mots... Le SNES, plutôt proche du PCF. Le SNI, syndicat des instituteurs (on ne parlait pas de professeurs des écoles à l'époque), totalement PS. Les deux, piliers de la FEN, la toute puissante Fédération de l'Education nationale... Comme me dit plus tard mon pote Henri d'Ajaccio, lui-même membre du SNAC (Syndicat national des Affaires culturelles) - FSU (la toute petite fédération "concurrente" qui allait être créée quelques mois plus tard) : "La FEN ? Pouah ! En 1947 [scission de la CGT... la minorité reste la CGT, d'obédience communiste, et la majorité, sous l'appellation Confédération Générale du Travail-Force Ouvrière, s'envole vers un parcours... euh... sinueux...], la FEN est la seule fédération de travailleurs qui n'a pas eu le courage et la volonté de choisir !" Du coup, ben, c'est devenu la FEN ! En 1992/1993, je crois, le SNES est exclu de la FEN, en compagnie du SNEP (le syndicat des profs d'éducation physique... à part). En 1993 est créée la FSU. Mais elle est très minoritaire. La FEN, elle, crée l'UNSA, devient le SE (Syndicats des enseignants) et finit par disparaitre, corps et âmes dans cette confédération disparate. A la réception des Jacquinod, plein d'instits, mais des jeunes instits... Des jeunes encartés au SNUIPP-FSU... et morts de rire de ce sigle à rallonge ! Et ça nous occupera une bonne partie de l'après-midi, l'histoire mouvementée des sigles de la FSU (d'où ces détails sur l'histoire du syndicalisme enseignant). La FEN, pour couper l'herbe sous le pied de la FSU, va déposer en brevet quasiment tous les noms possibles de syndicats, histoire que la FSU doive inventer des sigles surréalistes... Pour les profs, pas de problèmes, le SNES existe déjà. Mais pour les instits et désormais les profs des écoles... Ils sont obligés de créer le syndicat au sigle le plus délirant de l'histoire du syndicalisme français : le SNUIPP ! Même ses membres actifs ne savent pas tous la signification de ce sigle à rallonge.
Mais, à cette réception des Jacquinod, on n'a pas que parlé boutique... (Mettez des profs ensemble...) J'ai sympathisé avec la soeur cadette de Catherine, Florence, avec qui j'allais sympathiser dans les années à venir. Et surtout surtout j'ai eu le coup de foudre (ah ! ça manquait !) pour Cécile, leur cousine de Montpellier, avec son petit accent si séduisant. Cécile était (est toujours) prof de maths.
Fin juillet, retour à la maison de campagne des Jacquinod. Cette fois-ci, pas de réception, pas de syndicalisme... Non, non, je suis le seul invité. Le seul ? Non, Cécile vient de Montpellier. Elle est à bord de sa twingo (la voiture tendance de ces années là !). Là, on passe le stade du coup de foudre. Cécile et moi passons le temps de notre séjour chez les Jacquinod ensemble, même si Florence se joint à nous de temps en temps. Quand Cécile se recoiffe ou met son chapeau (bien sûr, j'ai acheté le même... en même temps, Saint-Julien-Chapteuil, même fin juillet, il fait 10° C et il pleut tout le temps... alors qu'il y a la canicule à Saint-Etienne !), elle se tourne ostensiblement vers moi : Je te plais comme ça ? Voilà. Voilà. En plus, elle est née à Bastia (par hasard, comme moi à La Haÿ les Roses). Moi qui m'apprête à partir pour la Corse (même si c'est chez les ennemis d'Ajaccio), j'y vois plus qu'un symbole.
Mais tout a une fin. Ah ! Si ! Une dernière petite anecdote sur les Jacquinod et plus particulièrement sur leur fils handicapé, dont j'ai oublié le prénom. Il était admirateur de Michel Drucker. Papa Jacquinod a donc écrit à l'animateur télé préféré des français sans spécialement d'espoir. Michel Drucker lui a répondu par une très belle lettre manuscrite, adressée au papa et au fiston. Le fiston qui ponctuait toutes ses phrases de : "Magnifique ! Formidable ! Vous aimez les chiens ?" Quiconque a allumé un téléviseur dans les Années 1990 comprendra de quoi je parle !...
Août 1995. A la fin du mois, je prépare mon départ pour la Corse. Je dois prendre le bateau à Marseille. Cécile m'a invité à passer par Montpellier. Après tout, depuis Moulins, ça ne fait pas forcément un gros détour. Et surtout avant de me lancer dans une nouvelle vie, j'ai vraiment vraiment envie de la revoir ! Qui sait si elle ne viendra pas me voir en Corse, si nous nous marierons et aurons des enfants... Cécile, la sainte patronne des musiciens, née à Bastia, prof de maths, féministe, avec un petit accent... Et catholique pratiquante. Je suis même allé à la messe à Ajaccio les premiers temps de mon installation... Qu'est-ce qu'on ne ferait pas par amour !
J'arrive dans la campagne à quelques encablures de Montpellier. Oups. Florence est aussi invitée. Mais qu'importe. Plus on est de fous ! Cécile me laisse sa chambre. Je fais la connaissance de sa soeur, plus jeune et plus voluptueuse et plus directe (on parle de la scène d'ouverture de "Basic Instinct", ça la fait toujours rire !). Et, bien sûr, je fais la connaissance de ses parents, un couple d'agriculteurs, qui avait jadis bossé pour des fermiers pieds-noirs à Aleria (tristement célèbre Aleria...), d'où la naissance de Cécile à Bastia. Tiens... Devinez quel film nous regardons en boucle, à l'époque en cassette vidéo ? "Rabbi Jacob"... Non, ce n'est pas une blague. Pivert. Victor Pivert. Comme le pivert. Oui, il faut surveiller tout le monde. Partir avec Thérèse Leduc le jour du mariage de ta fille !! Victor, reviens ! Comment, Salomon ?!... J'arrête là. Imaginez simplement huit jeunes adultes (j'avais quand même 25 ans et Cécile pas loin) passant leurs journées à réciter du Rabbi Jacob... On était graves !
Séjour merveilleux. Mais il ne se passe rien. Et s'il s'était passé quelque chose, qu'aurais-je pu faire ? Le bateau m'attendait. Je laisse une lettre enflammée à Cécile. Je prends la route pour Marseille. A Vitrolles, ville alors de sinistre réputation, je retrouve mes parents et ma soeur (je crois qu'ils remontaient de Nice). Ils sont venus pour m'accompagner au bateau. Le matin de l'embarquement. Temps pourri. Mer démontée. Le Danielle Casanova bouge dans tous les sens. Je ne sais même pas qui est cette Danielle Casanova. Mon père m'explique : c'est une militante communiste déportée à Auschwitz. Dix ans plus tard, documentaliste au collège de Tronget, baptisé Charlotte Delbo, suite à des lectures de poèmes sur la Résistance, j'apprendrai que Charlotte, Danielle et quelques autres ont franchi les barrières du camp bras dessus bras dessous en chantant La Marseillaise... Fallait en avoir, du courage !
Bon, on n'en est pas à faire de l'histoire de France. Faut vraiment que je monte sur ce bateau ? Il bouge vraiment beaucoup beaucoup. Et, bien sûr, il mettra deux heures de plus pour rejoindre Ajaccio... A bord, le chef du bistrot où je me suis réfugié passe en boucle un CD, non pas de chants corses, mais indiens d'Amérique... C'était LE tube de l'été 1995 :
C'est à la suite de l'achat de ce disque que j'ai rejoint l'Association Survival International, qui défend les droits des peuples autochtones. Chaque fois que j'écoute cet album, je suis sur le bateau, la mer est démontée et je me demande ce qui m'attendra à Ajaccio.
Arrivé à Ajaccio, premier jour, après être passé me présenter à la DRAC, je prends la route de Peri, le village des Pérès, à une vingtaine de kilomètres de là. L'impression d'être comme un juif qui débarque en Terre promise. C'est la fin de l'exil des Pérès, me dis-je. Tu parles ! Finalement, je ne resterai à Ajaccio qu'un an et serai nommé documentaliste à Yzeure (donc Moulins) en septembre 1996.
Et Cécile ? On s'est revus en octobre 1995. Au mariage de Catherine. Pour l'occasion, je prends l'avion pour la première fois de ma vie, Ajaccio-Lyon. Au mariage, Cécile ne me dit pas un mot de toute la soirée. Je me retrouve à la table d'une bande de sales petits bourgeois snobs très nouveaux riches, des cousins lointains qu'on a placés entre eux pour qu'ils ne nuisent pas trop. Quand ils apprennent que je suis fonctionnaire, c'est un déferlement de haine comme j'en ai rarement vu. Une semaine avant avait eu lieu une "journée d'actions" contre la réforme Juppé (elle sera suivie par le "fameux" décembre 1995... quand CGT et FO défilaient, enfin, ensemble en criant "Tous ensemble ! Tous ensemble ! Ouais !"). La petite bande des cousins qui passaient leurs stages de fin d'études à Miami ou à Dubaï m'expliquèrent longuement que j'étais un sale privilégié. Pour sauver la face, je riais à leurs propos, estimant qu'après le dîner de cons, nous venions finalement d'inventer le dîner de fonctionnaires... Je serrais les dents mais qu'est-ce que j'ai été humilié ce soir là ! Et Cécile qui m'a à peine claqué la bise au moment de se dire au revoir. Ah ! Je m'en souviendrai, de ce mariage !
Je n'ai jamais revu Cécile. J'ai très vite cessé d'aller à la messe. Je suis rentré sur le Continent à la fin de l'été 1996, toujours à bord de l'AlfaSud, avec laquelle j'allais traîner avec Rup et Brett, puis avec ma soeur et Marie... Mais c'est une autre histoire, n'est-ce pas ?!
J'oubliais... C'est un "détail" mais je ne me pardonnerai pas de ne pas être complet sur cet été 1995. Je passais en boucle dans mon AlfaSud pourrie mais dynamique la musique de "L'As des As", bien entendue signée Vladimir Cosma :
Et nous voilà en 2023. Le 6 juillet pour être exact. La suite ? A lire à la fin de l'été ou probablement dans vingt ans. Le temps que ça mûrisse...
Et la guerre arriva. Et nous voilà ce soir.
Jacques Brel : "Mon enfance".
D'ici là, portez vous bien !
Et bel été ! Qui sait ? Ce sera peut-être l'été de tous les possibles...
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