jeudi 18 mai 2006

Le Code De Vinci... ou le syndrome de l'adaptation

Eh oui... Pourquoi pas dire "Le Code De Vinci", plutôt que "Da Vinci Code" ? après tout, en Italie par exemple, le titre a été traduit... Le vrai complot, c'est la généralisation des titres non traduits... Plus sérieusement, je suis allé voir le film tiré du fameux roman de Dan Brown dès hier soir... Ce qui m'a incité à aller le voir si vite fut d'abord une soirée sans rien à la T.V. (excusez moi mais la finale de la Ligue des Champions c'est pas mon truc... au vu du résultat et des arbitrages contestables... je n'ai rien raté...) et une chaleur écrasante ainsi qu'un gros coup de blues dû au théâtre (j'en parle brièvement plus bas) à évacuer en allant au cinéma... Enfin, comme j'aime pas le conformisme, le fait que le film soit démoli par la critique m'a incité à aller le voir... Après tout, vous savez ce qu'on dit : quand les critiques sont unanimes contre un film, il est généralement bon... Je me souviens du cas de "Titanic", démoli par la critique avant la sortie du film et qui fut le triomphe de la dernière décennie en salles puis à la T.V. et en vidéo...
Alors, voilà, je suis donc allé voir "Da Vinci Code". Pour ce qui est de mon opinion sur le roman (et surtout sur les contre-vérités historiques véhiculées), j'avais écrit un article sur ce blog en septembre dernier. Appliquant la règle de la rediffusion, je vous le remets ci-dessous en copié-collé pour celles et ceux qui ne l'auraient pas lu ou voudraient se rafraîchir la mémoire. Revenons au film... C'est toujours difficile, une adaptation de roman, surtout d'un roman à succès... On vous attend au tournant... Ron Howard (dont j'ai pas mal apprécié plusieurs films en tant que réalisateur comme "Willow", "Cocoon" ou "Horizons lointains" mais aussi son rôle dans "American Graffiti"...) s'en sort plutôt bien. La première partie du film est un peu poussive (à l'inverse du roman) mais les séquences londoniennes sont plutôt réussies. Le reproche (facile) que l'on peut faire à Howard est finalement d'être resté très proche du roman de Dan Brown... trop proche... Le cinéma est l'art des ellipses et du rythme alors qu'on feuillette un livre et qu'on prend le temps d'en relire les paragraphes obscurs... Au crédit du film, on a d'abord ses deux acteurs principaux. Tom Hanks, en universitaire faussement naïf, nous offre un personnage finalement assez dense. Quant à Audrey Tautou, elle apporte une touche d'humour à son personnage. A ce propos, l'humour est présent, notamment dans la seconde partie du film (ah... les dernières répliques d'Audrey Tautou...), offrant aux spectateurs quelques respirations dans l'intrigue. Les dialogues ont été soignés et on sent que Dan Brown (qui a lui-même dirigé l'adaptation de son roman) a mis de l'eau dans son vin par rapport aux théories de son roman... Le personnage interprété par Tom Hanks relativise considérablement les propos iconoclastes de son ami le professeur Teabing (magistralement interprété par Ian McKellen, qui joua Gandalf dans "Le Seigneur des Anneaux") (au fait, le nom de ce personnage, Leigh Teabing, est l'anagramme des noms des auteurs de "L'Enigme sacrée", ce livre que Dan Brown a impitoyablement pompé... voir mon article ci-dessous). Par contre, la question que je me pose après avoir vu le film, c'est : peut-on le voir sans avoir lu le livre ? C'est pas sûr... car les développements du roman éclairent certains propos menés rapidement dans le film. En conclusion, je conseille aux amateurs de films à mystère avec fond historique (même s'il est ici particulièrement écorné... comme souvent au cinéma) d'aller voir ce film. Ils passeront un bon moment. Les amateurs de cinéma cartésien ou intimiste ainsi que les allergiques au mystère et aux religions (soit parce qu'ils sont enracinés dans leur foi soit au contraire parce qu'ils sont des athées convaincus) s'ennuieront ferme.
Enfin, je souris en voyant les réactions à travers le monde suite à la sortie de ce film... Dans certains pays musulmans et bouddhistes, il est interdit pour blasphème... Par ailleurs, des groupes de catholiques plus ou moins organisés à travers le monde (mais pas l'Eglise de Rome en tant qu'institution) appellent au boycott... L'Opus Dei, au contraire, en profite pour faire des journées portes ouvertes (là, on croit rêver...). Je me souviens encore de la polémique des caricatures du Prophète et, à la fin des Années 1980, déjà à propos de la mise en scène de la liaison supposée Jésus - Marie de Magdala, le boycott massif du film "La Dernière Tentation du Christ" (allant jusqu'à l'incendie d'un cinéma à Paris avec un mort)... film qui, soit dit en passant, m'a personnellement redonné la foi et que j'apprécie de revoir régulièrement malgré ses défauts de réalisation (le réalisateur, Martin Scorsese, n'avait eu aucun financement pour son projet... et ça se sent... à l'inverse de "Gangs of New York" où, là, on voit à chaque image qu'il avait les dollars nécessaires...). Je suis chaque fois consterné par la bêtise humaine, le fanatisme de certains groupes dits religieux. Car de quoi ont peur les croyants ? Si on est si peu convaincu par sa propre foi qu'on soit ébranlé dès qu'une trame romanesque aborde le sujet de sa foi ou que quelques (mauvais) caricaturistes se permettent de faire des amalgames douteux... c'est qu'on est finalement de bien peu de foi (ou qu'en tout cas elle est particulièrement fragile) ! Amis croyants de toutes confessions, vous pouvez aller voir "Da Vinci Code"... vous n'irez pas griller en enfer ! Amis athées, vous pouvez aussi aller voir le film même si je pense que vous vous ennuierez ferme en pestant : "Ah ! comme ils nous ennuient avec leurs histoires de religions !"
Avant de passer à la rediffusion de mon article sur le roman "Da Vinci Code"... Quelques mots de la deuxième lecture de "Inspecteur Grey" (la pièce dans laquelle je joue en octobre)... Progressivement, tout se met en place... Mais je suis abominablement stressé par mon personnage... Je joue le secrétaire du mort, un homme ordinaire, banal, qui commet un délit parce que l'occasion se présente, un homme amoureux dont les avances sont repoussées. Et ce personnage tellement ordinaire me fait un peu peur. Car comment jouer, finalement, celui qui pourrait presque être soi-même ? C'est tellement plus facile de jouer quelqu'un de loin de soi. Je repense à mon personnage de Bouzin dans "Un Fil à la Patte"... J'avais mis du temps à le cerner mais, au terme, c'était un plaisir de jouer cet énergumène entraîné de bout en bout par Feydeau dans une intrigue qu'il ne maîtrise jamais... Là, avec René Dupré, je suis face à quelqu'un de totalement prévisible, qui pourrait être moi... D'un côté, j'ai peur de me perdre dans un tel personnage. De l'autre, j'ai peur de surjouer (pour souligner les sentiments de ce personnage "monsieur tout le monde") voire d'être un peu caricatural justement parce que je forcerais le trait ou au contraire je serais transparent et terne. En plus, mon personnage est le seul dans cette situation... Tous les autres sont bien marqués : les deux inspecteurs (le vieux de la vieille à qui on ne la fait pas et celui qui mène rigoureusement son enquête, entre Colombo et Sherlock Holmes) ; les deux héroïnes (la jeune fille au caractère trempé et sa demi-soeur, femme froide et distante) ; les domestiques (trois seconds rôles qui apportent pas mal d'humour dans une pièce assez sombre). Bref, je suis en plein doute quant au théâtre. Je me suis même demandé si j'allais continuer les répétitions ou pas...
Mais revenons au "Da Vinci Code"... Voici donc mon article, rédigé en septembre 2005.
DA VINCI CODE ou De l'Amour des Complots...

Tout d’abord, je tiens à préciser que j’ai lu ce roman, et en une journée, tellement j’étais «pris» par l’histoire, grâce au style de Dan BROWN, proche de celui de Mary Higgins CLARK : petits chapitres avec un rebondissement appelant la suite... J’ai simplement trouvé la fin plutôt grotesque : les retrouvailles en Ecosse m’ont fait penser à « La Petite Maison dans la Prairie » et l’épilogue avec Marie-Madeleine enterrée dans la Pyramide du Louvre prête largement à sourire... Ensuite, rassurez-vous, je ne vais pas faire d’ultimes révélations sur le sens secret de tel ou tel chapitre...
Mais c’est un bon roman d’aventures. Par contre, ce qui m’énerve, m’agace, voire me fatigue, c’est tous ces lecteurs qui ont redécouvert le monde avec ce roman, et tous les auteurs de guides, contre-guides et contre-contre-guides démystifiant tel ou tel point... Ils ont oublié qu’on a affaire à un roman d’aventures. C’est aussi absurde que d’étudier l’histoire de France en partant des romans d’Alexandre DUMAS ou d’imaginer que l’Arche d’Alliance est dans un entrepôt à Washington (cf. «Les Aventuriers de l’Arche perdue»). Ici, suite à la lecture de l’ouvrage de Dan BROWN, des milliers de personnes sont persuadées que l’Eglise leur ment depuis deux mille ans (pas forcément faux) en leur cachant la liaison entre Jésus et Marie de Magdala, liaison de laquelle serait née Sarah, ancêtre des rois mérovingiens... L’un des indices de cette liaison est le tableau de «La Cène», superbe oeuvre de Léonard De Vinci... Je vous la fais courte... Et la machine à fantasmes et à contre-vérités est lancée...
Quelques rappels par rapport aux "affirmations" tirées de ce roman. Tout d’abord, Jésus, on ne sait même pas s’il a vécu : il n’existe aucune trace archéologique et pas de traces historiques sinon les écrits chrétiens. Bon, mettons qu’il ait existé... Il est décrit par des Evangiles, dont certains ont été retenus par les églises et d’autres non. Les évangiles non retenus ont pris le nom d’apocryphes : cachés. Mais ils ne le sont plus car on peut les trouver chez tout bon libraire !! En l’occurrence, Dan BROWN cite «L’Evangile selon Philippe» où sont évoqués les baisers échangés entre Jésus et Marie de Magdala. Ce texte n’est pas secret... Le choix de garder tel ou tel évangile fut un processus long qui prit des siècles et qui est très bien connu et décrit par de nombreux ouvrages contant l’histoire des conciles et les débats houleux qui ont animé l’Eglise ou plutôt les églises... Après tout, la liste officielle («le canon») et définitive des livres composant la Bible Catholique date du Concile de Trente, soit du XVIème siècle...
Dan BROWN évoque le tableau de «La Cène» par De Vinci et il en fait un de ses principaux arguments sur le complot de l’Eglise depuis 2000 ans. Or, ce tableau, censé décrire un événement de la vie du Christ, a été réalisé plus de quatorze siècles plus tard. Si De Vinci était au courant de quelque chose de secret quinze siècles après c’est que l’Eglise n’a pas su cacher ce fameux secret. Et, en plus, les curés ont été tellement bêtes qu’ils ont laissé ce tableau accroché dans un monastère. La vérité est plus simple : Jean, «le disciple bien-aimé» (ce qui, d’ailleurs, a permis à certains d’évoquer une hypothétique homosexualité de Jésus comme Prieur et Mordillat dans «Jésus contre Jésus»), est représenté en jeune homme presque féminin dans nombre de tableaux de la Renaissance. Et on soupçonne même De Vinci d’avoir peint un de ses amants. Quant à la main en trop, c’est effectivement un mystère, mais déduire d’une main le mariage du Christ, le complot, etc... etc... c’est aller vite en besogne.
Dan BROWN parle d’une notion obscure, l’Eternel Féminin, et nous explique que l’Eglise, en voulant nier l’existence de Marie de Magdala (qui est quand même, selon les évangiles officiels, celle qui annonce la Résurrection de Jésus... pour quelqu’un qu’on oublie elle a un rôle plutôt important !...), a tout fait pour nier le rôle des femmes... Ce ne sont ni les Juifs ni les Chrétiens qui avaient une vision négative de la femme. C’est malheureusement un point partagé par toutes les civilisations ou presque que de nier l’Humanité à la moitié de celle-ci. Allez où vous voudrez, vous verrez des femmes opprimées. Le Judaïsme et le Christianisme ne sont pas à l’origine de l’asservissement de la femme. L’auteur évoque même une scène délirante, étonnamment peu relevée : il parle de célébrations orgiaques dans le Temple de Jérusalem, d’unions entre prêtres et prostituées sacrées... Il mélange tranquillement des rites romains et grecs et les transpose dans le monde hébreu...
Le top, c’est l’idée que Jésus et Marie de Magdala ont eu une descendance et que cette héritière s’est établie en France et est à l’origine des Mérovingiens. Génial ! Enfin un auteur américain qui aime la France et l’aime tellement qu’il lui donne une dynastie royale d’origine divine... Divin ! C’est le cas de le dire... Une affirmation tellement énorme que, même les personnes qui encensent le roman, en disant qu’il leur a tout appris, sont gênées et reconnaissent que, là, il va un peu fort dans son délire...
La plupart des théories fumeuses du «Da Vinci Code» se trouvent dans «L’Enigme sacrée», un ouvrage écrit par trois pseudo-historiens anglais et qui connut un certain succès de librairie dans les Années 1980 (il a été récemment réédité aux éditions J’ai lu). Le seul vrai reproche que je ferai à Dan BROWN, c’est de ne pas citer cet ouvrage qu’il a allégrement utilisé. Les auteurs, qui enquêtèrent sur le fameux abbé Saunières, son trésor supposé et sa tour de Magdala, mêlent les sources, les personnages d’époques diverses et élaborent des hypothèses délirantes. J’ai tenté de lire leur bouquin, j’ai attrapé une grosse migraine avant la cinquantième page.
Pour conclure, je dirai qu’il est un peu délirant de chercher des vérités historiques dans un roman d’aventures. Le thème du complot est un classique qui marche toujours. Dan BROWN use et abuse de cette ficelle. Dans un autre de ses romans il évoque les Francs-Maçons qui font fantasmer beaucoup de monde depuis deux siècles... Et j’aurai une petite réflexion personnelle. Si l’on suppose que Jésus a existé et qu’il était persuadé d’être le Messie (je ne dis pas qu’il l’était, car cela relève de la foi ou non de chacun, mais je dis que lui en était persuadé), qu’il savait ce qui l’attendait, il ne pouvait se permettre de prendre une épouse et surtout d’avoir des enfants, puisqu’il savait qu’il allait à la mort. Et, quand bien même il aurait été amoureux, et alors ? On nous aurait menti ?!... De toute façon, il faudrait se rappeler que l’on a affaire ici à un roman. Enfin, clin d’oeil, si il y avait depuis deux mille ans un complot pour nous cacher la vérité (la chanson de Dutronc : «On nous cache tout, on nous dit rien»), eh bien, le complot, il a échoué car quand on voit le nombre d’exemplaires de ce roman qui ont été vendus... Le secret a été mal gardé ! Le Prieuré de Sion a bien fait son boulot !!!
Voici, enfin, le commentaire d'Isabelle, avec lequel je ne peux être que d'accord :
"Salut Jean-François, j'ai bien aimé ton billet. Je partage largement ton opinion. Pour ma part, j'ai bien compris qu'il s'agit d'un bon roman d'aventures, mais le reproche que je fais à l'auteur, c'est de s'être permis de prétendre que tout ce qu'il raconte est VRAI. Et, en définitive, cela lui enlève même son mérite de "créateur, d'inventeur". Na ! Bisous. Isabelle." C'est vrai que ce qui est gênant dans ce roman, c'est la préface où Dan Brown affirme que tout est vrai, introduisant le doute et la confusion chez le lecteur peu au fait de la réalité historique...

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour Monsieur, Je trouve que votre article est très bien fait: Vous mélangez votre opinion, (même si un blog est fait principalement pour écrire ce que l'on pense) mais vous le faites avec un brin d'humour ce qui donne un ton particulier à votre texte (qui est à la base plutôt sérieux). De plus en lisant votre texte vous m'incitez vraiment a allé voir Da Vinci Code (je ne me "sentais" pas allé le voir car le titre ne me "branché" pas vraiment!lol)Bonne Continuation..

Anonyme a dit…

Re : Le Code de Vinci ou le syndrome de l'adaptation...

Bon, ben, je crois que j'irai le voir ce we, ce satané film !
Quant au livre, tout comme toi je l'ai dévoré mais, en fidèle amatrice respectueuse de la pensée de ce cher Rabelais, j'ai pensé, le temps du roman, que tout était vrai ! Je suis les préceptes du grand homme par principes ! Ensuite, je m'en suis donné à coeur joie : recherches, lectures...et ce n'est pas terminé ! J'apprends beaucoup !
Mr Brown est un auteur pragmatique, grand non par ses talents d'écrivain, mais par sa bonne compréhension et manipulation du public ! avec lui, nul ennui et pas trop de mots à rechercher dans le Robert....C'est du divertissement. Ces dernières années, Ian Pears a lui aussi traité de certains aspects du roman de Brown, mis d'une manière hautement intelligente, fine et consciencieuse. (cf le songe de Scipion)
Pour le Da Vinci, au lieu de "de Vinci", je crois que ça sonne mieux tout simplement. Ca met déjà du mystère dans le titre : "da", ça fait pays lointain, ça sonne italien, on trouve plus vite l'esprit du grans peintre ! Bref, on s'y croit ! Alors que De Vinci, ça sonne creux, et le "de" fait trop préposition : ça gaââââche !
Laurence
(18 mai 2006)