vendredi 28 novembre 2008

La Corse me manque...

Eglise Santa Maria et Tour de la Chiapella

La Corse me manque... et c'est peu de le dire... Comment expliquer ce sentiment qui m'habite, chaque fois que je repense à cette île, j'allais écrire "mon" île ?... Ce n'est pas de la simple nostalgie... Ce n'est pas non plus une espèce de mystique, un peu comme la Terre Promise pour les Juifs ou cette Amérique idéale que chantait Brel et que rêvait Boris Vian... quoique ! Il y avait chez moi cette quête de terre promise quand j'ai fait ma demande de mutation pour la Corse en 1999...
Mais mon histoire avec l'Ile de Beauté, la plus belle, Kallisté pour les Grecs Anciens, date de bien plus longtemps. D'abord, il y a mes origines familiales... Du côté paternel, j'ai des racines corses, plus particulièrement à Peri, petit village près d'Ajaccio, petit village néanmoins connu chez les amateurs d'histoire militaire puisque le régiment de Peri fit partie des troupes supplétives étrangères de Louis XIV... D'ailleurs, nombre de mes ancêtres Pérès ont servi dans l'armée, d'abord vénitienne, puis corse... puis française...
Quand j'étais petit, je rêvais de visiter la Corse... Je le fis, trois étés successifs, au début des Années 1980... Un été à Porti Vechju, un été à Corti et surtout un été à Macinaghju... A cette époque-là, la Corse était en pleine effervescence... Le Nationalisme était encore relativement unifié et l'île expérimentait la régionalisation... Pour ma part, à douze ans, j'avais très sérieusement entrepris de rédiger une constitution corse... Bon, j'ai jamais fini mon ouvrage (comme souvent... mon côté dilettante... et mon absence totale de connaissances en droit constitutionnel !!). Plus sérieusement, j'ai gardé de ces trois étés un souvenir plus qu'ébloui, plus particulièrement de l'été au camping de Macinaghju, à la pointe du Capi Corsu... Je n'imaginais pas alors que j'allais y retourner bien des années plus tard...
Les années passèrent... Je pensais à la Corse mais n'eut pas avant longtemps l'occasion d'y retourner... Mes parents étaient tombés amoureux de la Bretagne (avant de succomber aux charmes de la Normandie) et puis, en grandissant, je ne passais plus mes étés avec eux... Mais la Corse restait au fond de mon coeur... En 1995, après mon service militaire, une rupture amoureuse puis une première année catastrophique dans l'Education nationale (collège ZEP de 800 élèves pour "baptême du feu"), j'eus l'opportunité d'obtenir un "détachement"... à la Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) d'Ajaccio où je travaillais un an comme documentaliste recenseur des Monuments historiques. Ce fut pour moi la (re) découverte de la Corse... Mais les élèves me manquaient et j'avais de trop grandes lacunes en italien pour dépouiller les archives, forcément toutes rédigées dans la langue de Dante... Je ne restais donc qu'un an dans la "Cité impériale", qui d'ailleurs ne me semblait pas être vraiment corse, plutôt une petite ville de la Côte d'Azur... N'empêche... Cette impression d'inachevé me fit dire et surtout me dire à moi-même que j'y retournerais un jour ou l'autre, et cette fois pour la vie. Et puis, lors de deux tournées professionnelles en Haute-Corse, j'avais (re) découvert la région bastiaise et le sud du Cap Corse, en particulier Erbalunga et Brandu... Et je me disais qu'il fallait vraiment que j'y retourne...
Je suis rentré à Moulins. Et j'aurais bien pu m'y installer définitivement... Mais la vie vous joue parfois des tours... Deux ans au Collège François Villon, au cours desquels j'accompagnais des élèves en Toscane (grand moment de frisson : me dire que j'étais à quelques kilomètres de mon île !!), je fis du théâtre, etc... Puis... on me "remercia" car je n'étais pas titulaire du poste... Je découvris alors le travail en collège rural, à Cosne-d'Allier. Parallèlement, ma vie privée était totalement nulle, que ce soit en amitié ou en amour. Bref, rien ne me retenait plus à Moulins, à part mes parents. Je fis ma demande de mutation pour la Corse, en espérant obtenir le Collège du Cap à Luri car le poste m'intéressait beaucoup. Et j'ai obtenu cette mutation. J'étais fou de joie. Quand je l'ai annoncée à ma mère, elle m'a dit : "je suis très heureuse pour toi" et elle s'est mise à pleurer, à la fois de joie mais aussi de tristesse. Je n'oublierai jamais ces larmes. Elle était alors hospitalisée pour des soucis aux genoux. Pour l'anecdote, sa chambre d'alors est juste en face du batîment où elle est actuellement en train de mourir. Il est des rapprochements, des coïncidences, étranges voire cruelles.
Septembre 1999... Je débarque au Colleghju Capicorsinu... Un peu plus de 160 élèves bien sympathiques, des collègues très accueillants... Et le village... Luri, à peu près 500 habitants. Je découvre la vie dans un village corse... Tout ne fut pas rose tous les jours... notamment ma deuxième année en Corse... Après l'enthousiasme des premiers mois, j'ai connu une période de dépression, de doute... Le Bourbonnais me manquait, mes parents, mes amis de Clermont... Je souffrais de solitude dans mon appartement de Castellu... Puis je m'y suis fait, j'ai commencé à avoir des amis... J'ai découvert l'univers des danses traditionnelles corses avec A Squatriglia. Au collège, j'ai pu m'épanouir en développant un atelier théâtre et en m'impliquant dans la sensibilisation des élèves à la sécurité routière.
Fin 2001... Quelques semaines après le décès de ma grand-mère paternelle, Lucienne, emportée par la maladie d'Alzheimer, ma mère m'apprend qu'on lui a diagnostiqué... la maladie d'Alzheimer. Elle est effondrée car elle sait ce qui l'attend, cette lente dégradation du cerveau et tout ce qui s'en suit... Dans les premiers mois, où elle n'est même pas en arrêt maladie (l'Education nationale ne reconnaissait pas alors Alzheimer comme maladie de longue durée... si ! si !), on ne se rend pas vraiment compte qu'elle est malade, y compris moi... Je me dis que ça va prendre des années et je reçois régulièrement mes parents à Castellu, mes parents qui retrouvent chaque fois le Cap Corse avec plaisir, d'autant que c'est là qu'ils s'étaient connus en 1966 ou 1967, plus précisément à Roglianu, lors d'un voyage organisé par la paroisse de Nice où tous deux vivaient alors. Décidément, ce Cap Corse est dans la famille, d'autant qu'une de mes tantes corses, Angèle, aurait jadis été institutrice dans un village du Cap...
Bref, je me fais progressivement à l'idée que je vais passer en Corse toute ma vie... Et c'est une idée qui me plait. En Corse, comment l'expliquer ? je me sens en sécurité, loin des tourments que connaît notre époque. Dans une île, on est toujours plus en sécurité. Et puis, j'ai pris un peu l'accent. Je commence à avoir un réseau de relations, j'ai mes habitudes, comme les matchs de foot du Sporting Club de Bastia ou les sorties cinés et restos avec mes amis, Jean-Michel et Gilles notamment... sans parler des pots place Saint Nicolas et des étés du côté de Macinaghju avec Soleiman, Johan, Marine, Julie... Et, bien sûr, la vie au village... Aline, Solange, Pierrette... les longues soirées passées à refaire le monde après un excellent repas accompagné de coppa, de lonzu, de fromage de brebis à la confiture de figues et le vin du Cap...
Durant l'été 2003, le fameux été de la canicule, cet été au cours duquel ma soeur s'est mariée, je prends conscience de l'aggravation de l'état de ma mère. Pour les fêtes de fin d'année, je passe Noël avec mes parents puis la Saint-Sylvestre avec les Fred à Clermont. Sur le quai de la gare, je dis à Fred de Ceyrat que je vais demander à rentrer car ma mère est vraiment trop mal. Je pose ma demande de mutation...
Avril 2004... La fête du collège, au cours de laquelle mes élèves présentent des sketchs, des extraits... du "Malade Imaginaire" (que j'allais reprendre trois ans plus tard avec mes élèves de Tronget !!) et font une démonstration de quadrille corse... Mes parents assistent au spectacle. Je viens d'apprendre par internet que j'ai obtenu ma mutation, quelques heures auparavant... Je sais que c'est ma dernière fête avec mes chers collégiens de Luri... Le lendemain, je pleure toute la journée. Je crois que c'est l'un des jours de ma vie où j'ai le plus pleuré.
Fin août 2004, à bord du bateau, après avoir dit au revoir à tout le monde pour un dernier repas au café sur la place de Luri, je regarde s'éloigner le Cap Corse... Le lendemain, je commence à aménager dans mon nouvel appartement à Deux-Chaises... Ce n'est pas une page qui se tourne ni même un chapître qui se clot mais un tome de ma vie qui s'est refermé sur peut-être les cinq plus belles -en tout cas les plus riches et les plus intenses- années de ma vie...
Plus de quatre ans déjà ont passé et je ne suis pas encore retourné en Corse. Je crois que j'ai longtemps eu peur de ma réaction, car je crois bien que j'aurais pas envie d'en repartir ! Et puis, je m'étais juré intérieurement de n'y revenir qu'accompagné... Et puis le temps a passé... J'ai découvert le collège de Tronget où je me suis épanoui professionnellement, en développant un atelier théâtre, en m'impliquant dans la sensibilisation des élèves à la sécurité routière... Tiens, ça me rappelle quelque chose ! Et puis il y a des prénoms qui reviennent... Certains de mes collègues s'appellent... Gilles ou Jean-Michel. Il y a des coïncidences amusantes... Jusqu'à celle-ci... Dans le cadre du voyage des élèves de Tronget en Italie (organisé par ma collègue de latin, Martine) en 2009, ils vont dormir dans un hôtel de Santa Severa près de Rome... Santa Severa, qui est également le nom de la marine de Luri, Santa Severa... où allaient les élèves du Collège du Cap lors des voyages en Italie (bien sûr co-organisés par... ma collègue de latin, Aline).
J'ai (re) trouvé mes marques dans l'Allier... Je suis finalement retourné vivre à Moulins, la ville de mon enfance que j'aime tant. J'ai retrouvé la troupe de théâtre La Nouvelle Rampe. J'ai mes amis de Clermont, que je ne vois finalement pas plus que quand j'étais en Corse...
Je ne regrette rien. Il fallait que je rentre. J'ai pu, un tant soit peu, accompagner un peu ma mère et mon père au cours de ces sombres années... Et puis j'ai retrouvé l'esprit d'une troupe de théâtre. A Tronget, je suis heureux dans un petit collège rural où les élèves, s'ils n'ont pas le même accent qu'à Luri, sont tout aussi adorables. Et puis... "last but not least"... Si je n'étais pas rentré, je n'aurais jamais fait la connaissance de Valérie, qui m'accompagne dans la vie depuis presqu'un an.
Mais bon... la Corse me manque... J'y repense souvent, presque tous les jours. Mon ami Gilles de Bastia (et d'Ascu !) m'avait écrit, sur le livre d'or qu'on m'avait offert à mon départ de Luri, que "La Corse, on ne la quitte pas, on s'en absente"... Au fond de moi, je ne sais pas comment l'expliquer, je suis intimement persuadé que j'y retournerai... Je ne parle pas d'y retourner quelques jours pour des vacances. Non, y retourner pour y vivre... En sachant que j'ai aussi tant de choses qui me sont chères en Bourbonnais... ah ! la double identité !... Je ne sais pas quand, je ne sais pas comment, mais j'y retournerai, et cette fois-ci, j'y resterai pour de bon.
D'ici là... Il y a les nouvelles technologies... qui ont parfois du bon... Grâce à Copains d'Avant et FaceBook, j'ai retrouvé anciennes collègues et ancien(ne)s élèves du Cap...
Je concluerai par un extrait du meilleur album des aventures d'Astérix, "Astérix en Corse", quand Ocaterinetabellatchitchix sent le parfum de son île après un exil forcé sur le Continent... "Attendez !... Ce parfum !... Ce parfum léger et subtil, fait de thym et d'amandier, de figuier et de châtaignier... et là encore, ce souffle imperceptible de pin, cette touche d'armoise, ce soupçon de romarin et de lavande... Mes amis !... Ce parfum... C'est la Corse !"
Astérix en Corse, le seul album auquel ses auteurs, Goscinny et Uderzo, décidèrent de rédiger un préambule... où ils évoquent cette île, un de ces "endroits privilégiés du globe qui ont une caractère, une forte personnalité", "le pays de la vendetta, de la sieste, des jeux politiques compliqués, des fromages vigoureux, des cochons sauvages, des châtaignes, des succulents merles moqueurs et des vieillards sans âge"... C'est aussi le pays des Corses... "que l'on décrit comme individualistes -alliant l'exubérance à la maîtrise de soi-, nonchalants, hospitaliers, loyaux, fidèles en amitié, attachés à leur pays natal, éloquents et courageux"... Mais les Corses sont "plus que tout cela. Ils sont susceptibles."
Salute a tutti !
A prestu !

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