Tout d’abord, je tiens à préciser que j’ai lu ce roman, et en une journée, tellement j’étais «pris» par l’histoire, grâce au style de Dan BROWN, proche de celui de Mary Higgins CLARK : petits chapitres avec un rebondissement appelant la suite... J’ai simplement trouvé la fin plutôt grotesque : les retrouvailles en Ecosse m’ont fait penser à « La Petite Maison dans la Prairie » et l’épilogue avec Marie-Madeleine enterrée dans la Pyramide du Louvre prête largement à sourire... Ensuite, rassurez-vous, je ne vais pas faire d’ultimes révélations sur le sens secret de tel ou tel chapitre...
Mais c’est un bon roman d’aventures. Par contre, ce qui m’énerve, m’agace, voire me fatigue, c’est tous ces lecteurs qui ont redécouvert le monde avec ce roman, et tous les auteurs de guides, contre-guides et contre-contre-guides démystifiant tel ou tel point... Ils ont oublié qu’on a affaire à un roman d’aventures. C’est aussi absurde que d’étudier l’histoire de France en partant des romans d’Alexandre DUMAS ou d’imaginer que l’Arche d’Alliance est dans un entrepôt à Washington (cf. «Les Aventuriers de l’Arche perdue»). Ici, suite à la lecture de l’ouvrage de Dan BROWN, des milliers de personnes sont persuadées que l’Eglise leur ment depuis deux mille ans (pas forcément faux) en leur cachant la liaison entre Jésus et Marie de Magdala, liaison de laquelle serait née Sarah, ancêtre des rois mérovingiens... L’un des indices de cette liaison est le tableau de «La Cène», superbe oeuvre de Léonard De Vinci... Je vous la fais courte... Et la machine à fantasmes et à contre-vérités est lancée...
Quelques rappels par rapport aux "affirmations" tirées de ce roman. Tout d’abord, Jésus, on ne sait même pas s’il a vécu : il n’existe aucune trace archéologique et pas de traces historiques sinon les écrits chrétiens. Bon, mettons qu’il ait existé... Il est décrit par des Evangiles, dont certains ont été retenus par les églises et d’autres non. Les évangiles non retenus ont pris le nom d’apocryphes : cachés. Mais ils ne le sont plus car on peut les trouver chez tout bon libraire !! En l’occurrence, Dan BROWN cite
«L’Evangile selon Philippe» où sont évoqués les baisers échangés entre Jésus et Marie de Magdala. Ce texte n’est pas secret... Le choix de garder tel ou tel évangile fut un processus long qui prit des siècles et qui est très bien connu et décrit par de nombreux ouvrages contant l’histoire des conciles et les débats houleux qui ont animé l’Eglise ou plutôt les églises... Après tout, la liste officielle («le canon») et définitive des livres composant la Bible Catholique date du Concile de Trente, soit du XVIème siècle...
Dan BROWN évoque le tableau de «La Cène» par De Vinci et il en fait un de ses principaux arguments sur le complot de l’Eglise depuis 2000 ans. Or, ce tableau, censé décrire un événement de la vie du Christ, a été réalisé plus de quatorze siècles plus tard. Si De Vinci était au courant de quelque chose de secret quinze siècles après c’est que l’Eglise n’a pas su cacher ce fameux secret. Et, en plus, les curés ont été tellement bêtes qu’ils ont laissé ce tableau accroché dans un monastère. La vérité est plus simple : Jean, «le disciple bien-aimé» (ce qui, d’ailleurs, a permis à certains d’évoquer une hypothétique homosexualité de Jésus comme Prieur et Mordillat dans «Jésus contre Jésus»), est représenté en jeune homme presque féminin dans nombre de tableaux de la Renaissance. Et on soupçonne même De Vinci d’avoir peint un de ses amants. Quant à la main en trop, c’est effectivement un mystère, mais déduire d’une main le mariage du Christ, le complot, etc... etc... c’est aller vite en besogne.
Dan BROWN parle d’une notion obscure, l’Eternel Féminin, et nous explique que l’Eglise, en voulant nier l’existence de Marie de Magdala (qui est quand même, selon les évangiles officiels, celle qui annonce la Résurrection de Jésus... pour quelqu’un qu’on oublie elle a un rôle plutôt important !...), a tout fait pour nier le rôle des femmes... Ce ne sont ni les Juifs ni les Chrétiens qui avaient une vision négative de la femme. C’est malheureusement un point partagé par toutes les civilisations ou presque que de nier l’Humanité à la moitié de celle-ci. Allez où vous voudrez, vous verrez des femmes opprimées. Le Judaïsme et le Christianisme ne sont pas à l’origine de l’asservissement de la femme. L’auteur évoque même une scène délirante, étonnamment peu relevée : il parle de célébrations orgiaques dans le Temple de Jérusalem, d’unions entre prêtres et prostituées sacrées... Il mélange tranquillement des rites romains et grecs et les transpose dans le monde hébreu...
Le top, c’est l’idée que Jésus et Marie de Magdala ont eu une descendance et que cette héritière s’est établie en France et est à l’origine des Mérovingiens. Génial ! Enfin un auteur américain qui aime la France et l’aime tellement qu’il lui donne une dynastie royale d’origine divine... Divin ! C’est le cas de le dire... Une affirmation tellement énorme que, même les personnes qui encensent le roman, en disant qu’il leur a tout appris, sont gênées et reconnaissent que, là, il va un peu fort dans son délire...
La plupart des théories fumeuses du «Da Vinci Code» se trouvent dans «L’Enigme sacrée», un ouvrage écrit par trois pseudo-historiens anglais et qui connut un certain succès de librairie dans les Années 1980 (il a été récemment réédité aux éditions J’ai lu). Le seul vrai reproche que je ferai à Dan BROWN, c’est de ne pas citer cet ouvrage qu’il a allégrement utilisé. Les auteurs, qui enquêtèrent sur le fameux abbé Saunières, son trésor supposé et sa tour de Magdala, mêlent les sources, les personnages d’époques diverses et élaborent des hypothèses délirantes. J’ai tenté de lire leur bouquin, j’ai attrapé une grosse migraine avant la cinquantième page.
Pour conclure, je dirai qu’il est un peu délirant de chercher des vérités historiques dans un roman d’aventures. Le thème du complot est un classique qui marche toujours. Dan BROWN use et abuse de cette ficelle. Dans un autre de ses romans il évoque les Francs-Maçons qui font fantasmer beaucoup de monde depuis deux siècles... Et j’aurai une petite réflexion personnelle. Si l’on suppose que Jésus a existé et qu’il était persuadé d’être le Messie (je ne dis pas qu’il l’était, car cela relève de la foi ou non de chacun, mais je dis que lui en était persuadé), qu’il savait ce qui l’attendait, il ne pouvait se permettre de prendre une épouse et surtout d’avoir des enfants, puisqu’il savait qu’il allait à la mort. Et, quand bien même il aurait été amoureux, et alors ? On nous aurait menti ?!... De toute façon, il faudrait se rappeler que l’on a affaire ici à un roman. Enfin, clin d’oeil, si il y avait depuis deux mille ans un complot pour nous cacher la vérité (la chanson de Dutronc : «On nous cache tout, on nous dit rien»), eh bien, le complot, il a échoué car quand on voit le nombre d’exemplaires de ce roman qui ont été vendus... Le secret a été mal gardé ! Le Prieuré de Sion a bien fait son boulot !!!
2 commentaires:
Voici le commentaire d'Isabelle, avec lequel je ne peux être que d'accord :
"Salut Jean-François,j'ai bien aimé ton billet.Je partage largement ton
opinion . Pour ma part ,j'ai bien compris qu'il s'agit d'un bon roman
d'aventures,mais le reproche que je fais à l'auteur ,c'est de s'être permis
de prétendre que tout ce qu'il raconte est VRAI. Et ,en définitive, cela lui
enlève même son mérite de "créateur ,d'inventeur ".Na. Bisous Isabelle"
C'est vrai que ce qui est gênant dans ce roman, c'est la préface où il affirme que tout est vrai, introduisant le doute et la confusion chez le lecteur peu au fait de la réalité historique...
J'ai également adoré ce roman, que j'ai littéralement dévoré!! Passionnant!! Le seul petit bémol est en effet le fait qu'il dise que tout est vrai, mais cela ne fait-il pas partie de l'aura de mystère qui entoure ce livre ?
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